Ubisoft ferme son studio marocain et organise la fuite de ses cerveaux au Canada
Les craintes de la cinquante d’employés d’Ubisoft Casablanca étaient bien réelles, comme Le Desk l'anticipait. Par un communiqué relayé par le site américain spécialisé Gamasutra, la fermeture du studio marocain est confirmée. Elle scelle une aventure qui aura duré dix-huit ans.
Informé de la décision depuis plusieurs jours, Le Desk avait dès le 30 mai contacté le siège français qui s’était refusé à tout commentaire, sans pour autant nier les faits. « Nous n’avons pas de commentaires à faire sur les rumeurs dont vous nous avez fait part », avait botté en touche Arnaud Antoine, responsable relations presse chez Ubisoft France, dont l’actionnaire principal est Vivendi.
Des éléments de langage pour justifier la décision
Mauvais point donc pour Ubisoft qui entretenait encore le doute autour « de rumeurs », alors que la décision était manifestement déjà actée.
Fondé en 1998, Ubisoft Casablanca était l’un des plus anciens studios d’Ubisoft, et surtout le premier d’Afrique du Nord. Les équipes marocaines avaient participé tout au long de ces années à vingt-six projets différents, dont de nombreux épisodes de la série Rayman, et notamment Rayman Jungle Run et Rayman Fiesta Run, deux titres pour smartphones salués par la critique en 2013. « Insuffisant pour assurer son avenir », commente Le Monde à qui un porte-parole du groupe a déclaré que l’entreprise n’a « pas trouvé la bonne formule sur le marché difficile des consoles portables ».
Des éléments de langage qui font écho au communiqué : « Malheureusement, avec l'évolution du marché du jeu vidéo ces dernières années, nous n'avons pas pu trouver une formule durable pour le studio au sein de notre réseau », se justifie Jean-Michel Detoc, qui dirige l'activité mobile d'Ubisoft.
Au sein de l’équipe de Casablanca le couperet vient confirmer ce qui était pour les quarante-huit employés, aujourd’hui sur le carreau, « un secret de polichinelle ».
En France, on déroule un discours rassurant :« On travaille avec les équipes pour trouver des postes au sein d’Ubisoft ou aider ceux qui ne vont plus travailler pour Ubi », a assuré un porte-parole du groupe au Monde. Pourtant, l’autre studio spécialiste du smartphone, Ubisoft Mobile Games, à Paris, n’est pas touché…
Un nouveau débauchage au Canada
Le Desk avait appris que des équipes de Behaviour Interactive, une entreprise canadienne spécialisée elle aussi dans le développement des jeux vidéo, était à Casablanca il y a quelques semaines. « Ils sont venus discrètement pour avoir une idée sur les installations dont disposent Ubisoft Maroc, et ils ont même passé des entretiens à quelques ingénieurs », expliquait-on, la semaine passée au sein de la société.
D'après nos sources, il ne s’agissait donc pas d’une éventuelle voie de sauvetage pour le studio comme cela a pu être interprété, mais le début d'un processus de recasement pour une poignée d’employés. Sur cette visite, Ubisoft, tant à Casablanca qu’à Paris n’avait pas voulu s’exprimer. L’éditeur était-il surtout confronté aux velléités de départ de ses meilleurs créatifs artistiques marocains, comme le prétend une source proche du dossier au Monde ?
En réalité, dès 2000, la mise en concurrence du studio casablancais avec celui de Montréal durant le développement de Prince of Persia, l’un des blockbusters de l’époque, s’était muée en guerre larvée qui a finalement profité au Canada.
Ubisoft Montréal a pris le dessus empêchant au studio marocain d’acquérir une vraie stature internationale, d’autant que nombre de ses développeurs ont été débauchés et ont mis le cap pour le Québec, participant à la création d’Assassin’s Creed, premier jeu à grand budget à mettre en scène un héros arabe. Ubisoft Montréal s’est imposé dès lors comme la locomotive commerciale de l’éditeur.
La spécialisation d’Ubisoft Casablanca dans le marché du jeu vidéo mobile dès 2007 n’aura pas suffi, et il semble que l’entreprise cherche à présent à écrémer son personnel pour le redéployer encore une fois au Canada avant de claquer la porte du Maroc.
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