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23.03.2016 à 12 H 09 • Mis à jour le 23.03.2016 à 12 H 25
Par
Balise

Baisse du taux directeur : un effet placebo sans le moindre impact sur l’économie

Abdellatif Jouahri , wali de Bank Al Maghrib. DAVID RODRIGUES / LE DESK
Réuni hier, le Conseil de Bank Al Maghrib a décidé de réduire le taux directeur de 25 points de base le ramenant de 2,5% à 2,25%. Dans une économie efficiente, cette décision peut être interprétée comme un cadeau de la Banque centrale au gouvernement. Mais pas au Maroc. Analyse.

En baissant son taux directeur, le conseil de Bank Al Maghrib tente de donner un coup de fouet à la croissance économique. Une baisse du taux directeur implique automatiquement une baisse du loyer de l’argent pour les banques, et donc une baisse du coût des ressources, qui doit être répercutée sur le coût du crédit, et agir ainsi sur l’attractivité des prêts bancaires servis aussi bien aux entreprises qu’aux particuliers. Une transmission qui doit aboutir au final à un regain de l’investissement et de la consommation, entrainant dans son sillage un redécollage de la machine économique.

Le cadeau (très théorique) de Jouahri à Benkirane

Un cercle vertueux que Bank Al Maghrib a la capacité d’activer en jouant sur son principal instrument de politique monétaire : le taux directeur. En le baissant, elle facilite l’accès au crédit, à la consommation et à l’investissement. Et vice versa.


En cette année de dèche, marquée par un ralentissement net de l’économie avec une prévision de croissance comprise entre 1 et 2 % au meilleur des cas, la baisse du loyer de l’argent décidée par le Conseil des sages de la Banque centrale, est en théorie un joli cadeau pour l’Exécutif, qui tente tant bien que mal d’achever sa législature sur une note positive, lui qui a promis dans son programme de réaliser une croissance moyenne de 5 % entre 2012 et 2016. Un objectif qui semble difficile à atteindre, en raison de la mauvaise campagne agricole, et de l’atonie des secteurs industriels traditionnels, du BTP et du tourisme, principales locomotives de l’économie marocaine.


Un cadeau que Abdellatif Jouahri octroie à la team Benkirane en ne perdant pas de vue la mission principale de son institution : la maîtrise de l’inflation. Limité à des niveaux extrêmement bas, le taux d’inflation ne dépassera pas les 0,5 % sur l’année 2016 selon les oracles de Bank Al Maghrib, laissant une grande marge de manœuvre à Abdellatif Jouahri pour jouer sur le taux directeur, quitte à relever le niveau de l’inflation de quelques points de base. Sur le papier, ce raisonnement est implacable. Mais la réalité est toute autre…

Les taux baissent, mais les crédits ne décollent pas

Le relâchement de l’inflation constaté depuis 2014 a permis à Bank Al Maghrib d’abaisser son taux directeur à deux reprises : en septembre et en décembre 2014, faisant passer le loyer de l’argent de 3 à 2,5 %. Les banques, historiquement autistes aux décisions de politique monétaire, ont répercuté ces baisses, comme l’a signalé Abdellatif Jouahri dans son point de presse tenu hier au siège de Bank Al Maghrib, à Rabat. « Nous avons fait de grands efforts pour favoriser la transmission de la baisse du taux directeur sur les taux débiteurs des crédits. Les banques ont depuis baissé leur taux de 60 points de base. Ce qui montre que nos décisions se transmettent bel et bien à la sphère financière », explique en bon pédagogue le gouverneur de la banque centrale. Soit.


Mais ces baisses des taux débiteurs ont-elles eu un effet sur la distribution des crédits à l’économie ? Ou sur la facilitation de l’accès au financement bancaire pour les entreprises ? Ou plus généralement sur la croissance du PIB ? Pas vraiment. Preuve par les chiffres : en 2015, alors que les taux bancaires ont atteint un plancher historique, le robinet des crédits est resté fermé. Les créances à l’économie n’ont en effet progressé que d’un petit 2,8 %. Un chiffre timide et trompeur à la fois : si l’agrégat « créances à l’économie » ressort en croissance, il cache en effet d’énormes disparités entre crédits aux particuliers et au secteur financier d’une part et crédits aux entreprises de l’autre part. Ces derniers, considérés dans la littérature financière comme l’essence de machine économique, ont baissé de 2,2 % selon les données de Bank Al Maghrib. Une tendance contrebalancée par la progression de 3,7 % des crédits aux ménages (conso et immobilier).


Comprenez : une baisse du taux directeur quoique transmise sur les taux bancaires, n’implique pas forcément un regain du financement de l’économie et de l’investissement créateur de valeur. Un phénomène que la nouvelle baisse de 25 points de base décidée hier par le Conseil de Bank Al Maghrib ne risque pas de changer.


La problématique de la décélération du crédit au Maroc est trop structurelle pour être résolue par des ajustements du loyer de l’argent. Entre une théorie économique et monétaire, élégante et implacable, et la réalité du terrain, le fossé est énorme. Faute de pouvoir créer de la croissance, la décision de Bank Al Maghrib reste donc symbolique. Elle envoie surtout un signal positif aux politiques et à la communauté des affaires. Mais sans plus.

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