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24.06.2025 à 07 H 56 • Mis à jour le 01.07.2025 à 21 H 28
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Économie

Le Maroc et la Turquie s’entendent sur une refondation de leur accord de libre-échange

Omar Hejira, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, et Mustafa Tuzcu, vice-ministre turc du Commerce, à Ankara, le 23 juin 2025. Crédit : T.C. Ticaret Bakanlığı
À Ankara, Rabat a obtenu de son partenaire turc une série de mesures concrètes pour rééquilibrer une relation commerciale marquée par un fort déficit. L’accord de libre-échange, en vigueur depuis 2006, entre désormais dans une phase de réajustement, avec des engagements bilatéraux axés sur la production conjointe, l’accès préférentiel, l’investissement et l’intégration industrielle

Depuis plusieurs années, les échanges commerciaux entre le Maroc et la Turquie progressent en volume, mais le déséquilibre qu’ils génèrent est devenu une source de tension croissante. Selon les dernières données de l’Office des changes, le déficit commercial du Maroc a augmenté de 22,8 % au cours des quatre premiers mois de 2025, atteignant 108,9 milliards de dirhams (MMDH). Derrière les États-Unis et la Chine, la Turquie figure désormais au troisième rang des partenaires avec lesquels le Royaume enregistre les déficits les plus importants.


Le déficit bilatéral avec Ankara, estimé à 3 milliards de dollars (MM $) et perçu à Rabat comme structurellement problématique, s’explique en grande partie par les importations turques de textiles et de vêtements, dont la pression sur l’industrie locale a conduit, dès 2020, à l’instauration par le Maroc de droits de douane de 90 %. Malgré cela, les flux sont restés fortement déséquilibrés. 


Le Maroc veut désormais un changement de paradigme et entend conditionner le maintien des avantages douaniers turcs à des engagements en matière d’investissement, notamment dans l’industrie. La logique défendue par Rabat repose sur trois piliers : compenser le déséquilibre commercial par une implication réelle des entreprises turcs dans l’économie marocaine, faire évoluer les échanges vers une production conjointe tournée vers l’export, et intégrer les chaînes de valeur turco-marocaines dans des marchés tiers, en particulier dans le secteur textile.


C’est dans cet esprit que le Maroc et la Turquie ont amorcé, le lundi 23 juin à Ankara, une nouvelle étape dans la gestion de leur partenariat commercial. Co-présidée par Omar Hejira, secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, et Mustafa Tuzcu, vice-ministre turc du Commerce, la 6e session de la commission conjointe de suivi de l’accord de libre-échange (ALE) a permis aux deux parties de dresser un état des lieux et d’arrêter une nouvelle feuille de route. Objectif : sortir d’une relation déséquilibrée et construire une coopération fondée sur la complémentarité et le partage équitable des bénéfices. À l’issue des travaux, un communiqué conjoint a été publié, fixant une série de mesures précises.


Relancer les échanges tout en corrigeant les déséquilibres

Premier engagement acté : renforcer la coopération bilatérale en vue d’augmenter le volume des échanges commerciaux, aujourd’hui proche de 5 milliards de dollars (MM $). Mais cette croissance doit s’inscrire dans une logique de réciprocité, avec une attention particulière portée à la manière dont les industries de transformation des deux pays peuvent se compléter plutôt que se concurrencer.


Dans cette optique, la partie marocaine a obtenu que soit engagée une réflexion sur l’élargissement de son accès préférentiel au marché turc. L’agriculture est en première ligne : Rabat plaide depuis plusieurs années pour un meilleur traitement de ses produits agricoles, jusqu’ici freinés par des barrières techniques et commerciales.


Pour accompagner la mise en œuvre des objectifs convenus, les deux gouvernements ont décidé d’instituer une ligne de communication directe entre leurs ministères du Commerce. Ce canal doit permettre de lever rapidement les obstacles identifiés, améliorer la balance commerciale, et assurer une coordination fluide sur les aspects techniques de l’accord.


Produire ensemble, investir ensemble

Le renforcement du partenariat passe aussi par un volet investissement. Les deux pays se sont engagés à organiser, d’ici un an, un forum des affaires et de l’investissement turco-marocain. Cette initiative, pensée comme une plateforme de rencontres entre opérateurs économiques, sera accompagnée de conférences et d’événements destinés à promouvoir les projets conjoints.


L’une des évolutions majeures réside dans la volonté affichée de produire ensemble. Les deux gouvernements ont convenu de renforcer leur coopération dans les chaînes d’approvisionnement textile, secteur historiquement déséquilibré en faveur de la Turquie, en misant sur la notion de production conjointe. L’idée : associer les capacités industrielles des deux pays pour cibler des marchés extérieurs, en valorisant l’avantage compétitif de chacun.


Au-delà du textile, le Maroc et la Turquie souhaitent désormais développer leurs relations économiques dans d’autres domaines connexes. Il est question d’intensifier la coopération en matière de consultations intergouvernementales, de services de conseil technique, de projets d’infrastructure et de fourniture de biens. L’accord de libre-échange devrait servir de levier pour positionner les entreprises turques sur les grands projets que le Maroc s’apprête à accueillir dans les années à venir.


Structurer la relance par filières

Pour inscrire cette dynamique dans la durée, les deux parties ont également convenu d’organiser des activités de promotion commerciale conjointes, structurées par filière. Il s’agira notamment de déployer des délégations commerciales sectorielles et d’intensifier les rencontres B2B. Ces missions, ciblées et bilatérales, devront permettre de faire émerger des partenariats concrets, au service des économies réelles des deux pays.


En parallèle de la session politique, le comité technique bilatéral chargé du suivi de l’ALE a tenu sa propre réunion. Il a dressé un bilan des échanges, recensé les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques, et proposé des mécanismes pour dynamiser la coopération. Ce comité jouera un rôle central dans l’exécution des engagements pris à Ankara, et dans l’évaluation de leurs résultats.


Le Maroc n’envisage plus la relation avec la Turquie sous le seul prisme du libre-échange tarifaire. Le Royaume exige désormais un retour équilibré sur ses concessions et une participation turque accrue à ses chantiers économiques et industriels. La séquence d’Ankara ouvre cette possibilité. Mais la mise en œuvre concrète des engagements sera déterminante. À défaut, la perspective d’une renégociation formelle de l’accord reste entière.

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