Media Fail
Carte interactive figurant sur le site du ministère espagnol des Affaires étrangères propulsée par Stamen Design sur la base de données d’OpenStreetMap. Capture écran
Non, la diplomatie espagnole n’a pas modifié sa carte du Maroc pour y intégrer le Sahara
Le ministère espagnol des Affaires étrangères a supprimé sur la carte officielle qui figure son site internet la ligne pointillée qui séparait jusqu’ici le Maroc du territoire du Sahara Occidental, ont écrit à l’unisson certains médias, prenant cela comme un geste de Madrid envers Rabat après la visite de Pedro Sanchez. Cette information est cependant dénuée de tout fondement. Explications
À l'origine
Dans l’euphorie de la réconciliation maroco-espagnole, un certain nombre de médias, dont Hespress, Medias24 (qui a modifié son article depuis la parution de notre Désintox) ou encore Challenge ont rapporté que le ministère espagnol des Affaires étrangères avait amendé la carte du Maroc figurant sur son site internet pour y inclure sans séparation le territoire du Sahara Occidental, conséquence matérielle d’une fin de crise qui a duré 15 mois, marquée par l’audience royale accordée à Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol.
Certains de ces médias ont rapporté cette information sans source particulière, se suffisant de constater par eux-mêmes le « changement ». D’autres, se sont appuyés sur un article du média ibère La Razon, réputé pour sa ligne éditoriale pro-marocaine.
Les détails
Certains de ces médias ont rapporté cette information sans source particulière, se suffisant de constater par eux-mêmes le « changement ». D’autres, se sont appuyés sur un article du média ibère La Razon, réputé pour sa ligne éditoriale pro-marocaine.
« L'une des conséquences du soutien du gouvernement espagnol au plan d'autonomie que Rabat entend promouvoir pour le Sahara occidental en vue de résoudre définitivement le conflit est le changement qu'a subi la carte du Maroc sur le site Internet du ministère espagnol des Affaires étrangères. Dans la carte du site internet ministériel, il n'y a plus la ligne pointillée qui sépare le Maroc du territoire du Sahara Occidental selon la cartographie avalisée par les Nations Unies et le pays maghrébin est déjà un tout de Tanger à Dakhla, dans ce que Rabat appelle les provinces du sud », rapporte La Razon.
Pour sa part, Medias24, qui arrive à cette conclusion par lui-même, fait tout de même la fine bouche ayant relevé que cette carte comprend une autre démarcation balafrant sur le long le territoire du Sahara. Il s’agit du tracé du mur de défense des Forces armées royales (FAR), qui pour certaines organisations ou Etats, distingue à l’ouest la partie sous contrôle du Maroc, et à l’est, celle revendiquée par le Front Polisario comme étant des « territoires libérés », ce que, évidemment, conteste Rabat et agit militairement en conséquence en y instaurant une « no go zone » depuis fin 2020, date de la reprise des escarmouches avec les séparatistes.
Sur ce liseré, La Razon va jusqu’à renchérir en avançant que son maintien, correspondant au berm édifié depuis les années 1980 sur plus de 2 700 kilomètres, doit être compris comme « une sorte de geste de compensation des autorités espagnoles envers le Front Polisario dans la nouvelle position espagnole sur la réalité de facto sur le territoire ».
Les faits réels
Pour sa part, Medias24, qui arrive à cette conclusion par lui-même, fait tout de même la fine bouche ayant relevé que cette carte comprend une autre démarcation balafrant sur le long le territoire du Sahara. Il s’agit du tracé du mur de défense des Forces armées royales (FAR), qui pour certaines organisations ou Etats, distingue à l’ouest la partie sous contrôle du Maroc, et à l’est, celle revendiquée par le Front Polisario comme étant des « territoires libérés », ce que, évidemment, conteste Rabat et agit militairement en conséquence en y instaurant une « no go zone » depuis fin 2020, date de la reprise des escarmouches avec les séparatistes.
Sur ce liseré, La Razon va jusqu’à renchérir en avançant que son maintien, correspondant au berm édifié depuis les années 1980 sur plus de 2 700 kilomètres, doit être compris comme « une sorte de geste de compensation des autorités espagnoles envers le Front Polisario dans la nouvelle position espagnole sur la réalité de facto sur le territoire ».
En réalité, toutes ces affirmations et les conjectures qui en découlent sont totalement fausses. Comme souvent le cas sur ces élans de patriotisme à l’appui de cartes tirées d’internet : En 2018, par exemple, Al Yaoum24 repris par Le SiteInfo titrait sur « une reconnaissance par Google de la souveraineté du Maroc sur son Sahara ». En fait, le géant américain d’internet avait tout simplement décidé de s’adapter au contexte local pour chaque pays.
Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, la réalité est encore plus prosaïque : le ministère des Affaires étrangères espagnol utilise une carte évolutive réalisée par Stamen Design, un studio de conception de visualisation de données basé à San Francisco, en Californie et qui compte parmi ses clients, National Geographic ou Facebook. On le voit bien en cliquant sur l’icône informative « i » en bas à droite de l’écran qui déroule sa signature.
En 2010, Stamen a été subventionné par la Fondation Knight pour créer une série de cartes web librement disponibles basées sur les données d'OpenStreetMap (OSM). Celles-ci, sous diverses variantes, sont disponibles pour une utilisation illimitée sous la licence Creative Commons et sont compatibles avec les bibliothèques de cartographie open source telles que Leaflet et OpenLayers. Le service est largement utilisé dans le monde, comme ici par la diplomatie espagnole.
OSM, qui fournit donc les données, dont les tracés des frontières, est un projet collaboratif fonctionnant sur le modèle de Wikipedia. Les données participatives collectées sont ensuite mises à disposition sous la licence de base de données ouverte pour notamment la production de cartes papier et électroniques, le géocodage des adresses et des noms de lieux etc.
Après le tohu-bohu dans la presse et les réseaux sociaux marocains, le journal espagnol El Confidencial a directement interrogé le ministère des Affaires étrangères de Madrid qui a confirmé que « cette carte n'a pas été modifiée (…). La cartographie du web est issue d'OpenStreetMap et on ne peut pas modifier les cartes en dessinant, par exemple, des lignes ». Le Bureau d'information diplomatique espagnol, rappelle la même source, « dispose, en revanche, d'un dossier dédié au Maroc dans lequel une séparation entre le Maroc et l'ancienne colonie est établie ».
Le verdict
Dans le cas qui nous occupe aujourd’hui, la réalité est encore plus prosaïque : le ministère des Affaires étrangères espagnol utilise une carte évolutive réalisée par Stamen Design, un studio de conception de visualisation de données basé à San Francisco, en Californie et qui compte parmi ses clients, National Geographic ou Facebook. On le voit bien en cliquant sur l’icône informative « i » en bas à droite de l’écran qui déroule sa signature.
En 2010, Stamen a été subventionné par la Fondation Knight pour créer une série de cartes web librement disponibles basées sur les données d'OpenStreetMap (OSM). Celles-ci, sous diverses variantes, sont disponibles pour une utilisation illimitée sous la licence Creative Commons et sont compatibles avec les bibliothèques de cartographie open source telles que Leaflet et OpenLayers. Le service est largement utilisé dans le monde, comme ici par la diplomatie espagnole.
OSM, qui fournit donc les données, dont les tracés des frontières, est un projet collaboratif fonctionnant sur le modèle de Wikipedia. Les données participatives collectées sont ensuite mises à disposition sous la licence de base de données ouverte pour notamment la production de cartes papier et électroniques, le géocodage des adresses et des noms de lieux etc.
Après le tohu-bohu dans la presse et les réseaux sociaux marocains, le journal espagnol El Confidencial a directement interrogé le ministère des Affaires étrangères de Madrid qui a confirmé que « cette carte n'a pas été modifiée (…). La cartographie du web est issue d'OpenStreetMap et on ne peut pas modifier les cartes en dessinant, par exemple, des lignes ». Le Bureau d'information diplomatique espagnol, rappelle la même source, « dispose, en revanche, d'un dossier dédié au Maroc dans lequel une séparation entre le Maroc et l'ancienne colonie est établie ».
Non, la diplomatie espagnole n’a pas modifié sa carte du Maroc et certainement pas pour contenter Rabat, ni pour jouer à l’équilibriste avec le Polisario. « Le gouvernement espagnol reconnaît ainsi ouvertement la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental », dénonçait de son côté l’ambassadeur algérien en charge du Sahara, Amar Belani à l’appui de cette fake news pour fustiger Sánchez, « qui se limite à mentionner l'autonomie comme la base la plus appropriée » pour parvenir à une solution, insistait le diplomate algérien dans une sortie rageuse auprès des médias de son pays. « La fraude a ainsi été révélée », concluait-il dans sa diatribe. Sauf que ni lui, ni les médias ou internautes marocains épris de nationalisme qui ont gobé cette histoire n’ont raison, renvoyés ainsi dos-à-dos par la réalité des faits.
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