Chasse aux homos en procès et opération « seins-nus » à Beni Mellal
En milieu de matinée ce lundi 11 avril, à deux heures du procès très attendu des deux homosexuels agressés à Beni Mellal, une grande foule se pressait en dehors du tribunal. Les centaines de personnes présentes sont venues manifester leur pleine solidarité avec les cinq personnes accusées d’avoir violé le domicile et lynché les deux homosexuels, le tout filmé avec des smartphones dont les images lâchées sur la Toile ont fait le tour du monde.
L’assistance a répondu massivement à un appel lancé sur les réseaux sociaux par une association locale. Plusieurs personnes de tous âges ont scandé des slogans accusant l’Etat de vouloir « normaliser avec l’homosexualité ». Ils ont rappelé que celle-ci était « catégoriquement rejetée par la société marocaine » qui la juge « contre nature ». Point de mire des attaques verbales de la foule : les associations étrangères qui défendent la liberté sexuelle.
Les asso étrangères coupables de mener campagne
Pour les manifestants, dont certains sont des proches des agresseurs, les associations étrangères sont coupables de faire pression sur la justice en mobilisant la presse internationale contre leurs proches.
Après l’ouverture de la porte du tribunal, alors que la foule s’apprêtait à remplir les travées de la salle d’audience, deux femmes de nationalité étrangère identifiées comme des militantes des Femen ont soulevé leur t-shirt pour dévoiler leur poitrine, dans un acte de protestation typique du mouvement.
Une action très vite avortée par des policiers en civil qui se sont jetés sur les jeunes femmes pour les couvrir et les emmener sans délai au siège de la préfecture de police, à un jet de pierre du tribunal, pour y être interrogées. Dès la diffusion de la nouvelle, plusieurs comptes liés au mouvement Femen sur les réseaux sociaux ont relayé l’information, confirmant ainsi que l’opération avait bel et bien été préméditée par l’organisation féministe, connue pour ses actions coup de poing controversées. Dans un communiqué diffusé par la Préfecture de Beni Mellal, les deux jeunes femmes sont de nationalité française. Selon les termes de ce communiqué, celles-ci ont « tenté de mener une opération répréhensible et attentatoire aux bonnes mœurs ».
Lors du procès, la défense des homosexuels a fondé sa plaidoirie sur le viol par effraction du domicile d’autrui. Une stratégie mettant en avant un délit reconnu par consensus. A aucun moment, les principes des libertés individuelles, notamment le droit de disposer de son corps quelque soit son orientation sexuelle n’ont pas été abordés, et pour cause, ils constituent eux-mêmes un délit condamné par la loi, mais surtout susceptibles de déchainer la réprobation d’une opinion publique ultraconservatrice sur ces questions.
Pour la défense, une loi antinomique avec la Constitution
L’une des victimes, que l’on reconnait ensanglantée dans la vidéo diffusée sur Internet, affirme avoir été tabassée à son domicile avant d’être brutalement traînée et violentée de nouveau dans la rue. L’avocat qui a demandé à ce que la liberté provisoire soit accordée à son client à chercher à faire annuler ses premières déclarations à la police arguant du fait que « Les premiers aveux ne valent rien. Ils ont été soutirés en l’absence d’une assistance juridique et sous la pression de la rue », a-t-il expliqué, insistant aussi sur le fait que l’article 489 du code pénal qui criminalise l’homosexualité n’est pas compatible avec l’esprit de la Constitution de 2011. Pour l’avocat, ce texte doit tout simplement être abrogé. Par ailleurs, celui-ci a rappelé que l’un des agresseurs avait des précédents pour des agressions de ce type.
Quant aux agresseurs-vidéastes, leurs propos étaient pour le moins contradictoires et désordonnés, chacun d’eux essayant de rejeter la responsabilité de leurs actes sur l’autre. Certains d’entre eux ont nié avoir participé à l’agression, d’autres ont rejeté leur responsabilité sur la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux.
Pour rappel, une première victime, aussi visible sur la vidéo, a déjà été condamnée à une peine de 4 mois de prison ferme et à une amende de 500 dirhams, tandis que deux des agresseurs ont écopé de deux mois de prison, mais cette fois, avec sursis.
De nos envoyés spéciaux à Beni Mellal
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