Le Maroc premier «importateur» continental de son élite footballistique
Une étude statistique réalisée par le cabinet Episteme, montre que l’équipe du Maroc engagée dans les phases finales de la Coupe d’Afrique des Nations 2019 est la moins dotée parmi ses concurrentes de footballeurs locaux. Avec à peine 17% de joueurs issus de ses systèmes de formation. Ce qui soulève nombre de questions sur l’avenir du football national…

Episteme Statistical Consulting, un cabinet de conseil marocain indépendant, fondé à Rabat en décembre 2014, opérant dans les domaines de la statistique, l’économie appliquée, les études de marché, la stratégie et le conseil organisationnel et technologique, a produit une étude synthétique sur la formation des footballeurs d’élite africains à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), dont l’Egypte est le pays hôte pour son édition 2019 et à laquelle participe l’équipe du Maroc, parmi les grands favoris.
L’objet de cette étude est de déterminer la prévalence de la participation des joueurs locaux par rapport à ceux évoluant à l’étranger et se propose d’ouvrir le débat sur la question de l’impact de la représentativité selon le critère d’origine géographique (national ou étranger) sur le devenir du football national.
Le travail de recherche, réalisé par le statisticien Amine Tifratine, rehaussé par un graphisme signé Mohammed Jbilou, débute par un retour historique à la Coupe du Monde organisée en France en 1998.
Lors de ce Mondial, la sélection marocaine était composée de 23 joueurs dont 16 joueurs étaient formés initialement dans des clubs marocains. Les 7 joueurs restants venaient de la diaspora marocaine, formés et initiés au football en Europe (notamment en France).
Les deux dernières décennies ont été marquées par une baisse significative de la représentativité du football national dans sa vitrine d’élite, constate l’étude d’Episteme.
Actuellement, dans l’équipe qui participe à la CAN 2019, seuls 4 joueurs (parmi 23) sont issus de près ou de loin du système footballistique national, soit à peine 17 % de l'effectif, faisant du Maroc, le premier « importateur » continental de son élite footballistique . Ce constat est aussi valable au niveau des catégories inférieures (Equipes marocaines des catégories inférieures), relève l’étude.
Cette proportion est en déphasage avec le niveau actuel des clubs marocains et du championnat marocain, classé meilleur championnat africain en 2018 et 27ème mondial selon l’IFHHS (International Federation of Football History and Statistics), fait remarquer le cabinet.
La problématique de la « nationalité sportive » réelle a toujours été un sujet à éviter par la presse sportive de peur de provoquer des stigmatisations aux retombées incertaines, estime Episteme, qui fort de ses résultats comparatifs avec les proportions actuelles et la situation chez d’autres pays africains, souligne la nécessité de lancer un débat sur nombre de questions.
Episteme se pose d’emblée la question de savoir si la non éligibilité systématique des joueurs formés au Maroc aux équipes nationales est de nature à condamner l’évolution professionnelle de toute une génération de footballeurs.
Ainsi, le cabinet s’interroge sur le fait de savoir si la notoriété internationale est devenue un prérequis pour leur accès à des championnats plus évolués (et plus lucratifs pour eux et leurs clubs formateurs).
Et de poser la question sur la probabilité d’être sélectionné autrement que par le seul critère du niveau sportif. « Les joueurs européens d’origine africaine bénéficieraient-ils d’un meilleur ‘branding’ grâce aux réseaux d’influence des directions techniques et des agences de gestion de carrières ? », questionne l’étude.
« Le niveau technique actuel du joueur formé au Maroc (qu’il joue à la Botola Pro ou ailleurs) est-il réellement insuffisant à ce point pour qu’il ne soit pas éligible à sa sélection nationale ? », ajoute-t-elle
Pour aider à y répondre, le travail d’Episteme se propose de tenter de dresser une première image des affluents footballistiques des sélections d’élite africaines via une analyse approfondie des parcours professionnels des participants à la CAN 2019.
L’analyse concerne les 552 joueurs convoqués par les 24 fédérations africaines participant à la Coupe d’Afrique des Nations CAN 2019 en Egypte. Cet examen est basé sur une recherche documentaire sur leurs biographies et parcours professionnels
L’objectif, assure le cabinet, est d’évaluer la puissance footballistique réelle des 24 nations en termes de formation et de production de footballeurs d’élite.
Le qualificatif « Formé par le football national » (FFN) est assigné aux joueurs dont le parcours répond à des profils bien définis : Il concerne ceux ayant démarré leur carrière dans un club national et ceux forgés par une académie de formation de jeunes joueurs située sur le territoire national.
De cette recherche, il découle que 65 % des joueurs africains participant à la CAN 2019 sont des produits du football africain. Second constat : 17 nations africaines (sur 24) produisent plus de la moitié de leur joueurs d’élite.
Environ 1 joueur africain d’élite sur trois est un produit footballistique non africain (essentiellement européen) et 1 joueur africain d’élite sur 5 est un produit du football français.
En terme de disparité continentale, il est établit que L’Est du continent (Egypte + Afriques de l’Est et Australe) sont les plus performants selon cet indicateur.
Par ailleurs, relève l’étude, 54 % des joueurs d’élite nord-africains sont issus des systèmes nationaux de compétition et de formation, avec des constatations très différenciées.
L’Egypte est la nation footballistique la plus productive. En effet 100 % des effectifs des Pharaons sont produits par le football égyptien, tandis que le Maroc « importe » essentiellement des joueurs formés par d’autres systèmes, notamment la France (43 %) et les Pays-Bas (26 %). Le reste est réparti entre l’Espagne (9 %) et la Belgique (4 %), alors que seuls 4 Lions de l’Atlas participants à la CAN 2019 sont issus du système local (Clubs ou académies).
En Afrique du Nord, entre ces deux extrêmes du continent (Egypte et Maroc), 61 % des joueurs tunisiens sont des locaux avec un apport européen dispatché entre la France (26 %), l’Allemagne (9 %) et l’Irlande (4 %), tandis que pour l’Algérie la dichotomie est répartie inversement et uniquement entre 61 % de locaux contre 39 % en provenance de France.
Ailleurs sur le continent, la prévalence des joueurs locaux est majoritairement la plus significative dans les nations suivantes : Tanzanie et Kenya avec 96 %, suivies du Zimbabwe, de la Namibie, de l’Afrique du Sud avec 91 %.
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