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10.10.2017 à 23 H 16 • Mis à jour le 10.10.2017 à 23 H 16
Par
Palestine

Israël bataille en faveur des entreprises impliquées dans la colonisation

Une affiche du mouvement BDS appelant au boycott d’Israël. AP
Malgré l’opposition des États-Unis et d’Israël, l'Onu s’apprête à publier une liste des entreprises internationales qui contribuent, directement ou non, à la colonisation des territoires palestiniens

Le diplomate jordanien Zeid Ra’ad Zeid al-Hussein, haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, a adressé il y a une dizaine de jours une lettre à près de 150 entreprises internationales pour leur annoncer qu’elles allaient figurer dans la liste noire des groupes présents dans les territoires palestiniens occupés de Cisjordanie et Jérusalem-Est. La constitution de cette base de données a été décidée en mars 2016 par le Conseil des droits de l’homme de l’Onu. Il s'agit de recenser les sociétés impliquées dans la construction et le développement des colonies israéliennes.


Illégale au regard du droit international, condamnée par de multiples résolutions des Nations unies, cette entreprise de colonisation, en opposition ouverte au droit des Palestiniens à l’autodétermination, est considérée par l’Onu et de nombreux pays comme un obstacle majeur au règlement du conflit israélo-palestinien. En dressant cette liste, l’Onu indique qu’elle ne se contente plus de dénoncer des violations impunies et de dire le droit. Elle entend placer les États et les entreprises face à leurs responsabilités : être ou ne pas être complice de la colonisation illégale de la Palestine.


Cette « liste noire », qui a été communiquée fin septembre au ministère israélien des affaires étrangères, contiendrait pour le moment une trentaine de sociétés américaines (parmi lesquelles Coca-Cola, Caterpillar, TripAdvisor, Airbnb), un fort contingent de sociétés israéliennes (dont les bus Egged, les banques Hapoalim et Leumi, le fabricant de systèmes de sécurité Elbit, la compagnie nationale des eaux Mekorot, le géant des téléphones Bezeq, le laboratoire pharmaceutique Teva). Elle devrait contenir aussi des sociétés allemandes, sud-coréennes, norvégiennes.


Cette collaboration avec les firmes israéliennes constitue une violation répétée du droit international. Selon la IVeConvention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, « le transfert de civils dans le territoire occupé par la puissance occupante est interdit ». Ce que rappelait aussi la résolution 2334 adoptée le 23 décembre 2016 par le Conseil de sécurité de l’Onu, avec – fait exceptionnel – l’aval des États-Unis qui n’avaient pas opposé leur veto.


« La colonisation des territoires palestiniens occupés depuis 1967, rappelait ce texte après nombre d’autres, n’a aucune validité légale, constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la mise en œuvre de la solution à deux États et d’une paix complète, juste et durable. » La même résolution demandait, en outre, « à tous les États de faire une distinction dans leurs échanges, en la matière, entre le territoire de l’État d’Israël et les territoires occupés depuis 1967 ».


L’offensive israélo-américaine

En principe, la « liste noire » des entreprises complices de la colonisation devrait être arrêtée et publiée en décembre. Mais depuis des mois, le gouvernement israélien et surtout l’administration Trump ont lancé une offensive diplomatique d’envergure pour torpiller cette initiative. En 2016, déjà lorsque le Conseil des droits de l’homme avait décidé l’établissement de cette liste, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait accusé cette instance d’être devenue « un cirque anti-israélien ».


Le porte-parole du ministère israélien des affaires étrangères, Emmanuel Nahshon, avait même affirmé dans un tweet que le Conseil avait « un besoin urgent de se faire soigner mentalement ». Composé de 47 États, renouvelables par tiers chaque année, et actuellement présidé par le diplomate salvadorien Joaquin Alexander Maza Martelli, le Conseil des droits de l’homme est, avec l’Unesco, l’une des bêtes noires d’Israël au sein du système des Nations unies. La stratégie israélienne est simple : présenter cette liste comme un premier pas vers le boycott de toutes les entreprises israéliennes, qu’elles collaborent ou non à l’entreprise de colonisation. Boycott qui relève, selon Netanyahou et ses alliés, de l’antisémitisme.


En Israël, un comité interministériel spécial comprenant les ministres des affaires étrangères, des affaires stratégiques, de la justice et de l’économie a même été mis en place pour tenter d’empêcher la publication de la liste. Avec l’élection de Donald Trump, qui se présente en premier défenseur d’Israël, l’offensive a reçu un renfort de taille. La liste noire est « la dernière d’une longue série d’actions honteuses » du Conseil des droits de l’homme, déclarait en juin dernier Nikki Haley, ambassadrice des États-Unis à l’Onu.


Forte de ce soutien, la vice-ministre israélienne des affaires étrangères, Tzipi Hotovely, pour qui « toute la terre, de la Méditerranée au Jourdain appartient à Israël », accusait l’Onu, il y a un mois, de « jouer avec le feu », et menaçait : « Plus les Nations unies agiront contre Israël, plus leur budget y perdra. Ces activités les frapperont comme un boomerang. Israël et les États-Unis travaillent ensemble à un plan qui mettra un terme au préjugé anti-israélien de l’Onu. Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies est la plus hypocrite des arènes, c’est là que la révolution doit commencer. »


Mais de l’aveu même de ses promoteurs, cette offensive israélo-américaine rencontre de sérieux obstacles. En août, Heather Nauert, porte-parole du département d’État, admettait que l’initiative des deux pays pour priver de ressources financières les experts chargés de dresser la liste avait échoué. Selon des sources israéliennes officielles mais anonymes, citées fin septembre par le quotidien Haaretz, le bureau des affaires stratégiques du ministère israélien de l’économie a appris qu’un certain nombre d’entreprises étrangères ont déjà répondu au haut-commissaire aux droits de l’homme en annonçant qu’elles ne renouvelleront pas les contrats signés avec des firmes israéliennes et n’en concluront pas de nouveaux.


Le gouvernement israélien a déjà pris contact avec certaines d’entre elles en faisant valoir que la liste, même si elle est publiée, ne comporte aucune obligation. Il a aussi mis en garde plusieurs gouvernements étrangers contre toute utilisation de la « liste noire » : cela s’apparenterait à un boycott d’Israël. Les mois qui viennent diront si, en cumulant menaces et chantage à l’accusation d’antisémitisme, les États-Unis et Israël finiront par empêcher la publication officielle de la liste par l’Onu. Et quelle position publique la France adoptera dans cette affaire, alors qu'Emmanuel Macron a affirmé, en juillet, que l'antisionisme est « la forme réinventée de l’antisémitisme ».


Reste une question : comment s’explique le retrait des entreprises qui ont déjà informé l’Onu de leur décision ? Brutale prise de conscience des violations du droit ? Peu probable. Pragmatisme et prudence stratégique ? Plus vraisemblable. Aucun PDG n’a envie de voir son entreprise figurer dans une liste noire. Surtout si la présence sur cette liste peut mettre en péril des opérations ou des projets dans un pays riche et puissant du monde arabo-musulman, hostile à Israël.


Cet article paru sur Mediapart, comportant à la base un focus sur la France, a été modifié à la marge 

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