Pays-Bas, Luxembourg, Irlande… ces autres « paradis fiscaux »
Un rapport qui tombe à pic, en plein scandale des Panama Papers. Le document fait état d’une baisse des flux d’investissement vers les sociétés offshore des paradis fiscaux. Les volumes mesurés en 2015, de l’ordre de 72 milliards de dollars, sont bien en-deça de ceux estimés deux ans plus tôt, qui s’élevaient à 132 milliards de dollars. Des chiffres à relativiser. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas des pays considérés officiellement comme des paradis fiscaux qui tirent leur épingle du jeu. Car les flux de capitaux en direction de pays intégrés, et à la fiscalité avantageuse, restent forts. Après la diminution de ces flux en 2014, ils sont repartis à la hausse lors des trois premiers trimestres de 2015, avant de s’effondrer à la fin de l’année. Total estimé sur les douze mois de 2015 : 221 milliards de dollars.
Destination coeur de l’Europe
Le principal destinataire de ces investissements est le Luxembourg. L’étude souligne une relation étroite entre le pays et les États-Unis, qui en ont fait un partenaire privilégié. Les Pays-Bas ne sont pas non plus en reste, et attirent notamment des investisseurs du Royaume-Uni et du… Luxembourg. D’après le rapport, “l’étroite corrélation entre les flux des sociétés écran au Luxembourg et aux Pays-Bas met en exergue l’existence de réseaux denses et complexes de ces entités dans les deux pays, avec des capitaux qui circulent rapidement entre eux en fonction des besoins financiers et du calendrier fiscal”. Ces deux pays cristalisent une grosse partie des échanges, et leur situation a impacté la tendance mondiale. Il convient de faire un rapprochement entre leur changement de législation acté fin 2015 et la fuite spectaculaire des capitaux dans ces deux pays à la même période. Les deux pays ont dû se soumettre à des règles européennes concernant l’optimisation fiscale, et il sera intéressant d’observer l’évolution des flux en provenance et à destination du Luxembourg et des Pays-Bas ces prochaines années après cette harmonisation avec l’Union Européenne.
Les PED aiment les Caraïbes
Autre point névralgique, les Caraïbes, avec les Îles Vierges britanniques et les Îles Caïman. Les flux d’investissements vers ces deux paradis fiscaux ont très faiblement régressé, restant toutefois à un niveau assez élevé. Les capitaux entrants dans ces centres financiers proviennent principalement de pays en développement : Hong Kong (33 %), de Russie (17 %), de Chine (10 %) et du Brésil (5 %). De ces procédés ressortent des situations ubuesques. En 2014, les multinationales de 26 pays développés ont déclaré plus de revenus dans les Bermudes (43,7 milliards de dollars) qu’en Chine (36,4) ou qu’en Allemagne (32,4), respectivement deuxième et quatrième puissance mondiale. La CNUCED avance que les investissements directs à l’étranger (IDE) perçus par les Îles Caïman en 2014 représentaient 874,9 % de son PIB. 779,4 % pour les Bermudes, 114,4 % pour le Luxembourg, 24,3 % pour l’Irlande, 18,6 % pour Singapour, 17,6 % pour les Pays-Bas, 8,9 % pour la Suisse et 8 % pour Hong Kong. En comparaison, ces taux ne sont que de 0,7 % pour les États-Unis, 0,8 % pour l’Allemagne, 0,4 % pour le Japon et 0,6 % pour la France.
La pression populaire pour faire bouger les États
Les pertes de rentrées fiscales pour les États sont considérables et réduisent leurs recettes de manière notable. D’où un regain d’intérêt récent pour la lutte contre ces pratiques. Pour y remédier, le rapport préconise “de créer un système cohérent de politique fiscale et d’investissements à une échelle internationale”, parlant “d’un besoin pressant de plus de cohérence”. L’indignation suscitée par les Panama Papers fait de ce combat un argument politique, qui pourrait inciter les gouvernements à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour combattre ces pratiques si la mobilisation citoyenne est assez forte. En Espagne, l’ONG Oxfam Intermón a alerté l’opinion publique par le biais d’une vidéo qui connaît son petit succès sur les réseaux sociaux. Une caméra cachée dans un bar filme la réaction de clients indignés par le montant de leur addition, avec notamment le prix de la bière à 20 euros. Le serveur leur explique qu’ils doivent payer pour des clients précédents qui sont partis sans régler leur note. Des explications absurdes pour ses interlocuteurs, qui trouvent scandaleux et incompréhensible d’être victimes de la malhonnêteté des autres. Une allégorie efficace visant à exhorter le peuple espagnol à se révolter contre l’optimisation et l’évasion fiscale.
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