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27.05.2016 à 13 H 34 • Mis à jour le 27.05.2016 à 13 H 36
Par
Témoignage

La femme de « l’homme à la bonbonne de gaz » donne sa version des faits

Manuel Pierre Angelo Broustail, interpellé en mars 2016 à l’aéroport de Fès. RS
Manuel Broustail, ancien militaire de l’armée française converti à l’Islam, incarcéré au Maroc où il était venu faire sa « Hijra », attend son procès. Il est soupçonné de radicalisation et d’avoir envisagé des actes terroristes. Sa femme Sarah livre un récit différent par la voie d’une ONG française qui vient en aide aux prisonniers musulmans.

Son arrestation avait fait beaucoup de bruit autant au Maroc qu’en France. Manuel Broustail, 31 ans, ancien caporal de l’armée française converti à l’islam sous le nom de Brahim lors d'un séjour sur la base de Djibouti, est arrêté le 6 mars à son arrivée à l’aéroport de Fès-Saïs sur un vol de la compagnie low cost Ryanair en provenance de Nantes. Dans ses bagages, on découvre un attirail pour le moins suspect : une bonbonne de gaz, un sabre, des coutelas, une matraque télescopique, des tenues de camouflage, une cagoule…


La presse le désigne déjà comme « un loup solitaire », en rappel de « l’émir aux yeux bleus », un autre français converti arrêté et condamné dans le sillage des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca et de Thomas Georges Gally, 36 ans, arrêté mi-février dans le cadre du démantèlement de la cellule terroriste de Maalaïnine Lassir. Une question taraude les esprits : comment la France en état d’alerte maximale après les attentats de Paris a pu laisser « un jihadiste en puissance » embarquer dans un avion pour le Maroc ?


La version officielle tombe comme un couperet : il s’agit d’un converti radicalisé avec des intentions criminelles. Les autorités françaises se justifient, l’homme, radié de l'armée pour radicalisation religieuse en 2014 et fiché "S", a bien été appréhendé après le carnage du 13 novembre, puis assigné à résidence pendant trois mois, mais il ne l’était plus lorsqu’il s’est présenté à l’embarquement. La préfecture de Loire-Atlantique atteste que son bagage en soute a bien été contrôlé, passé aux détecteurs d’explosifs, et qu’il ne contenait aucun objet de nature à mettre en danger l’aéronef et ses passagers.


Malmené par le RAID après le massacre du Bataclan

Hier, l’association Sanâbil, une ONG française fondée en 2010 par des musulmans de France à Noisiel, qui « œuvre pour nos frères et sœurs en milieu carcéral », (dont Mehdi Nemmouche, soupçonné d’être l’auteur de la tuerie du musée juif de Bruxelles en 2014), peut-on lire sur des sites ouvertement islamistes, publie sur sa page Facebook un témoignage attribué à Sarah, la femme de Broustail. Son identité complète n’est pas dévoilée, le texte n’est pas signé. Contacté par Le Desk, le secrétariat de l’association confirme que « ce communiqué a bien été relayé par Sanâbil à la demande de l’épouse de Manuel Broustail ».

La version qu’il déroule confirme les dires des autorités françaises, accusées au passage d’avoir malmené l’ex-militaire lors d’une perquisition musclée du RAID à son domicile d’Angers le 19 novembre, alors que la France venait de décréter l’état d’urgence après le bain de sang du Bataclan. Broustail est alors assigné à résidence. « Mon mari est un musulman averti des obligations et interdictions religieuses. Il s'efforce afin de satisfaire Son Seigneur même si cela passe par une tenue vestimentaire singulière, des prières quotidiennes à la mosquée », peut-on lire dans le communiqué publié sur Facebook. Ses soutiens affirment que l’homme ne serait pas un jihadiste, mais un militaire aguerri aux techniques de combat, passionné d’armes à feu et expert en explosifs de part sa formation de bidasse. Spécialiste radio sous les drapeaux où il a passé 9 ans, « il pense même un moment intégrer les forces spéciales ».

 

Le texte égrène alors le parcours du couple « marié religieusement » en février 2013. Broustail et sa femme envisagent alors de faire leur hijra au Maroc, à Séfrou, petite localité de la région de Fès. « Une petite ville connue pour ses cerises, où mon mari achète une maison et où nous apprenons a vivre seuls (…), une vie choisie pour pouvoir vivre notre foi loin des persécutions de la France », décrit le post sur Facebook. Ils font de nombreux aller retours entre la France et le Maroc « pour gérer la paperasse » jusqu’au jour de la descente du commando…


Elargi de son assignation à résidence, Broustail fait son paquetage et décide de s’envoler pour le Maroc, son nouveau pays de résidence. « Il fait l'erreur sans le savoir d'emmener avec lui un coupe-coupe datant de l'armée (dont il se servait lors de l'Aïd pour découper le mouton entre autres), de récupérer deux couteaux de cuisine m'appartenant, une petite bonbonne de gaz pour réchaud alimentaire( très courants au Maroc), une petite bombe lacrymogène et une matraque en fer qu’il avait achetée en cas d'agression physique (surtout par rapport à moi qui porte le voile intégral), un k-way motif militaire et une cagoule qu'il avait l'habitude de retrousser afin d'en faire un bonnet qu'il portait lors de ses footings », rapporte le témoignage.


Des interrogatoires violents, des conditions d’incarcération spartiates

Là, ses ennuis commencent, relatés comme une terrible descente aux enfers : « Il est épuisé par une France qu'il vient de fuir car elle le rejette et le persécute gratuitement, épuisé d'être traité comme un diable juste pour avoir accepté l'islam comme religion et malgré des prises de positions claires contre toute forme de terrorisme. » De l’aéroport où il est appréhendé, il est emmené menotté et sous bonne escorte jusqu’à son lieu de résidence à Sefrou. « Il n'a ni mangé ni bu ni même fait ses prières ». La perquisition donne lieu à d’autres saisies, pistolet à grenaille « acheté sur internet sans problème », pistolet à billes « gagné dans une fête foraine »… L'enquête policière est plus exhaustive : un pistolet Beretta, un fusil à ressort, une dizaine de boîtes de billes de plomb, 102 cartouches de gaz, une machette et tout un bric-à-brac d’équipements militaires, de manuels de formation aux mines et aux explosifs et des livres religieux.


Selon le témoignage relayé par Sanâbil, sa femme n’aurait plus eu de ses nouvelles « pendant des semaines », avant qu’elle apprenne qu’il est incarcéré à la prison de Salé depuis 13 jours. Les interrogatoires tels que rapportés par le communiqué sont violents, confinent à la maltraitance physique et aux « pressions psychologiques », ses conditions d’incarcération sont spartiates, jusqu’à l’isolement. Il retrouvera par la suite une cellule conventionnelle dans l’attente de son procès à l’issue duquel il risque une peine de prison « de 2 ans pour détention d’armes et de 2 à 10 ans de réclusion pour faits de terrorisme ».


Selon des sources approchées par Le Desk, son dossier est désormais entre les mains de la Chambre pénale chargée des affaires de terrorisme à la cour d’appel de Rabat. « Il sera jugé le 9 juin in’sha Allah. Qu'Allah lui accorde Son secours et Sa clémence. Qu'Allah l'innocente et lui accorde justice. Ne nous oubliez pas dans vos invocations », conclut la supplique de Sarah.

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