Au Canada, l’industrie pétrolière touchée de plein fouet par la fournaise
204 000 hectares de forêt, soit 2 040 km², ont été réduits en cendre dans l’État de l’Alberta, au Canada. Une catastrophe écologique qui va marquer la région pendant des dizaines d’années. Le week-end dernier, pas moins de 1 400 pompiers étaient mobilisés pour combattre les flammes. 43 incendies ont du être repoussés simultanément, nécessitant l’intervention de 133 hélicoptères et 27 camions-citernes. 100 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer.
Plus de 42 000 ménages se sont inscrit à la Croix Rouge pour recevoir de l’aide. Heureusement, dépassés par les événements pendant près d’une semaine, les secours ont pu compter sur une météo plus arrangeante ces derniers jours, avec une baisse des températures et l’arrivée d’une pluie fine freinant la progression des flammes.
Ville fantôme
Au coeur de la fournaise, la ville de Fort McMurray canalise l’essentiel de l’attention. Entourée par le feu, l’intégralité de ses 80 000 habitants ont été évacués, et accueillis dans des centres d'hébergement d'urgence, des campings ou des caravanes. Dans la folie de l’évacuation, deux personnes ont perdu la vie lors d'accidents de la route, mais aucune victime directe de l’incendie n’est à déplorer.
Pendant encore au moins deux semaines, ils ne pourront pas retourner chez eux, a déclaré la Première ministre de l’Alberta Rachel Notley. Elle a indiqué que, contrairement à ce que l’on pourrait croire en observant la multitude d’images de la ville dévastée, ce ne sont en fait « que » 10 % de Fort McMurray qui ont été décimés. Un chiffre à relativiser puisqu’il ne prend en compte que les dégâts causés par le feu lui-même : plus de 2 400 bâtiments ont été ravagés par les flammes.
La fumée a sans doute rendu de nombreuses habitations inhabitables celle se trouvant au niveau du sol présentant un danger pour la santé. L’agence Environnement Canada alerte sur une dégradation de la qualité de l’air, et prévient que le vent peut amener de la fumée nocive dans des zones pourtant pas concernées par le feu. Des symptômes de toux, irritation de la gorge, maux de tête et difficultés respiratoires sont attendus, notamment chez les personnes à risque (enfants, personnes âgées, asthmatiques…) David Yurdiga, député fédéral de la région, s’est tout de même montré plutôt optimiste. « On va se relever beaucoup plus rapidement que je ne le pensais. Toutes nos infrastructures-clé sont encore debout. Notre hôpital est là, nos écoles. Notre usine de traitement des eaux fonctionne », a-t-il fait savoir.
Des dégats qui vont coûter cher
Mais il devrait tout de même s’agir de la plus grande catastrophe naturelle de l’histoire du Canada, en tout cas de très loin la plus coûteuse. Une première estimation fait état de 9 milliards de dollars canadiens (67 MMDH) de dédommagements versés par les assurances. Le précédent record date de l’épisode de la pluie verglaçante de 1998 au Québec, qui avait coûté 1,9 milliards de dollars canadiens aux assureurs.
Mais surtout, ce sont les conséquences sur l’industrie du pétrole qui inquiètent (ou réjouissent, en fonction du degré d’intérêt pour l’écologie). La zone héberge la troisième réserve mondiale de pétrole connue grâce à ses sables bitumineux, dont on peut extraire de l’or noir, qui s’étendent sur 142 000 km², rappelle Radio-Canada. Plusieurs sites d’exploitation ont été fermés, faisant chuter la production de 2,5 millions de barils quotidiens à environ deux fois moins. Les installations pétrolières ont été épargnées, mais la main d’oeuvre va être compliquée à trouver.
« Fort McMoney »
Un coup dur pour l’Alberta, déjà en crise depuis la chute des cours du pétrole. Ces derniers mois, Fort McMurray a vu le départ de près d'un tiers de sa population, laissant la même proportion de logements vacants. Les investissements dans l’énergie, qui faisaient l’attractivité de la région, ont nettement reculé, avec une baisse de 62 % entre 2014 et 2016 selon Le Monde. Interrogé par l’Obs, le journaliste canadien David Dufresne, auteur du webdocumentaire présenté sous le format d’un jeu vidéo « Fort McMoney », indique que la ville « a triplé sa population en quelques années » quand il a été décidé d’exploiter la zone. Mais après des années d’activité économique exceptionnelle, la province a énormément souffert du retournement du marché pétrolier.
De 120 000 habitants, la population de Fort McMurray est passé aux alentours des 80 000 au gré des destructions d’emplois. Selon Statistique Canada, l’Alberta a perdu 21 000 emplois tous secteurs confondus rien qu’en avril 2016. Pour le secteur pétrolier, c’est la perte de 35 000 emplois en un an qui est déplorée. Un chiffre qui dépasse les 100 000 si on comptabilise l’impact sur les sous-traitants et les intermédiaires. Et les mauvaises nouvelles se sont accumulées avec la prise de pouvoir de Justin Trudeau, dont le gouvernement a plafonné les aides publiques à la production des sables bitumineux et demandé la réduction de l’empreinte carbone de l’industrie. En décembre 2015, c’est Barack Obama qui a porté un coup dur au secteur en posant son veto au sujet d’un projet d’extension de l’oléoduc Keystone XL, censé approvisionner de pétrole canadien des raffineries du Texas. Il est encore trop tôt pour estimer les conséquences de ces incendies sur l’industrie pétrolière, mais elle devraient être très importantes, et avoir une répercussion non négligeable sur l’économie du pays dans sa globalité : 20 % du PIB canadien provient du pétrole.
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