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26.08.2016 à 18 H 51 • Mis à jour le 26.08.2016 à 18 H 51 • Temps de lecture : 7 minutes
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n°61.Violence faites aux femmes : Quelles différences légales entre le Maroc et la Tunisie ?

Alors qu’au Maroc, le projet de loi n° 103-13 contre les violences faites aux femmes était adopté en juillet dernier en première lecture à la Chambre des Représentants, au même moment, un projet du même type était entre les mains des ministres tunisiens. Deux textes au même objectif mais pourtant si différents.

« En Tunisie, le projet de loi contre les violences faites aux femmes va beaucoup plus loin que le nôtre, insiste Khadija Rouggany, membre de l'alliance Printemps de la dignité. Au Maroc, le texte n’intègre pas toutes les mesures qui pourraient combattre la violence. Par exemple, il n’y a pas de notion de prévention dans ce projet de loi à l’inverse du texte tunisien. »


Dans ce dernier, des programmes sont prévus dès le plus jeune âge. En effet, les principes des « droits humains et l’égalité entre les sexes » devraient notamment être inculqués tout au long de la scolarité jusqu’à l’université. Une éducation qui ne devra pas être phagocytée par les médias. Ainsi, il leur sera interdit de véhiculer des stéréotypes basés sur le genre qui seraient de nature à encourager les violences et les discriminations faites aux femmes.


Des notions importantes mais qui manqueraient dans le projet de loi marocain comme l’a constaté le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH) dans ses recommandations en mai dernier. Il avait réclamé d’intégrer un nouvel article dans ce texte imposant au gouvernement d’élaborer un Plan national de prévention de la violence à l’égard des femmes dans un délai d’une année après l’entrée en vigueur de la loi n° 103-13. Le but était de « lutter contre les stéréotypes et les préjugés relatifs au genre social, ainsi que contre les pratiques fondées sur l’infériorité de la femme ou sur un rôle stéréotypé imparti aux femmes et aux hommes », comme indiqué dans le rapport. Un plan national « comprenant notamment des programmes de formation, d’enseignement et médiatiques consacrés à la lutte contre la violence ».


Des formations adaptées en Tunisie

« La plupart des viols se font sans violence car la victime est tétanisée, assure Monia Ben Jemia, présidente de l’association tunisienne des femmes démocrates. Si les juges, les agents de police ne sont pas formés, ils ne peuvent pas en avoir connaissance pourtant c’est très important car cela explique qu’il n’y a pas de traces de violence même s’il y a eu viol. »


Ainsi, dans le texte tunisien, des agents entre autres femmes seront formés dans le mode de l’intervention et de l’écoute. Ils intègreront les nouvelles unités créées spécialisées dans les cas de violence au sein de la police ou de la Garde nationale. Ce ne sera pas le seul personnel qui devrait bénéficier de ces formations : le personnel médical et social ou encore les agents des forces de sécurité, mais aussi ceux au sein des tribunaux disposeront de tous les outils pour accueillir au mieux les victimes.


Au Maroc, des formations existent déjà, comme l’assure Khadija Rouggany. Mais problème, « il n’y a ni suivi, ni évaluation pour voir si tout simplement, les juges ou les policiers mettent en pratique ce qu’ils ont appris », s’indigne-t-elle qui doute ainsi de son efficacité, avant d’assurer : « Là, non plus, la formation n’a pas été évoquée dans le projet de loi n° 103-13 ».


Mesure de protection pour les victimes

 Autre grand pas en avant dans le texte tunisien et pas des moindres : « La création de refuges ou de centres d’écoute », indique Monia Ben Jemia, présidente de l’association tunisienne des femmes démocrates. Une prise en charge rêvée souligne Khadija Rouggany, mais qui n’existe pas dans le projet de loi marocain.


Néanmoins, est prévu, comme l’indique le Huffington Post Maroc « la création de mécanismes institutionnels et intégrés de prise en charge, (...) une meilleure orientation vers les différents services disponibles et l'accès à ces services, avec le souci d'assurer la rapidité et l'efficacité des interventions des différentes parties concernées par son application ». Une meilleure intervention pour protéger au mieux et au plus vite, la victime tout comme la mise à l’écart de l’agresseur.


En effet, en cas de violences constatées dans le cadre familial, comme l’explique Medias24, le juge peut lui ordonner de ne pas entrer en contact, ni d’approcher la victime pendant une durée de 5 ans à partir de sa mise en liberté. S’il enfreint cette décision, il risque une deuxième peine de prison de l’ordre de six mois à deux ans de prison.


Pour l'alliance Printemps de la dignité, il faut encore aller plus loin. L’une de ses propositions ? « Mettre en place de nouvelles mesures visant à protéger les victimes de violences, avant les procédures judiciaires », répond Khadija Rouggany. Du côté du projet de loi tunisien, « les mesures d’éloignements ont été élargies au conjoint et à l’ex-conjoint », explique Monia Ben Jemia.


Le cas spécifique des femmes mariées ou divorcées 

Comme l’indique Amnesty International, la plupart des infractions nouvellement définies sont en rapport avec la protection des femmes mariées ou divorcées. Par exemple, l’interdiction du mariage forcé est passible de peines allant de six mois à un an de prison ou encore le fait de dilapider délibérément des sommes destinées à l’épouse ou aux enfants, ou des versements ou arrangements convenus dans le cadre d’un divorce sont punis de peines comprises entre un et six mois de prison et d’amendes allant de 2 000 à 10 000 dirhams.


Autre exemple : chasser son épouse du domicile conjugal constitue une autre infraction passible d’amendes comprises entre 2 000 et 5 000 dirhams. Pour l’ONG, même s’il s’agit là d’avancées encourageantes, une bonne partie des femmes est oubliée. Aucune nouvelle infraction n’est définie pour celles qui sont disproportionnellement exposées à la violence comme « les femmes et les filles migrantes, les femmes et les filles ayant des enfants hors mariage, et les femmes et filles souffrant d’un handicap. » Au contraire, dans le projet de loi tunisien, « une peine est aggravée si certains crimes sont commis par des ascendants ou descendants, conjoints ou sur des personnes vulnérables (enfants, personnes âgées ou souffrant d’un handicap). »


Le viol, une violence encore mal définie

A l’inverse du texte tunisien, la définition du viol dans le droit marocain n’est pas rédigée dans un langage neutre en matière de genre. En effet, l’article 486 le définit comme tout « l'acte par lequel un homme a des relations sexuelles avec une femme contre le gré de celle-ci ». Le projet de loi ne le modifie au grand regret d’Amnesty International car les femmes ne sont pas seules à subir des viols. Les hommes, les mineurs ou encore les épouses en sont victimes. Mais, comme l’indique l’ONG, le viol conjugal n’est pas considéré comme une infraction pénale spécifique dans le projet de loi marocain.


Un son de cloche qui semble être le même dans le texte tunisien. La plupart des crimes, comme les homicides ou les violences physiques, seront punis plus sévèrement si le coupable est l’époux ou le partenaire de la victime. Mais cette disposition est absente des articles relatifs au viol ou aux autres formes d’agressions sexuelles. Pourtant c’était l’une des revendications des associations féministes. « Le viol conjugal n’est pas très bien défini », affirme Monia Ben Jemia. Car il n’est tout simplement pas explicitement nommé.


Comme expliqué par Inkyfada, le texte ne touche pas non plus aux dispositions du Code du statut personnel (CSP) relatives à la dot que le mari doit verser à sa femme. D’après l’article 13 du CSP tunisien, le mari ne peut, s’il ne s’est pas acquitté de la dot, contraindre la femme à la consommation du mariage.


Autre nouveauté dans le projet de loi tunisien : « Lorsqu’une personne était condamnée pour viol, elle pouvait écoper de la prison à perpétuité ou être condamnée à la peine de mort, explique Monia Ben Jemia. La peine de mort a été retirée. Mais même quand il était possible de condamner un individu à la peine de mort, ce n’était jamais appliqué. En général, les prévenus écopaient d’environ quinze ans de prison. » Comme l’indique Amnesty international, l’article 486 du Code pénal marocain puni le viol de cinq à dix ans d’emprisonnement. Les peines prononcées peuvent atteindre trente ans de prison lorsqu’il existe des circonstances aggravantes, notamment quand la victime est mineure, handicapée ou enceinte, ou quand l’auteur use de son autorité.


Des textes qui pour l’heure vont encore être débattus par les parlementaires de chaque pays et scrutés avec attention pour les associations féministes marocaines et tunisiennes. Une femme sur trois dans le monde est victime de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie, d’après les données de l’ONU.

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