Croissance, inflation, politique monétaire : l’économie marocaine connait un fragile rebond

Après une fin d’année 2024 marquée par un ralentissement de la croissance et une pression accrue sur le commerce extérieur, l’économie marocaine amorce 2025 sur un rythme plus soutenu. Le rebond est tiré par la demande intérieure, les services marchands et l’industrie extractive, dans un contexte de reprise modérée de l’agriculture. Mais l’équilibre reste fragile, notamment face à l’inflation alimentaire et aux incertitudes internationales, en particulier commerciales
À la fin de 2024, l’économie marocaine avait ralenti son rythme de croissance, enregistrant une hausse de 3,6 % du PIB au quatrième trimestre, après +4,2 % au trimestre précédent. Cette performance modérée reste néanmoins supérieure à la moyenne du premier semestre. Elle repose essentiellement sur le dynamisme de la demande intérieure, dont la consommation des ménages a été alimentée par la hausse des revenus et des conditions d’emprunt plus favorables. Cette dernière a contribué à hauteur de 2,6 points à la croissance trimestrielle.
Dans le même temps, les investissements ont connu un regain d’intensité, principalement sous l’effet d’un mouvement de reconstitution des stocks de la part des entreprises. La contribution globale de l’investissement à la croissance est ainsi passée de 3,7 points au troisième trimestre à 5,4 points à la fin de l’année. En revanche, le commerce extérieur a fortement pesé sur la performance globale, amputant la croissance de 5,2 points. En dépit de l’augmentation des exportations, tirées par les secteurs chimiques, électroniques et électriques, la progression plus rapide des importations a creusé le déficit commercial.
Une dynamique favorable
Le début de l’année 2025 s’ouvre sur une dynamique plus favorable. Le HCP estime que le PIB aurait progressé de 4,2 % au premier trimestre, porté par un rebond dans plusieurs branches d’activité. Les services marchands, en particulier l’hébergement, les industries extractives et la construction, ont affiché des hausses respectives de 13,2 %, 6,7 % et 6,4 % en variation annuelle. L’agriculture, en redressement, aurait progressé de 3,1 %, participant au soutien global de l’activité. À l’inverse, l’industrie manufacturière a montré des signes d’essoufflement, pénalisée par une conjoncture internationale moins favorable, et sa contribution à la croissance a légèrement diminué.
La consommation des ménages est restée un pilier central de cette reprise. Elle aurait augmenté de 4,5 % sur un an, dopée par les mesures socio-fiscales introduites récemment, notamment les revalorisations salariales dans le public et le privé ainsi que la baisse de l’impôt sur le revenu. Ce dynamisme s’est maintenu malgré une reprise de l’inflation, qui s’est établie à 2,2 % au premier trimestre 2025, contre 0,7 % un trimestre plus tôt. La hausse des prix a été portée principalement par l’alimentation, en particulier les viandes, les poissons et les légumes frais, ainsi que par des ajustements tarifaires sur le tabac. Les prix non-alimentaires ont évolué plus modérément, avec une hausse de 1 %, surtout imputable à l’énergie.
Sur le plan monétaire, Bank Al-Maghrib a poursuivi sa politique d’assouplissement pour le troisième trimestre consécutif, abaissant son taux directeur à 2,25 % en mars 2025. Cette orientation a contribué à réduire les taux sur les marchés interbancaires et à infléchir les rendements sur les bons du Trésor, toutes maturités confondues. La masse monétaire a continué d’augmenter, bien que moins fortement qu’auparavant, tandis que les besoins de liquidité des banques se sont atténués, notamment grâce au reflux de la circulation fiduciaire induit par l’opération d’amnistie fiscale lancée en décembre.
Le marché boursier a également bénéficié de cette conjoncture. L’indice MASI a bondi de 36,5 % au premier trimestre 2025 en glissement annuel, poursuivant l’élan engagé en 2023. La capitalisation boursière a crû de 37,8 %, et les volumes de transaction ont explosé (+186,5 %), portés par une forte activité dans les secteurs du transport, de l’immobilier, des mines et de la santé.
Les perspectives pour le deuxième trimestre 2025 restent favorables, avec une croissance anticipée de 3,8 %. Celle-ci serait tirée par la poursuite de la reprise agricole, la robustesse des services et un regain dans la construction. Les industries manufacturières, bien que confrontées à un environnement mondial difficile, pourraient bénéficier du dynamisme des filières agroalimentaire et des matériaux de construction. La demande intérieure continuerait à jouer un rôle moteur, avec une hausse projetée de la consommation et de l’investissement de 4,2 % et 5,1 % respectivement.
Des incertitudes importantes
Cependant, ces perspectives positives restent entourées d’incertitudes importantes. La politique tarifaire des États-Unis, dont la mise en œuvre des hausses annoncées a été reportée de 90 jours, pourrait encore générer des turbulences sur les marchés mondiaux. Les signaux d’anticipation de ce choc sont déjà visibles : instabilité des prix énergétiques, tensions industrielles en Europe, volatilité financière internationale. Le scénario du HCP pour le deuxième trimestre ne prend pas encore pleinement en compte l’ampleur de ces évolutions.
L’économie marocaine entame 2025 ainsi sur une trajectoire encourageante, marquée par un retour de la croissance et une reprise de la demande. Mais cette embellie reste fragile et exposée à des chocs externes, en particulier d’ordre commercial et géopolitique. Le maintien d’une politique monétaire accommodante, conjuguée à une vigilance accrue sur l’inflation alimentaire et le commerce extérieur, apparaît désormais comme une condition essentielle pour préserver la dynamique enclenchée.
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