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05.05.2016 à 20 H 52 • Mis à jour le 06.05.2016 à 17 H 09
Par
ECONOMIE

Le Vénézuela est à terre : chronique d’une faillite d’Etat

Le quotidien de la population est devenu désastreux. Quasiment tous les produits sont rationnés. Reuters
Interminables files d’attentes devant les super marchés, arrêt de l’administration, des écoles, de l’activité économique, pénurie d’essence et d’électricité, explosion des prix… Le Vénézuela, pays qui détient les plus grandes réserves de pétrole dans le monde, est ruiné, son président sur le carreau, son peuple appauvri.

Il y a quelques jours, le média vénézuélien El Nacional nous apprenait que six membres de l’armée étaient arrêtés pour avoir volé des chèvres. Interrogés, ils ont expliqué avoir commis ce délit pour se nourrir, étant donné l’absence de vivres dans leur caserne. Tout un symbole. La situation du pays est catastrophique, les caisses sont vides, et la tendance ne va pas à l’amélioration. La population est à bout et doit faire face à une crise économique, politique et énergétique qui rapproche jour après jour le pays de la faillite.

L’inactivité comme solution

La semaine dernière, le président de l’assemblée nationale Henry Ramos Allup annonçait que les députés et les employés du parlement ne pourraient pas être payés, faute d’argent. Fin avril, il a été décidé de ne faire travailler les fonctionnaires que deux jours par semaine, le lundi et le mardi. Mercredi, jeudi et vendredi seront chômés dans le secteur public, à l'exception des tâches « fondamentales et nécessaires » signalait alors le vice-président Aristobulo Isturiz. Dans les écoles, c’est le vendredi qui a déjà été sacrifié, alors que heures de travail quotidiennes dans les ministères ont été plafonnées à six.


De nouveaux jours fériés ont été créés pour encourager l’inactivité, et donc freiner la consommation d’énergie. Tous les moyens sont bons pour économiser une denrée devenue rare : l’électricité. Quelques jours avant cette décision, des restrictions avaient été imposées à la population, notamment la coupure de l’électricité pendant quatre heures tous les jours dans les États les plus peuplés du Vénézuela, exception faite de la capitale Caracas. Dans les faits, des coupures récurrentes avaient été constatées dès le mois de mars, mais n’avaient pas été officialisées, alors qu’une certaine partie de la population fait face à des coupures bien plus longues que les quatre heures signalées.


Afin de profiter un maximum de l’ensoleillement, le fuseau horaire a été optimisé, décalé de 30 minutes. Quant aux gros consommateurs de courant, ils doivent se fournir eux-mêmes en électricité neuf heures par jour. Sont notamment concernés les hôtels et les centres commerciaux, qui ont réduit leurs horaires d’ouverture. Les commerces et les entreprises sont également vivement encouragés à restreindre leurs activités. Le Vénézuela est extrêmement dépendant de l'énergie hydroélectrique et est frappé par une sécheresse qui dure depuis 2013. Un manque d’eau qui s’est accentué fin 2015 avec le phénomène climatique El Niño, qui a contribué à assécher de manière encore plus problématique les réserves. Conséquence, la centrale hydroélectrique de Guri, située dans la ville de Bolivar, tourne au ralenti. A elle seule, elle doit fournir 70 % de l’électricité consommée sur le territoire.


Manger à sa faim, avec de l'électricité chez soi, est devenu un luxe au Vénezuela. REUTERS

Une inflation supérieure à 700 % pour 2016

Dans le même temps, les revenus générés par l’exportation du pétrole se sont effondrés, paralysant l’économie du pays. Le Vénézuela, pays bénéficiant des plus larges réserves pétrolières au monde, a commis l’erreur de ne compter que sur son or noir et n’a pas développé d’autres activités. Alors que le baril de pétrole avait dépassé les 100 dollars courant 2014, les prix ont drastiquement chuté pour tomber sous les 30 dollars début 2016, avant de remonter un peu ces derniers mois. Car si la demande a (faiblement) augmenté, l’offre s’est envolée à cause du bras de fer opposant les États-Unis et l’Arabie Saoudite, aucun des deux États ne consentant à réduire sa production afin de garder ses parts de marché, arrosant la planète de pétrole toujours moins cher. Et les choses ne sont pas parties pour s’arranger. La levée des sanctions internationales contre l’Iran vont pouvoir lui permettre d’exporter lui aussi son pétrole, faisant entrer un nouvel acteur puissant dans la danse.


Très gourmande en matières premières, notamment dans le domaine de l’énergie, la Chine connaît actuellement un ralentissement économique, et la croissance de sa demande est bien moins forte qu’auparavant. Pas sûr donc que la hausse de la demande mondiale ne soit beaucoup plus forte que celle de l’offre, et un excédent de production est prévu pour l’année en cours. Selon plusieurs estimations, il faudra attendre au moins jusqu’en 2017 pour connaître un rebond significatif des prix. Pour répondre à la conjoncture, les sociétés pétrolières vont réduire leurs investissements et la production devrait alors être revue à la baisse. Mais il pourrait déjà être trop tard pour le Vénézuela, qui n’est pas en position d’attendre. Selon le FMI, les recettes liées au pétrole étaient de 80 milliards de dollars en 2013, contre seulement 20 à 25 milliards en 2015. Quand on sait que 96 % des revenus d’exportation vénézueliens proviennent du pétrole, on se rend vite compte du désastre.


Le pays ne produit par lui-même rien d’autre que du pétrole, se contentant d’importer ce dont il a besoin. L’argent ne rentrant plus dans les caisses, la banque centrale a fait tourner la planche à billets pour pouvoir continuer d’importer. Ce qui a fait perdre toute sa valeur au bolivar vénézuélien et provoqué une inflation monstrueuse de l’ordre de 180,9 % en 2015. Et ce n’est que le début, le FMI prévoyant une inflation supérieur à 700 % pour 2016. Le quotidien de la population est devenu désastreux. Quasiment tous les produits sont rationnés, il faut faire des heures de file d’attente pour se procurer de quoi subsister, les produits de base manquent. Il n’est possible d’aller faire ses courses qu’une fois par semaine, le jour étant fonction du dernier numéro de sa carte nationale d’identité. Les achats sont strictement contrôlés. Les empreintes digitales des consommateurs sont scannées pour s’assurer qu’ils ne dépassent pas les quotas de rationnement. “Si on ose acheter des denrées supplémentaires, nous sommes traités comme des criminels”, témoigne une internaute vénézuelienne au Desk, qui explique que des militaires sont postés à la sortie des supermarchés. En février dernier, le président Nicolás Maduro s’est vu obligé de faire exploser les prix à la pompe, décidant d’une augmentation de 1328,5 % pour du prix du carburant, et même de 6085 % pour le “super”. Les prix de l’essence avaient été gelés depuis le milieu des années 90, personne n’osant y toucher après les révoltes populaires engendrées par ce genre d’annonce dans le passé.


Dépassé par les évènements, le président Nicolas Maduro risque la destitution.

Demain, la révolution ?

Dépassé par la situation, Maduro doit en plus gérer une instabilité politique. En décembre 2015, le parti d’opposition MUD (Mesa de la unidad democratica) remportait les élections législatives, une première depuis l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir en 1999. Jusqu’ici, les socialistes avaient toujours eu les mains libres. Leur gestion du pays est fortement remise en cause par les nouveaux élus, qui dénoncent une mauvaise anticipation des besoins du pays et le manque d’investissement dans les infrastructures, notamment celles permettant de générer de l’énergie hydroélectrique et les réservoirs d’eau potable. Preuve que les conditions climatiques n’expliquent pas tout, loin de là, des pays voisins plus sévèrement touchés, comme le Chili ou le Pérou, ne souffrent pas d’une telle détresse énergétique. N’avoir rien tenté pour diversifier une économie entièrement consacrée au business du pétrole est aussi une erreur qui leur a été reprochée. Une stratégie dont est désormais victime l’ensemble d’une population vénézuelienne en souffrance. L’exemple est donné pour les grandes puissances pétrolières. D’ailleurs, l’Arabie Saoudite a bien compris les enjeux et a d’ores et déjà annoncé faire le nécessaire pour mettre en place un fonds souverain doté d’une enveloppe de 2000 milliards de dollars pour se détacher de leur dépendance à l’or noir. Une présence d’esprit que n’a pas eu le pouvoir vénézuélien, qui n’a fait preuve d’aucune initiative, et qui se retrouve puni.


En seulement quelques jours, l’opposition a recueilli environ 1,85 million de signatures visant à évincer le président Maduro du pouvoir. Bien plus du 1 % des électeurs nécessaires (195 721) pour atteindre la seconde phase du processus de destitution. Celle-ci consiste à réunir cette fois près de quatre millions de signatures (20 % de l’électorat), qui devront être authentifiées. Une fois cette étape franchie, un référendum est organisé pour décider du sort de Maduro. Il faudra alors réunir plus de 7 587 532 votes (ce qu’il a obtenu lors de son élection en 2014) en faveur de son évincement pour obtenir son départ. Les observateurs craignent que le chaos engendre une tentative de coup d’État ou l’établissement d’une dictature, alors que le gouvernement est accusé de s’être transformé en autocratie autoritaire mettant en péril les libertés individuelles de ses citoyens.

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