n°703.La réforme de l’organisation judiciaire va (finalement) avoir lieu
La commission de la Justice à la Chambre des représentants a adopté ce mercredi, en troisième lecture, le projet de loi 38-15 relatif à l’organisation judiciaire. Déposé en mars 2016 pour la première fois par le gouvernement à la première chambre, il avait fait l’objet d’une centaine d’amendements par les Conseillers, portant essentiellement sur les problématiques du secrétaire général du tribunal, de ses prérogatives et de ses rapports avec le ministère de tutelle ainsi que les responsables judiciaires, mais aussi la question des domaines de l’inspection générale du ministère de la Justice. Le texte avait alors été adoptée en deuxième lecture par les Représentants, avant d’atterrir sur la table de la Cour constitutionnelle, saisie par le chef du gouvernement, Saâdeddine El Otmani, en janvier 2019.
Celle-ci avait rendu un arrêt, en février de la même année, épinglant les députés sur huit articles du projet de loi (précisément les articles 7, 23, 48, 52, 71, 96, 103 et 107), qu’elle a jugés « non conformes à la Constitution ». La plus haute instance juridique du royaume avait reproché aux membres du parlement la non prise en compte du travail effectué par le ministère public dans l’organisation du secrétariat-greffe au sein d’une même instance mais aussi des prérogatives du secrétaire général du tribunal, auquel les députés ont tenté d’attribuer la possibilité de s’impliquer dans les affaires à caractère judiciaire du bureau du tribunal.
Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle avait aussi exigé des éclaircissements à propos des missions conférés au président-délégué du Conseil supérieur de l’autorité judiciaire (CSPJ), notamment celles de nommer les juges de la famille chargés du mariage, ceux chargés des affaires des mineurs ou encore les juges d’instruction. La Cour avait également jugé inconstitutionnels l’omission du scénario selon lequel le quorum du tiers des membres d’une assemblée générale du bureau du tribunal n’est pas atteint.
Le projet adopté in extremis avant la fin de la législature
Plus de deux ans plus tard, fin juin dernier, le texte revient sur la table de la Commission de la justice. Cette fois-ci, il fait face à un collectif d’avocats, dont plusieurs ex-bâtonniers, qui s’insurgent contre son article 14. Celui-ci dispose que « les pièces produites dans le cadre d’une procédure sont présentées avec leur traduction en langue arabe par un traducteur assermenté, à moins que la juridiction en décide autrement ».
Pour ces robes noires, cette disposition « alourdira les délais et processus judiciaires, produira des goulots d’étranglement en raison des capacités numériques actuelles de traduction à l’échelle nationale (406 traducteurs assermentés pour 2 782 048 affaires en 2020), constituera un surcoût considérable pour les citoyens dans leurs procédures judiciaires et entravera l’accès des citoyens de conditions modestes à la justice de leur pays », selon un communiqué parvenu à notre rédaction.
La situation s’est finalement débloquée ce mercredi en commission. Les députés, conduits par la PJDiste Amina Maelainine ont relayé les doléances de ce collectif d’avocat, et l’article a été amendé de façon à ce que les pièces puissent être présentées en langue étrangère du moment qu’elles sont compréhensibles pour la cour, qui pourrait par la suite ordonner une traduction en langue arabe. Grossièrement, la situation reste telle qu’elle est actuellement.
La refonte de l’organisation judiciaire du royaume, pierre angulaire de la « réforme judiciaire », aura finalement bien lieu – sauf rebondissement inopiné à la chambre des Conseillers -, dans les tous derniers jours de la législature 2016-2021.
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