L’ex-chef de l’armée espagnole estime que le Maroc constitue une menace potentielle

L'ancien chef d'état-major espagnol des armées (JEMAD) entre 2017 et 2020, le général Fernando Alejandre, a estimé que « le Maroc ne représente pas une menace directe pour l'Espagne en ce moment », mais il reconnaît que « l'Espagne tourne le dos au Maroc » et qu'il faut être soucieux de Rabat face à un éventuel conflit : « On ne s'improvise pas, il faut être prêt pour le jour où ça arrivera », a-t-il précisé dans une interview à The Objective.
Une analyse que l’ancien patron de l’armée ibère - qui a servi sous les mandats des gouvernements de Mariano de Rajoy et Pedro Sánchez – tire de son récent livre (« Le Roi servit et la patrie honorée »), dans lequel il explique sa vision de la défense de l'Espagne et la situation et les besoins des forces armées, telles que l'amélioration des salaires, des compétences et des investissements.
L’agence Europa Press qui cite directement l’ouvrage, traduit différemment la pensée du militaire : « Fernando Alejandre estime que le Maroc représente une menace directe pour l'Espagne qui finira par se matérialiser, d'abord à travers des éléments hybrides sous la forme d'une intifada pour se transformer progressivement en un conflit armé de nature plus conventionnelle ».
Une menace directe qui ne serait immédiate
« Je ne pense pas que le Maroc soit une menace directe pour l'Espagne aujourd'hui. Ce que je crois, c'est que l'Espagne tourne le dos au Maroc, ce qui me surprend beaucoup car nous sommes le seul pays européen à avoir une frontière avec lui. Si j'étais marocain, je serais outré contre les Espagnols parce qu'ils ne font pas attention à moi. Il est aussi frappant que, puisque nous sommes leur frontière, ils regardent plus ce qui se passe à Paris au niveau gouvernemental que ce qui se passe à Madrid », tempère-t-il cependant dans son interview à The Objective.
Estimant qu’il manque cruellement « d’alchimie » au sein de la classe politique pointant un certain « détachement patriotique de la gauche », comme avec l’armée, Alejandre souligne le rôle du Maroc et ses investissements croissants dans l'armement et estime que cette menace se concrétisera « le moment venu ». Ce sera d'abord à travers des éléments hybrides tels que les assauts à la frontière qu'ont déjà vécus les enclaves de Ceuta (Sebta) et Melilla et plus tard comme un conflit armé plus conventionnel. Bien qu'il ne pense pas que cela se produise à court terme, il considère qu'il s'agit d'une menace « sérieuse » qui ne doit pas permettre « une minute de détente ni retarder la préparation de la riposte ».
Pour le haut gradé espagnol, la revendication du Maroc sur les enclaves, signifie que « nous devons nous inquiéter, et je sais que mes collègues militaires actifs le sont ». « Que le conflit se produise demain, j'en doute, mais ce qui ne s'improvise pas, c'est le jour où il se produit, et à un moment aussi précis que celui-ci, le conflit aurait le caractère d'une guerre hybride (…) »
Un point de vue qui fait écho à celui de la droite et de l’extrême-droite : Le PP (Parti Populaire) a demandé au Congrès d'intégrer les deux villes autonomes enclavées au Maroc à l’espace Schengen et avec Vox exige de « soustraire Ceuta et Melilla à une éventuelle déstabilisation du Maroc ». Le parti d'Abascal insiste ainsi sur la protection de l'OTAN. Le PP et Vox présenteront cette semaine au Congrès plusieurs propositions visant à protéger les enclaves et présides espagnoles pour permettre une « réponse rapide et efficace » à l'utilisation par le Maroc de la stabilité dans ces villes autonomes.