Face à ses juges, Dilma Rousseff se défend dans une plaidoirie de la dernière chance
Journée cruciale pour Dilma Rousseff. La présidente brésilienne, écartée du pouvoir le 12 août, doit comparaître aujourd'hui devant les sénateurs afin d'assurer sa défense. Il reviendra ensuite aux élus de trancher sur son avenir en tant que présidente : en la destituant ou en la confirmant dans ses fonctions.
Rousseff, accusée d'avoir engagé des dépenses sans l'approbation du Congrès et d'avoir maquillé les comptes publics pour dissimuler l'ampleur du déficit budgétaire lors de la campagne présidentielle de 2014, a démenti tout abus.
Elle dénonce le processus de destitution lancé à son encontre en décembre comme une conspiration contre le Parti des travailleurs (PT) et ses politiques en faveur des Brésiliens les plus modestes.
Mais depuis sa réélection en 2014, Dilma Rousseff a vu fondre sa popularité auprès des Brésiliens, en lien avec le scandale de corruption de l'entreprise d'Etat Petrobras, et sur fond de récession économique.
Le vote final devrait avoir lieu dans la nuit de mardi à mercredi. Si la destitution est votée, le vice-président Michel Temer, âgé de 75 ans, qui assure l'intérim à la tête de l'Etat depuis mi-mai en attendant le procès, sera confirmé à la présidence pour le reste du mandat de Rousseff, jusqu'en 2018.
Issu du Parti du mouvement démocratique brésilien (PMDB), de centre-droit, il promet de mettre en œuvre des mesures d'austérité impopulaires pour limiter le déficit brésilien.
« Elle va demander aux sénateurs indécis de respecter la démocratie et de mettre fin au coup qui est en cours », a dit à Reuters un porte-parole de la présidente. « Elle a bon moral », a-t-il ajouté.
Dans un discours d'une demi-heure, Rousseff va évoquer selon son porte-parole son combat personnel pour la démocratie et notamment, bien avant son élection à la présidence, son arrestation par la dictature militaire en 1970 et les tortures subies alors qu'elle était membre d'un mouvement de résistance.
Vingt de ses anciens ministres, ainsi que son mentor et fondateur du Parti des travailleurs, l'ex-président Luiz Ignacio Lula da Silva, seront présents au Sénat pour la soutenir.
Ses chances d'échapper à une destitution étant minces, Dilma Rousseff pourrait chercher à dénoncer ce qu'elle conçoit comme un putsch aux apparences légales, plutôt que de se défendre des accusations qui pèsent à son encontre.
54 votes requis
Le président par intérim Michel Temer est convaincu d'obtenir le vote de deux tiers des sénateurs, nécessaire pour révoquer Rousseff. Il a prévu de s'adresser aux Brésiliens mercredi, avant de s'envoler pour le sommet du Groupe des Vingt en Chine.
« Il nous faut 54 votes, et nous nous attendons à en obtenir au moins 60 », a dit à Reuters son porte-parole, Marcio de Freitas. Un grand nombre de votes contre Dilma Rousseff sera interprété par Michel Temer comme un signal d'encouragement pour mettre en oeuvre son programme d'austérité, a-t-il poursuivi.
Selon un sondage publié dimanche par le quotidien El Globo, 53 sénateurs voteront contre Dilma Rousseff et 18 la soutiendront, bien en-dessous des 28 nécessaires pour lui éviter d'être révoquée. Dix sénateurs n'ont pas fait part de leur position, ou n'ont pas été interrogés dans cette étude.
Même parmi certains sénateurs peu convaincus du motif invoqué pour sa destitution, certains comptent voter contre Dilma Rousseff, jugeant que son retour ne ferait que prolonger la crise politique qui frappe le Brésil.
« Je vais voter contre elle, même si je pense que c'est une tragédie de destituer un président élu, mais deux ans et demi supplémentaires de gouvernement Rousseff seraient pires », a dit le sénateur centriste Cristovam Buarque, joint par téléphone.
Roussef a perdu ses soutiens au Parlement et à la Chambre des députés, juge le sénateur, estimant qu'elle n'est plus en mesure de diriger le pays.
Helio Jose, sénateur du PMDB et ex-porte parole du gouvernement de Rousseff au Sénat, n'a pas révélé pour qui il voterait. Contacté par téléphone, il juge cependant que Temer fait un travail honnête pour restaurer la stabilité.
« Je ne pense pas que le retour de Dilma Rousseff soit une bonne chose pour le pays. Temer a construit des soutiens au Congrès pour faire passer les mesures d'austérité dont nous avons besoin pour reprendre confiance et attirer les investissements au Brésil », juge-t-il.
Avec Agences
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