S'abonner
Se connecter
logo du site ledesk
Newsroom
Le meilleur de l’actualité au fil des événements

Connectez-vous

Mot de passe oublié ?

Abonnez-vous !

Découvrez l'offre de lancement du Desk

60 DH
1 mois
Découvrir les offres
03.11.2016 à 13 H 45 • Mis à jour le 03.11.2016 à 13 H 50
Par
Affaire Belliraj

A l’ONU, le Maroc est requis de libérer Abdelkader Belliraj et de lui accorder réparation

Abdelkader Belliraj, belgo-marocain né en 1957, est notamment accusé d’avoir joué un rôle dans l’assassinat de six individus à Bruxelles entre 1988 et 1989, dont le Dr. Joseph Wybran, alors Président du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB), et le recteur de la grande mosquée de Bruxelles. ABDELHAK SENNA / AFP
Dans son avis daté de fin octobre 2016, dont Le Desk a obtenu copie, le Groupe de travail sur la détention arbitraire recommande au royaume de procéder à la libération d’Abdelkader Belliraj, condamné en 2009 à la prison à vie pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et « constitution de groupe terroriste ».

Le Groupe de travail sur la détention arbitraire dépendant du Haut commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme à Genève a établi un document daté le 28 octobre faisant acte de l’avis adopté cet été sur le cas d’Abdelkader Belliraj, détenu au Maroc depuis 2008 pour faits de terrorisme. Celui-ci indique que « l’arrestation et la détention continue (de Belliraj) sont arbitraires (…) et que le gouvernement du royaume du Maroc a l’obligation d’y mettre fin et d’accorder à la victime une réparation appropriée ».

 

Dans cet avis du 23 août 2016, dont Le Desk a obtenu copie du draft confidentiel, et dont les conclusions seront mentionnées dans le rapport du Groupe de travail au Conseil des Droits de l’Homme, une source présentée comme « hautement crédible » a transmis des informations de première main sur les conditions d’arrestation sur la voie publique à Marrakech en janvier 2008 par des civils ne disposant pas de mandats, son transport les yeux bandés vers un lieu inconnu identifié comme étant une caserne militaire, sa détention secrète pendant 28 jours, ainsi que les mauvais traitements qu’il y aurait subis.


Extrait de l'avis adopté par le Groupe de travail sur la détention arbitraire daté du 21 octobre 2016. UNHR


Des « aveux obtenus sous la contrainte »

Selon les informations entérinées par le Groupe de travail onusien, à l’issue de ces mauvais traitements, Belliraj aurait été contraint d’apposer sa signature sur des documents qui lui ont été présentés par les auteurs allégués des actes de torture auxquels il aurait été soumis. Ces documents établissaient notamment qu’il reconnaissait avoir joué un rôle dans l’assassinat de six individus à Bruxelles entre 1988 et 1989, dont le Dr. Joseph Wybran, alors Président du Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique (CCOJB), et le recteur de la grande mosquée de Bruxelles.


La source du Groupe onusien allègue que Belliraj a été transféré dans les locaux de la police judiciaire le 16 février 2008, alors que dès le 19 janvier, sa famille avait signalé sa disparition à la police qui avait affirmé ignorer son sort. Ce n’est qu’à l’occasion d’une conférence de presse organisée le 20 février 2008, par Chakib Benmoussa, alors ministre de l’Intérieur, que son épouse a appris son arrestation. Durant ce point presse, Benmoussa avait annoncé « le démantèlement d’un réseau terroriste créé en 1992, proche d’Al Qaida et composé d’islamistes radicaux, qui aurait envisagé de mener des actions terroristes sur le sol marocain ». A cette occasion, Abdelkader Belliraj a été présenté comme le chef de cette organisation terroriste composée d’une trentaine de personnes. Le ministre avait alors déclaré avoir procédé à l’arrestation de Belliraj le 18 février 2008 à son arrivée à l’aéroport Mohammed V de Casablanca.


29 mars 2006. Chakib Benmoussa alors ministre de l'Intérieur. ABDELHAK SENNA / AFP


Des rapports d’enquêtes médiatiques avaient alors mis en doute les liens présentés à l’époque entre les membres de ce supposé groupe comprenant des personnes appartenant au courant islamiste, mais aussi des politiques.


Le 16 octobre 2008, s’ouvrait le procès dit du « Groupe Belliraj » sous l’accusation principale « d’atteinte à la sûreté de l’Etat » et avec « des aveux comme seuls éléments à charge (…) les avocats de la défense ayant démontré que les pièces de la procédure avaient été falsifiés », notamment concernant les dates d’arrestation des mis en causes, reprend l’avis formulé par le Groupe de travail.


Le 28 juillet 2009, soit la veille de la clôture du procès, « des armes à feu ont été présentés aux médias comme appartenant aux accusés (…) mais celles-ci n’avaient pas été scellées, ni accompagnées de procès-verbal de saisie ». Aucune expertise d’identification des empreintes digitales ou génétiques n’aurait été menée pour établir un lien avec les personnes poursuivies, peut-on lire aussi en substance dans le rapport du Groupe du travail. Le lendemain, le jugement était prononcé par la condamnation des 35 accusés à de lourdes peines, dont principalement Belliraj à la prison à vie. Le 16 juillet 2010, la Cour d’appel de Rabat a confirmé le verdict que la Cour de cassation a rendu définitif un an plus tard.


Le Secrétaire général du parti islamo-gauchiste Al-Badil Al-Hadari interdit, Mohamed Moatassim (d), et son adjoint Mohammed Amine Regala (g) à leur arrivée à la cour anti-terroriste du tribunal de Salé le 6 février 2009. ABDELHAK SENNA / AFP


En Belgique, pays de résidence habituel de Belliraj et théâtre des faits qui lui sont reprochés, la veuve du Dr Wygan, assassiné à Bruxelles en 1989 a requis la réouverture de la procédure judiciaire. Le 25 octobre 2013, le parquet fédéral belge a requis pour sa part un non-lieu au motif que « les aveux relatifs à ces assassinats avaient été obtenus sous la contrainte et qu’ils étaient par conséquent inutilisables devant une Cour d’assises ».


Le 17 avril 2015, la chambre du Conseil du tribunal de première instance de Bruxelles a rappelé par ordonnance la position du Ministère public fédéral qui a considéré « plausible et crédible », l’hypothèse selon laquelle les déclarations de Belliraj « aient été recueillis sous la torture ».


Une réponse du Maroc jugée insuffisante

Le gouvernement marocain a dûment répondu à la communication qui lui a été envoyée par le Groupe de travail onusien le 20 août 2016. Mais selon son avis, « dans cette réponse, le gouvernement s’est contenté de réfuter les allégations de violations sans rapporter d’éléments de preuve à l’appui d’une telle réfutation ».


Le présumé kamikaze Hicham Doukkali à son arrivée le 16 octobre, 2008 au tribunal de Salé dans le cadre du procès dit du Groupe Belliraj. ABDELHAK SENNA / AFP


De l’avis du Groupe de travail, deux violations majeures caractérisent ce dossier, celle de normes de procédure, et celle s’agissant de fond à la justice pénale qui veut qu’une confession obtenue sous la contrainte soit sans valeur dans toute procédure pénale. Enfin estime le Groupe de travail, « pour rendre la situation encore plus grave, les juges successifs dans la procédure au Maroc, ont failli à leur devoir de prendre en considération les arguments de la défense, notamment lorsque l’accusé affirme avoir été torturé. La moindre des choses aurait été d’ordonner une enquête en bonne et due forme pour déterminer la vérité avant d’aller de l’avant, surtout quand ils aboutissent à la condamnation de l’accusé avec les confessions retenues au terme de ces tortures. Cela dénote d’un manque d’indépendance de représentants du pouvoir judiciaire qui mériterait une appréciation plus approfondie à travers la procédure spéciale la plus appropriée ».

 

Enfin, le Groupe de travail requiert au gouvernement marocain de lui fournir des informations sur les mesures prises à la suite des recommandations « dans les six mois suivant la date de la transmission de l’avis ».

©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite