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10.02.2025 à 15 H 21 • Mis à jour le 10.02.2025 à 23 H 16 • Temps de lecture : 5 minutes
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Architecture Impression 3D en terre crue: trois Marocains derrière un projet nommé aux ArchDaily Awards

Trois Marocains font partie de l’équipe derrière un projet nommé pour les ArchDaily Building of the Year Awards : un bâtiment imprimé en 3D avec de la terre crue, réinterprétant les techniques traditionnelles pour proposer une alternative écologique et durable à l’architecture contemporaine. Développés par l’Institut d’Architecture Avancée de Catalogne (IAAC) à Barcelone, les prototypes Tova et Teixit montrent que l’alliance entre savoir-faire ancestral et nouvelles technologies peut révolutionner la construction durable

Depuis des siècles, la terre crue a été un matériau essentiel en architecture pour ses avantages écologiques, économiques et thermiques. Cependant, elle a été progressivement remplacée par des matériaux plus industrialisés comme le béton, dont l’empreinte carbone est particulièrement élevée. Aujourd’hui, l’impression 3D en terre crue, une technique encore émergente, pourrait permettre de revisiter ce savoir-faire ancestral tout en s’adaptant aux défis contemporains.


C’est dans cette optique que l’Institut d’Architecture Avancée de Catalogne (IAAC), basé à Barcelone, a développé dans le cadre du programme 3dpa (3dprinting architecture), une série de prototypes qui interrogent l’avenir de la construction durable. Avec la participation de jeunes chercheurs et architectes du monde entier, dont trois Marocains - Mouaad Laalou, Mehdi Harrak et Sara Ayoub - l’institut a jusqu’à présent conçu deux bâtiments imprimés en 3D à partir de terre crue : Tova et Teixit. Un projet nommé pour les ArchDaily 2024 Building of the Year Awards.


Les deux prototypes montrent que l’impression 3D permet non seulement de réinterpréter des savoir-faire anciens, mais aussi d’apporter de nouvelles solutions adaptées aux enjeux contemporains de l’architecture durable.


Le prototype Tova (2022) : premier essai

Tova est le premier prototype construit en 2022. Il a permis de tester la faisabilité de l’impression 3D en terre crue pour un bâtiment. Il a été imprimé directement sur le site en utilisant la terre excavée dans les environs. La terre a été mélangée avec de l’eau et des fibres naturelles pour lui donner plus de solidité. Le bâtiment a été conçu pour être autoportant, c’est-à-dire qu’il tient debout tout seul, sans avoir besoin de renforts en béton ou en métal.


Ce prototype est important pour plusieurs raisons. D’abord, il prouve qu’un bâtiment en terre imprimé en 3D peut être construit en quelques semaines seulement, offrant une rapidité de mise en œuvre inégalée. Ensuite, il met en avant un avantage écologique majeur : l’utilisation de matériaux locaux, supprimant ainsi le besoin d’importer des briques ou du ciment, qui sont souvent très polluants. Enfin, il est énergétiquement efficace, car la terre crue possède de bonnes propriétés thermiques, permettant de garder l’intérieur du bâtiment frais en été et chaud en hiver. Sur ce prototype : Mouaad Laalou et et Mehdi Harrak sont les architectes marocains impliqués dans la construction de ce bâtiment en 3D.


Le prototype Teixit (2024) : une version plus avancée

Construit en 2024, le deuxième prototype Teixit explore une nouvelle approche : intégrer des ouvertures dans les murs imprimés en 3D sans en compromettre la solidité.


Ce bâtiment a été conçu avec des murs de 50 cm d’épaisseur, intégrant de multiples petites ouvertures. Il s’inspire du moucharabieh, un élément architectural traditionnel que l’on retrouve souvent dans les pays arabes et qui permet de filtrer la lumière et l’air tout en préservant l’intimité des occupants. Grâce à l’impression 3D, ces ouvertures ont été créées directement dans la structure, sans nécessiter de renforts externes. De plus, un toit en bois a été ajouté après l’impression des murs, apportant une stabilité supplémentaire à l’ensemble.


L’innovation de Teixit repose sur plusieurs éléments clés. D’abord, il permet de faire entrer la lumière naturelle sans fragiliser la structure, grâce à un calcul précis des ouvertures. Ensuite, il améliore la ventilation naturelle du bâtiment, ce qui limite la surchauffe et réduit le besoin de climatisation. Enfin, il offre une meilleure gestion de l’intimité, puisque les ouvertures sont placées de manière stratégique pour éviter les regards indiscrets. Ce bâtiment a notamment reçu le prix Bauhaus Européen et a été exposé à la Biennale de Venise.


Architecture vernaculaire et architecture contemporaine

Sara Ayoub, architecte franco-marocaine, a été chargée de la coordination du chantier de Teixit et mène une recherche aux côtés d’Édouard Cabay et Alexandre Dubor, directeurs du programme, sur l’intégration des techniques traditionnelles comme source d’inspiration pour l’impression 3D en terre crue. À travers ses collaborations, actuellement avec l’agence Studio KO à Marrakech, Sara explore les synergies entre l'architecture vernaculaire et une architecture contemporaine. Cette démarche s’inscrit également dans une approche expérimentale explorant la formalisation de la terre sous ses différents états et échelles, de la poterie au bâtiment.


« Ce prototype a mobilisé des corps de métier aux compétences diverses, alliant un travail manuel d’une part, de l’excavation au mélange de la terre ainsi qu’une organisation du chantier rigoureuse. Mais d’autre part un travail digital reposant sur une interaction constante avec une machine. Ce projet explore comment un savoir-faire ancestral peut être réinterprété dans une pratique contemporaine. L’objectif de cette technologie n’étant pas juste de reproduire une architecture qu’on connaît mais aussi d’explorer quelles nouvelles qualités constructives, climatiques et spatiales elle peut générer. Par exemple, la technique de claustra développée par Hassan Fathy en Egypte a inspiré pour alléger et perforer le mur en terre crue du prototype qui traditionnellement est opaque et massif. Au sud du Maroc, on utilise des couches de pierre saillantes en pierre ou en briques de terre cuite pour protéger les murs en terre contre la pluie, dans le prototype ça s’illustre par la création de couches saillantes en terre », explique Sara Ayoub.


Dans un contexte de reconstruction où les savoir-faire traditionnels tendent à se perdre, Sara Ayoub souligne l'importance de s’appuyer sur des technologies modernes telles que les presses mécaniques, les blocs de pisé préfabriqués ou encore l’impression 3D, qui illustrent le renouveau du matériau terre. Elle rappelle que les générations passées possédaient une intelligence constructive leur permettant d’ériger des structures solides et durables. Selon elle, revisiter ces techniques anciennes est essentiel pour préserver ce patrimoine, d’autant plus dans le sillage du séisme qui a frappé le Maroc. C’est dans cette optique que l’association Labina s’est engagée, notamment à travers le guide parasismique développé en collaboration avec Oussama Moukmir, Khalil Morad Elghilali, Myriame Alioualla, Mehdi Harrak et elle-même, afin de transmettre et d’adapter la culture constructive locale aux exigences parasismiques actuelles.

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