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02.10.2020 à 17 H 20 • Mis à jour le 30.10.2020 à 14 H 11

Algérie: Avoir 20 ans en Méditerranée (1/2)

Réalisé dans le cadre du projet vidéo Open Media Hub, « Avoir 20 ans : le portrait d’une génération », donne la parole à la jeunesse algérienne (70% d’une population de 43 millions d’habitants). Les jeunes qui s’expriment face caméra ont participé aux grandes marches du Hirak contre « le système ». Ils n’ont connu que Bouteflika qu’ils ont chassé, mais la lutte continue contre un pouvoir corrompu et liberticide

Vivre au nord ou au sud de la mer Méditerranée suggère bien souvent un destin de vie très différent. Côté rive sud, l’absence de perspective d’avenir ou d’épanouissement personnel poussent de nombreux jeunes du Maghreb à porter le regard vers le nord, espérant profiter un jour de « l’Eldorado européen ».  Le phénomène des Harragas, comme celui de la « fuite des cerveaux », des jeunes talents dont la formation prodiguée par les pays du sud bénéficie aux pays du nord, trahissent le mal-être de la jeunesse qui entoure les sociétés maghrébines. Pourtant naître et grandir en Algérie, à l’instar de nos deux protagonistes, tous deux âgés de 23 ans, ne signifie pas forcément désespoir. Déjà avant, mais surtout depuis l'émergence du Hirak algérien (février 2019), Manel, jeune entrepreneure culturelle et Yanis, étudiant et militant, tentent à leur façon de s'inscrire dans une Algérie meilleure


« J’ai bénéficié d’une éducation ouverte qui permet d’être moins réceptif à la propagande » raconte Yanis, étudiant en informatique à Tizi Ouzou, région montagneuse située à 3 heures de route à l’est d’Alger. Issu d’une « jeunesse privilégiée » comme il le dit, ce fils de médecins, biberonné au militantisme, se souvient de son premier engagement : « J’avais 4 ou 5 ans, c’était lors du premier mandat de Boutef. Dans ma région, tout le monde était contre. On chantait des slogans anti-Bouteflika en même temps qu’on jouait ».


Et d’ajouter : « A l’école, on nous enseigne que nous sommes un pays arabo-musulman, donc on milite depuis la primaire ».Connue pour sa fronde permanente contre le pouvoir centrale, notamment en vue de la reconnaissance de sa culture amazigh, la Kabylie, regroupant les wilayas de Béjaïa et Tizi Ouzou, a toujours manifesté son opposition aux quatre mandats successifs de l’ex président Bouteflika, démissionnaire en avril 2019.


Arrivé à la faveur de dix années de terrorisme de masse, l’ancien président âgé de 81 ans est accusé d’avoir plongé le pays dans une spirale de corruption sans précédent. On recense actuellement plus d’une centaine d’ex ministres, ex-walis, des hommes d’affaire et trois anciens Premiers ministres, en prison, tous poursuivis pour corruption.


Néanmoins, la lutte affichée par l’actuel gouvernement contre les crimes commis par les membres du clan Bouteflika, sont loin d’être suffisants pour satisfaire aux attentes de la jeunesse algérienne, estimée à 70 % d’une population de 43 millions d’habitants. La désillusion semble de retour, après un Hirak porteur d’espoir et plus d’une année de mobilisation hebdomadaire.


« Il y avait beaucoup de jeunes dans les manifs mais ce n’est pas pour autant qu’ils sont politisés. Tous les jeunes veulent partir. Il y a moins d’espoir depuis l’élection du 12 décembre et la pandémie. Il y a eu une mobilisation sur Facebook mais des divergences sont apparues. Ici la jeunesse s’en fout maintenant. Y a eu Aït Ahmed, Abane Ramdane (ndlr. des révolutionnaires de la région kabyle), ils n’ont pas réussi. Ce ne sont pas les jeunes de Tik Tok qui vont y arriver. Je deviens sceptique » révèle le jeune militant, membre d'une ONG


Rêver du Grand Soir pour accoucher de lendemains qui déchantent, une autre crainte partagée par Yanis : « Pour les jeunes progressistes qui nous ressemblent, c’est compliqué même s’il y a une révolution. La société est profondément musulmane. J’ai peur pour l’avenir des courants minoritaires. Qu’en serait-il des athées par exemple ? Je ne pense pas que le peuple algérien, dans sa majorité, accepterait ces différences ou tout ce qui pourrait ressembler à une menace » raconte-il le ton détaché mais pessimiste.


Conséquence directe de la colonisation, la destruction des identités locales, de la filiation et du patrimoine culturel des Algériens au 19ème siècle, impacte encore lourdement la société algérienne.


L’homogénéisation forcée de la population, débutée en 1830, date de l’invasion française, s’est poursuivie après l’indépendance et l’influence du panarabisme. « On n’arrive pas à sortir des dégâts du colonialisme et du modèle du blond suprématiste etc. C’est de cela dont il faut renaître ».


Ce constat amer, Yanis le tire des nombreux échanges avec d’autres jeunes durant les manifestations du mouvement de protestation. Encore optimiste il y a quelques mois, l’idée de s’expatrier l’attire de plus en plus : « Partir ? Je n’attends que ça. J’ai envie de vivre. Je sais qu’il faut une génération de sacrifiés mais partir je n’attends que ça ».


A l’instar de Yanis, nombre de jeunes rêvent de découvrir le monde, certains pour mieux revenir : « Revenir après ? Cela dépendra de l’avancement de la situation ici. Mais c’est de moins en moins sûr » avoue-t-il, malgré ses années d’engagement militant pour une société meilleure.


La solution d’après lui ? « Un fédéralisme nord-africain, qui réunirait tous les Berbères. On est devenu ennemi avec le Maroc, pourquoi selon toi ? La rivalité entre le Maroc et l’Algérie fait le jeu des Occidentaux, afin que le Maghreb ne pèse pas. L’Afrique doit être souveraine, à commencer par l’Afrique du Nord » estime l’étudiant, qui s’inscrit directement dans la lignée des indépendantistes nord-africains des années 1960. Un rêve pieux qui peine toujours à exister.


Ce travail est réalisé dans le cadre du projet vidéo Open Media Hub « Avoir 20 ans en Méditerranée : le portrait d’une génération »

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