Leila Alaoui, blessée à Ouagadougou, ses oeuvres exposées actuellement à Paris

Artiste franco-marocaine née en 1982, Leila Alaoui a étudié la photographie aux Etats-Unis. Elle vit entre Marrakech et Beyrouth. Son travail explore l’identité, les diversités culturelles et la migration dans l’espace méditerranéen.
Suite à ses études de photographie à New York, elle rentre au Maroc en 2008 pour un projet sponsorisé par l’Union Européenne sur les jeunes et la migration clandestine, No Pasara. Son travail est exposé internationalement depuis 2009 (Art Dubai, l’Institut du Monde Arabe et la Maison Européenne de la Photographie à Paris) et ses photographies publiées dans de nombreux journaux et magazines, notamment dans le New York Times et Vogue.
Avec son projet Les Marocains, elle parcourt le pays afin de capturer la diversité ethnique et culturelle du Maroc, un travail de témoignages et documents d’archives sur l’esthétique de ces réalités sociales, souvent vouées à l’oubli. Leila Alaoui avait monté récemment un projet combinant activisme, campagne de communication nationale et installation multimédia dans le but de sensibiliser la population autour de la situation précaire des migrants subsahariens au Maroc.

Son travail sur l’identité marocaine est actuellement à l’honneur à la Maison européenne de la photographie (MEP), à Paris. Sur le site de la MEP, Leila Alaoui décrit sa série Les Marocains qui y est exposée en ce moment :
Les Marocains, une série de portraits inspirés par Robert Frank
« Les Marocains est une série de portraits photographiques grandeur nature réalisés dans un studio mobile que j’ai transporté autour du Maroc. Puisant dans mon propre héritage, j’ai séjourné au sein de diverses communautés et utilisé le filtre de ma position intime de Marocaine de naissance pour révéler, dans ces portraits, la subjectivité des personnes que j’ai photographiées » s’est confiée l’artiste à la MEP.
Inspirée par The Americans, le portrait de l’Amérique d’après-guerre réalisé par Robert Frank, elle s’est lancée, témoigne-telle, dans un road trip à travers le Maroc rural afin de photographier des femmes et des hommes appartenant à différents groupes ethniques, Berbères comme Arabes.
« Ma démarche, qui cherche à révéler plus qu’à affirmer, rend les portraits réalisés doublement “documentaires” puisque mon objectif – mon regard – est à la fois intérieur et critique, proche et distancié, informé et créatif ».
Ce projet, toujours en cours, constitue une archive visuelle des traditions et des univers esthétiques marocains qui tendent à disparaître sous les effets de la mondialisation.
Cette manière hybride de concevoir le documentaire fait écho à la démarche corrective postcoloniale que de nombreux artistes contemporains engagent aujourd’hui afin d’écarter de l’objectif l’exoticisation de l’Afrique du Nord et du monde arabe très largement répandue en Europe et aux Etats-Unis.
Le Maroc a longtemps occupé une place singulière dans cette utilisation de la culture historique – en particulier des éléments de l’architecture et des costumes nationaux – pour construire des fantasmes d’un « ailleurs » exotique.
Pour Alaoui, les photographes utilisent souvent le Maroc comme cadre pour photographier des Occidentaux, dès lors qu’ils souhaitent donner une impression de glamour, en reléguant la population locale dans une image de rusticité et de folklore et en perpétuant de ce fait le regard condescendant de l’orientaliste.
« Il s’agissait pour moi de contrebalancer ce regard en adoptant pour mes portraits des techniques de studio analogues à celles de photographes tels que Richard Avedon dans sa série In the American West, qui montrent des sujets farouchement autonomes et d’une grande élégance, tout en mettant à jour la fierté et la dignité innées de chaque individu, » explique-t-elle.
Au Burkina, engagée aux côtés d'Amnesty International
Leila Alaoui, 33 ans, a été hospitalisée dans la capitale burkinabé , ce samedi, après avoir été grièvement blessée à la jambe et au bras, dans l’attaque de l’hôtel Splendid par un commando jihadiste. Selon plusieurs témoignages, notamment de sa mère sur i-Télé, la jeune femme était attablée au café Capuccino, un lieu très couru par les étrangers qui fait face à l’hôtel.
Elle se trouvait au Burkina Faso pour réaliser un reportage pour le compte d’Amnesty International.« Elle a perdu beaucoup de sang avant d’être évacuée. Heureusement qu’elle a été admise dans un hôpital où il y a un scanner. Ce qui a permis de détecter un caillot de sang dans ses poumons qui compliquait la respiration », a déclaré sa mère au 360. Ses jours seraient désormais hors de danger. Un élan de solidarité s’est propagé sur la Toile à l’annonce de sa présence parmi les victimes.
On peut voir son travail en ce moment – et jusqu’à dimanche – dans le cadre de la première Biennale de la photographie arabe qui se tient à Paris, principalement à la MEP et à l’Institut du monde arabe.