Jouahri tance les politiques et appelle à une révision profonde du modèle économique marocain

Le gouverneur de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, a présenté au roi le rapport annuel de son institution. Un document de plus de 300 pages qui passe en revue la situation économique, monétaire et financière ainsi que les réalisation de la banque centrale et son rapport financier. Son constat est critique.
D’abord concernant le volet agricole, la valeur ajoutée des activités du secteur a connu une décélération qui est passé de 4,7 % en moyenne entre 2003 et 2012 contre moins de 2,1 % depuis 2013. Un constat peu flatteur pour Aziz Akhannouch. Malgré cela, la croissance nationale pu réaliser un saut de 4,5 % contre 2,6 % en 2014. L’inflation, de son coté, s’est accélérée en passant de 0,4 % à 1,6 % poussée par la hausse des prix des produits alimentaires, devenus très fluctuants, mais contrebalancés par les prix des hydrocarbures qui se sont considérablement affaissés. En parallèle, l’économie marocaine n’a pu créer que 33 000 postes d’emploi durant 2015 à cause, notamment de la faiblesse des activités agricoles, contre 129 000 en moyenne entre 2003 et 2014. Le taux de chômage enregistré a, toutefois, baissé et affiche 9,7 %.
Mi figue mi raisin pour les comptes de l’Etat
Sur le volet des équilibres macroéconomiques, la situation s’est nettement améliorée, selon le gouverneur. La baisse des cours de pétrole et la hausse des IDE ainsi que les dons des pays arabes du CCG en sont les principales causes.
« Cette amélioration des équilibres macroéconomiques nous a permis d’avoir la confiance des investisseurs et des organismes internationaux, chose qui a augmenté l’attractivité du pays », a développé Jouahri. Même constat pour la situation des finances publiques qui ont continué sur l’amélioration entamée en 2013 avec un rétrécissement du déficit budgétaire à 4,4 % du PIB. Ceci trouve son origine dans la hausse des recettes fiscales et la baisse des charges de la compensation de plus de 50 %. En face, la dette publique a explosé, avec une dette du Trésor qui a atteint 64,1 % du PIB et la dette publique à 80,4 %.
Concernant les comptes externes de l’Etat, le déficit du compte courant s’est comprimé pour afficher un taux de 1,9 % du PIB, alors qu’il était à 9,5 % en 2012. Au même moment, le déficit commercial a baissé de 19,2 % grâce à la baisse de la facture énergétique et la bonne forme du secteur automobile devenu depuis 2014 premier secteur exportateur. Abdellatif Jouahri a profité de son passage pour lancer une pique au ministre du tourisme, Lahcen Haddad, dont le secteur n’a pas pu profiter de la situation défavorable des pays concurrents. Ainsi les recettes du tourisme apportés aux caisses de l’Etat ont baissé quant à elles pour n’afficher que 58,6 milliards de dirhams.
Le gouverneur est aussi revenu sur la situation du secteur bancaire marocain, en exposant les différents résultats des rapports élaborés tout au long de l’année.
Un modèle économique à revoir
Avant de finir son exposé, Abdelatif Jouahri a donné son point de vue concernant le modèle économique du pays. Selon lui, celui adopté depuis plusieurs années se base sur la demande intérieure comme moteur de croissance a montré ses limites. Il propose ainsi une réforme « réelle » et « profonde » du modèle économique et une rupture avec la stratégie menée en matière de préparation et de réalisation des politiques publiques. Il faudrait, selon Jouahri, que l’industrialisation soit au centre de ces réformes, car créatrice d’emploi et de valeur ajoutée.
Les politiques sectorielles lancées ces dernières années ont donné des résultats dissemblables jusqu’à maintenant. Pour Jouahri, leur évaluation devrait se faire via des entités publiques ou des autorités spécialement dédiées, condition qui permettra d’analyser et d’intégrer les amendements nécessaires à de meilleurs résultats à échéance.
Commentant les sujets chauds de l’actualité, le gouverneur de la banque centrale a expliqué que le retard cumulé par rapport à la réforme des caisses de retraites commence à devenir inquiétant, en raison de l’énormité des coûts générés. « Il faudra inciter toutes les parties prenantes à accélérer le rythme de la mise en place de cette réforme, d’autant plus qu’il y a une unanimité la concernant », estime Jouahri.
Pour conclure, Jouahri a adressé un message au partis politiques, « Pour relever les grands défis auxquels notre pays fait face, il est primordial de renforcer le front interne et de placer les enjeux stratégiques au-dessus des considérations d’ordre politique ou catégoriel ».
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