n°70.Qui sont ces mineurs non accompagnés étrangers qui vivent au Maroc ?
En 2013, le nombre d’étrangers en situation irrégulière avancé par le ministère de l’Intérieur était situé entre 30 000 et 40 000. Mais combien parmi eux sont-ils des mineurs non accompagnés (MNA) ? L’ONG Caritas vient de publier une enquête très fouillée pour préciser leur nombre, leur profil et leurs conditions de vie au royaume.
Combien sont-ils ?
En recoupant les chiffres des prises en charge dans les centres Caritas de Rabat entre 2013 et 2015, les MNA représenteraient 11 % de la population des étrangers en situation irrégulière au Maroc. Ainsi, en 2015, 399 MNA (dont 8 filles et 391 garçons) ont été pris en charge, sur un total de 3 608 personnes. Un chiffre qui a augmenté lors des deux dernières années, passant de 115 MNA pris en charge en 2013, à 142 en 2014 et 399 en 2015. L’enquête de Caritas a démontré que la plupart des MNA ont atteint le niveau du collège, 30 % ont terminé le cycle primaire, tandis que 10 % ne l’ont pas achevé. Par ailleurs, 71 % de ces enfants parlent une deuxième langue et le français reste la langue la mieux maitrisée avec 97 %, suivi de l’anglais et de l’espagnol.
Pourquoi ont-ils atterri au Maroc ?
Prés de la moitié des MNA interviewées (12,55 % des filles et 61 % de garçons), ont déclarés que leur voyage au Maroc a été motivé par « la recherche d’une vie meilleure sur le plan économique, le désir d’étudier ailleurs ou d’expérimenter une aventure ». Quant à leur provenance, l’enquête a démontré que la majorité d’entre eux est d’origine guinéenne et camerounaise. Ces enfants prennent la décision parfois de manière individuelle, mais souvent à la suite de la proposition d’amis ou de membres de leur famille. Dans la plupart des cas, ils partent sans informer leurs parents, avec l’argent épargné. Plus inquiétante est la catégorie de MNA « errant », qui a décidé, suite à une situation de guerre ou de conflit domestique, de partir sans avoir de projet.
Dans l’échantillon de l’étude, ils représentent 27,4 % (50 % de filles et 20 % de garçons). Sont inclus également dans cette catégorie les enfants qui ont voyagé avec l’un des parents ou membres de la famille proche (frère, sœur, tante), mais qui se sont séparés en cours de route. Par ailleurs, « L’arnaque au football » est la cause de l’arrivée de 13 % des MNA au Maroc. Pratiquant le football, souvent ils sont approchés dans leur pays d’origine par un individu se présentant comme un manager et leur font miroiter la possibilité de jouer dans des clubs professionnels ailleurs. Ces enfants et leurs familles sont piégés par ces « marchands de rêves » qui leur extorquent de l’argent que les familles collectent en vendant des propriétés et en s’endettant. Par la suite, le projet se révèle être une grande escroquerie, car les promesses faites et les contrats signés sont faux. Ces enfants passent du rêve d’être une grande star du football, à une situation de précarité ou simplement dans la rue, rangés par la culpabilité quant à l’investissement que la famille a fait pour eux. Enfin, les MNA victimes de traite reste la catégorie la plus difficile à identifier malgré les informations données par les acteurs associatifs et les différentes études (ministère de la Justice, 2015) qui font état de l’ampleur de la traite des personnes dans certains groupes de migrantes au Maroc.
Comment appréhendent-ils leur vie au Maroc ?
L’enquête de Caritas vient conforter l’idée que le Maroc est pensé comme un pays de transit. Mais, en attendant de partir vers l’eldorado européen, les MNA vivent mal l’expérience marocaine. En effet, seulement 25 % des interviewés pensent que leur situation est meilleure que le pays d’origine, sans oublier que 74 % parmi eux se disent bloqués, sans possibilité d’évolution au Maroc. Les plus satisfaites sont les personnes qui se sont déplacées pour fuir la guerre et/ou la violence, 35 % des MNA parmi ce groupe considèrent que leur situation est meilleure. Cependant, 43 % pensent que la situation est encore pire. La majorité des filles et des garçons enquêtée se sent triste ou frustrée la plupart du temps (35,30 %), mais garde l’espoir (30,40 %). Presque 20 % de MNA affirment se sentir stressés et anxieux.
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