n°981.Hydrocarbures: comment a évolué le marché depuis les engagements pris par les pétroliers ?
Liées, depuis novembre dernier, par les accords conclus avec le Conseil de la concurrence, les neuf sociétés impliquées dans des pratiques anticoncurrentielles sur le marché de la distribution des hydrocarbures auraient fait du progrès en termes de corrélation entre les coûts d'achat et les prix de vente à la pompe. C’est ce qui ressort du deuxième reporting trimestriel du conseil présidé par Ahmed Rahhou et qui relève que les marges brutes dégagées par les pétroliers concernés ont baissé au cours du premier trimestre 2024, alors que les hausses partielles des coûts n'ont pas été répercutées.
Cette baisse des marges, résultat d’une diminution des prix à la pompe conjuguée à une hausse des coûts d’achat a été enregistrée alors que les importations ont continué d’augmenter parallèlement à l’élargissement des capacités de stockage et des réseaux de distribution. Globalement, « en termes de corrélation, il ressort que les prix de cession et, indirectement, les prix de vente de gasoil et d’essence sur le marché national suivent globalement les tendances des cotations de ces produits à l’international ainsi que les fluctuations des coûts d’achat pondérés aux variations des stocks, avec néanmoins quelques écarts, surtout dans le cas de l’essence », souligne le rapport, ajoutant que « les prix de cession du gasoil ont affiché une légère baisse ».
Cependant, note la même source, « ce constat doit être relativisé, eu égard à la durée réduite de la période examinée, portant sur un seul trimestre, et compte tenu des conclusions du Conseil de la concurrence dans son précèdent reporting concernant l’année 2023 (qui avait, ndlr) conclu que ce marché se caractérise par des pratiques et comportements de rattrapage appliqués par les sociétés de distribution entre les périodes de hausse et de baisse. Cela signifie qu’il est courant d’observer un décalage dans l’application des fluctuations, soit en lissant la répercussion de la hausse du coût d’achat, soit en différant l’application de sa baisse sur le prix de cession sur plusieurs périodes ».
Variations hétérogènes des cotations des prix
Pour évaluer les dynamiques sur le marché des hydrocarbures au cours des trois premiers mois de 2024, le Conseil de la concurrence a commencé par examiner dans un permier temps l’évolution des cotation CIF (cost, insurance and freight en anglais, soit une cotation comprend tous les frais nécessaires pour acheminer les produits importés jusqu’aux ports marocains) à l’international et des prix de cession au niveau national pour l’ensemble des acteurs.
Cet exercice a révélé des tendances de variations hétérogènes des cotations CIF par rapport au prix de vente à la pompe, aussi bien pour le gasoil que pour l’essence, indique la même source. Dans le détail, pour le gasoin, la somme des variations des cotations CIF de toutes les quinzaines de ce trimestre a enregistré une augmentation de 0,5 dirham par litre (DH/L), tandis que le prix de vente à la pompe a enregistré une légère diminution d’environ 0,21 DH/L.
Quant à l’essence, la cotation CIF moyenne trimestrielle a augmenté de 1,15 DH/L, tandis que le prix de vente est resté pratiquement inchangé avec une variation marginale de -0,06 DH/L. Au titre de ce trimestre, la cotation CIF moyenne de l’essence s’est élevée à 8,11 DH/L, avec un prix de vente moyen d’environ 14,77 DH/L.
Des prix réduits, malgré des coûts en hausse
Alors que les coûts d’achat à l’international ont grimpé en cours des premiers mois de l’année, les prix à la pompe appliqués par les pétroliers suivis par le Conseil de la concurrence ont diminué. Selon les donnée du rapport, le coût d’achat moyen subi par ces sociétés a atteint au cours de cette période 10,18 DH/L pour le gasoil, avec un minimum de 10,00 DH/L enregistré à la deuxième quinzaine de janvier et un maximum de 10,34 DH/L à la dernière quinzaine du trimestre. Pour l’essence, le coût d’achat moyen pondéré est de 10,86 DH/L, avec un minimum de 10,69DH/L et un maximum de 11,18 DH/L.
Le prix de cession moyen du marché s’est quant à lui établi à 11,45 DH/L pour le gasoil et à 12,72 DH/L pour l’essence. Le coût d’achat du gasoil a enregistré une hausse marginale de bien 0,15DH/L, tandis que le prix de cession, après avoir connu une baisse de 0,30 DH/L entre la première moitié et deuxième moitié de janvier, est resté stable autour de 11,40 DH/L. S’agissant de l’essence, le prix de cession moyen du marché n’a subi aucun changement et est resté inchangé à environ 12,72 DH/L, alors que le coût d’achat moyen pondéré a affiché une évolution haussière, passant de 10,79 DH/L à 11,18 DH/L entre le début et la fin du trimestre.
L’évolution des cotations CIF et des coûts d’achat des deux carburants ont connu une tendance haussière pour les neuf sociétés concernées, avec toutefois une augmentation des cotations supérieure à celle des coûts d’achat, respectivement de 0,47 DH/L et 0,15 DH/l pour le gasoil, et de 1,15 DH/L et 0,39 DH/L pour l’essence. Quant à l’évolution des prix de cession appliqués par les différentes sociétés concernées, la moyenne des variations enregistrée au 1er trimestre de 2024 est de -0,31 DH/L pour le gasoil et de -0,06 DH/L pour l’essence, quasi identiques chez tous les opérateurs.
Le marché a ainsi connu évolutions différenciées des coûts d’achat et des prix de cession, où les variations des cotations CIF et des coûts d’achat ont augmenté, tandis que les prix de cession se sont inscrits dans un trend décroissant. En conséquence, « il s’avère d’une part que l’augmentation des cotations à l’international a eu un impact partiel sur les coûts d’achat des opérateurs concernés, et d’autre part que cette hausse n’a pas été répercutée sur les prix de cession au niveau national. Au contraire, ces derniers ont connu une diminution », indique le conseil de la concurrence.
Des marges commerciales brutes moyennes par litre vendu
Avec cette baisse des prix de vente, les marges brutes réalisées par les neuf pétroliers ont à leur tour reculé. Cette diminution des marges brutes, a été influencée par l’évolution des coûts d’achat et des prix de cession. « En effet, la tendance baissière des marges brutes constatée à partir du mois de février coïncide avec la période du trimestre où les coûts d’achats ont partiellement augmenté alors que les prix de cession sont restés inchangés », explique l’institution chapeautée par Rahhou.
Selon les données analysée par le Conseil de la concurrence, la marge brute moyenne pondérée réalisée par ces société s’est élevé au premier trimestre de 2024 à 1,46 DH/L pour le gasoil et à 2,07 DH/L pour l’essence. Au cours de cette période, les marges brutes moyennes pondérées dégagées sur la vente du gasoil, ont oscillé entre un minimum de 1,24 DH/L et un maximum de 1,69 DH/L, tandis que celles de l’essence ont maintenu des niveaux relativement élevés, variant entre un minimum de 1,76 DH/L et un maximum de 2,26 DH/L.
Cette tendance baissière a concerné presque l’ensemble des sociétés concernées, avec une diminution de 0,45 DH/L des marges réalisées sur le gasoil entre le début de l’année et fin mars dernier. Les marges brutes réalisées sur les ventes de l’essence ont quant à elles emprunté deux trajectoires contraires au cours de la même période, avec un pic à la première moitié de février 2024. Le conseil de la concurrence relève dans ce cens une première période allant de la première quinzaine de l’année à fin février, caractérisée par une légère tendance haussière des niveaux de marges brutes de 2,11 DH/L à 2,26 DH/L, soit un écart de 0,15 DH/L. Celle-ci a ensuite été suivie d’une tendance à la baisse au cours de la deuxième période couvrant les trois dernières quinzaines du trimestre, où les marges brutes ont connu une diminution de 0,39 DH/L, passant de 2,15 DH/L à 1,76 DH/L.
Des importations en hausse et renforcement de la capacité de stockage-distribution
Selon les données du conseil, les importations totales d’hydrocarbures se sont élevées au premier trimestre de 2024 à 1,47 millions de tonnes pour une valeur de 12,89 milliards de dirhams (MMDH). Le volume des importations des neuf opérateurs suivis ont augmenté de près de 5 % en glissement annuel, passant de 1,21 millions de tonnes pour 11,53 MMDH, en 2023 à près de 1,27 millions de tonnes pour 11,21 MMDH en 2024. Cela représente une baisse de 3 % en valeur. Sur les 6,45 MMDH des recettes fiscales totales générées par ces importations, les sociétés concernées par le reporting ont contribué à hauteur de 5,65 MMDH (87,5 % du total des recettes), dont 4,07 MMDH en taxe intérieure de consommation (TIC) et 1,58 MMDH sous forme de taxe sur la veleur ajoutée (TVA) applicable à l’importation du gasoil et de l’essence.
La capacité de stockage nationale disponible a quant à elle augmenté de 16 % par rapport à 2023, s’établissant à 1,5 milliards de tonnes (MMT). 80 % de cette capacité totale revient aux neuf pétroliers épinglés, qui disposent d’une capacité combinée de 1,2 MMT, dont 86 % est relative au gasoil. Ceux-ci ont réalisées des ventes estimées à 1,7 MMT (+4,6 % par rapport à 2023). Ces ventes ont généré un chiffre d’affaires de 18,98 MMDH, en accroissement de près de 1 % par rapport à la même période de l’année précédente (18,87 MMDH).
En l’absence d’un nouvel acteur émergeant sur le segment de la distribution, le nombre d’opérateurs disposant de l’agrément provisoire de reprise en raffinerie de produits pétroliers liquides pour exercer l’activité de distribution est resté inchangé, soit 35 opérateurs. Le réseau des stations-service constitue la part la plus prépondérante des ventes de gasoil et d’essence, représentant en moyenne2 70 % du volume global. Le réseau B to B, qui concerne les clients professionnels, occupe les 30 % restants des ventes de ces deux carburants.
Le nombre total des stations-service est passé de 3 350 stations-service à la fin de l’année 2023 à 3 411 à la fin mars 2024, soit une augmentation de 61 nouvelles stations-service opérant sur le marché. Sur les 3 411 stations-service disponibles, les neuf sociétés concernées disposent de 2 515 stations (74 % du total), en augmentation de 24 nouvelles stations par rapport aux 2 491 stations-service observées à la fin de l’année 2023.
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