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14.07.2016 à 13 H 55 • Mis à jour le 14.07.2016 à 13 H 55
Par
Syrie

Assad, droit dans ses bottes, quand Kerry, en visite à Moscou, agace dans son camp

Le président russe Vladimir Poutine recevant au Kremlin John Kerry lors d’une précédente visite du secrétaire d’Etat américain à Moscou le 26 mars 2016. ALEXANDER NEMENOV / POOL/ EPA
Dans une interview diffusée ce jeudi par la chaîne américaine NBC News, Bachar Al Assad assure que la Russie ne lui a jamais demandé de quitter le pouvoir au moment ou John Kerry entame une visite à Moscou qui ne fait pas l’unanimité à Washington.

Interrogé par NBC News sur le fait de savoir si le président russe Vladimir Poutine ou le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov avaient évoqué avec lui son départ, le président syrien Bachar al-Assad répond : « Jamais, parce que comme je l'ai dit, cette question revient au peuple syrien. Seul le peuple syrien peut dire qui sera président, quand il doit venir, quand il doit partir ». « Ils n'ont jamais dit un seul mot à ce propos », insiste l'homme fort de Damas en réponse à une question sur la transition politique en Syrie, où la guerre fait rage depuis 2011. Le président syrien ajoute qu'il ne croit pas à la perspective d'un accord entre Moscou et Washington pour le contraindre à céder son poste.


Des partisans de Bachar Al Assad à proximité de Hama le 4 mai 2016 acclamant l'arrivée d'un convoi militaire russe. VASILI MAXIMOV / MOY/ AFP

 

Cette question de transition politique, qui pourrait à la fois maintenir en place le régime de Damas, allié de la Russie et ennemi de Daesh, tout en faisant partir le dictateur Assad, qui a bombardé sa propre population et tué des dizaines de milliers de personnes, est au cœur des tensions entre grandes puissances dans la région.


Une politique russe "basée sur des valeurs"

A la question de savoir s'il était « inquiet » de voir Kerry et Poutine parvenir à un accord sur son départ, Assad répond : « Non, et ce pour une seule raison : parce que leur politique, je veux dire la politique des Russes, n'est pas basée sur des accords mais sur des valeurs (…) Et c'est pour cela que vous ne voyez aucun accord entre eux et les Américains, car les valeurs diffèrent »


Ces déclarations interviennent avant l'arrivée jeudi à Moscou du secrétaire d'Etat américain John Kerry pour tenter de ressusciter le processus de paix en Syrie. La Russie et les Etats-Unis codirigent les efforts de la communauté internationale pour réunir autour d'une même table de négociations le régime d'Assad et les groupes rebelles.


Le secrétaire d'Etat américain John Kerry à Washington le 12 juillet 2016 lors d'une réception au Département d'Etat à l'occasion de l'Aïd El Fitr. La visite, jeudi à Moscou, de Kerry, qui cherche à améliorer la coopération entre les Etats-Unis et la Russie dans la lutte contre le groupe Etat islamique, provoque des grincements de dents dans son propre camp. SAUL LOEB / AFP


Ce déplacement dans la capitale russe, le deuxième du chef de la diplomatie américaine cette année et le troisième en douze mois, intervient cependant dans un contexte de fortes tensions entre les deux puissances, illustré ces dernières semaines par des expulsions réciproques de diplomates, des incidents impliquant la chasse russe et l'armée américaine et le bombardement par Moscou en Syrie des rebelles soutenus par Washington.


La crise ukrainienne et la stratégie de l'Otan pèsent également sur les relations entre les deux anciens ennemis de la Guerre froide. Kerry semble toutefois toujours espérer une collaboration plus étroite avec la Russie, ce qui laisse sceptiques de nombreux responsables gouvernementaux selon qui Washington n'a aucune stratégie face aux défis que la politique de Moscou représente en Europe et en Syrie.


« Je ne vois pas trop pour quelle raison le secrétaire d'Etat pense qu'il va pouvoir rallier les Russes aux objectifs du gouvernement américain en Syrie », confie un responsable des services de renseignement, cité par Reuters. « Il ignore le fait que les Russes et leurs alliés syriens ne font pas de distinction entre le fait de bombarder l'Etat islamique et de tuer les membres de l'opposition modérée, y compris des gens que nous formons », poursuit-il. « Pourquoi partager des renseignements avec eux ? », s'interroge-t-il.


Les responsables des agences de renseignement sont d'autant plus furieux contre cette politique d'ouverture envers Moscou qu'ils accusent la Russie d'avoir bombardé cette semaine deux camps en sachant qu'ils abritaient des rebelles soutenus par les Etats-Unis, ou leurs familles. Ces camps, disent-ils, se trouvent dans un no man's land à la frontière syro-jordanienne, très loin de l'armée syrienne ou des djihadistes de l'Etat islamique, et ils ont été délibérément attaqués.


D'autres responsables jugent naïf de croire que les Russes, même s'ils disent chercher une solution négociée au conflit syrien, ont un objectif compatible avec celui des Etats-Unis ou de leurs alliés européens et arabes. « Les Russes veulent un règlement qui maintiendra au pouvoir le président Bachar al Assad ou un remplaçant acceptable », commente un responsable du Pentagone à Reuters. « Le président dit qu'Assad doit partir et nos alliés, en particulier les Saoudiens, en font une position de principe. En fait, ils n'arrêtent pas de nous demander pourquoi nous faisons ami-ami avec Moscou. »


Incident diplomatique

Justifiant le voyage à Moscou de John Kerry, le porte-parole du département d'Etat Mark Toner a déclaré qu'il s'agissait pour le secrétaire d'Etat de tenter une nouvelle fois de persuader Moscou de s'investir dans un processus pouvant conduire à une cessation des hostilités sur tout le territoire syrien.


Le président Vladimir Poutine en entretien avec Bachar Al Assad en présence de Sergei Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe et Serguei Choigu, ministre de la défense au Kremlin le 20 octobre 2015. Le président syrien effectuait son premier déplacement à l’étranger depuis le déclenchement de la guerre civile. ALEXEY DRUZHININ / NOVOSTI/ AFP


« Il y a des domaines concernant la Syrie et les moyens de régler le conflit sur lesquels nous sommes d'accord », a souligné le porte-parole. « Même si nous avons conclu ces accords globaux, nous n'en avons pas constaté la réalité sur le terrain », a-t-il cependant reconnu.


Au sein même du département d'Etat, certains se demandent pourquoi leur patron prend la peine de se rendre à Moscou, où il s'entretiendra jeudi avec le président Vladimir Poutine puis vendredi avec son homologue Sergueï Lavrov, alors que les tensions entre les deux pays viennent encore d'être illustrées par l'arrestation puis l'expulsion de Jeff Shell, président du conseil des gouverneurs de l'US Broadcasting, qui supervise Radio Free Europe et d'autres organes d'information américains.


Jeff Shell, qui disposait d'un passeport et d'un visa valides, a été interdit d'entrée mercredi à l'aéroport de Moscou-Cheremetevo et retenu plusieurs heures dans une pièce fermée avant de reprendre un avion à destination d'Amsterdam. La Russie lui a fait savoir qu'il était banni à vie du territoire russe car il figure sur une liste noire en tant que « l'un des organisateurs de la propagande anti-russe, financé par le budget américain ».


« Je pense très franchement que la visite (de Kerry) résume le caractère confus de la politique américaine envers la Russie », estime Heather Conley, directrice pour l'Europe du Center for Strategic and International Studies à Washington. « C'est dépenser beaucoup de capital politique que d'envoyer le secrétaire d'Etat (à Moscou) sans avoir une idée claire de ses objectifs », a-t-elle ajouté


Avec Mediapart et Reuters

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