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15.11.2016 à 23 H 23 • Mis à jour le 15.11.2016 à 23 H 23
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Interview

Pour les étudiants des ENSA, le projet de décret de transformation est menaçant

Les étudiants ENSA lors d’une manifestation récente contre le projet gouvernemental de fusion avec les futures Ecoles Polytechniques. AIC PRESS
Les étudiants ont décidé de reprendre les cours après l’annonce du gel du décret donnant naissance aux futures Polytechniques. Ils attendent désormais d’être consultés après la nomination du futur ministre de l’Enseignement supérieur qui va reprendre ce dossier « épineux ».

Le futur ministre de l’Enseignement supérieur est prévenu. Il ne pourra pas construire un projet sans les élèves ingénieurs des ENSA qui ont été révoltés de ne pas avoir été consultés après l’adoption du décret en août dernier donnant naissance aux futures Polytechniques en fusions trois établissements (École nationale des sciences appliquée (ENSA), Facultés de sciences et technologies (FST) et Ecoles des sciences et technologies (EST)). Après deux mois de contestation qui s’est traduit sur le terrain par un boycott des cours, des sit-in parfois de nuit et des rassemblements devant le Parlement, les étudiants des 11 ENSA ont décidé de se rasseoir sur les bancs de leur école. Une décision prise après l’annonce de la ministre déléguée Jamila El Moussali de geler le décret qui a déclenché la colère de ces élèves ingénieurs. Mais cela ressemble davantage à une trêve en attendant la confrontation future entre le prochain ministre de l’Enseignement supérieur et la Commission nationale des étudiants des ENSA qui porte la voix des 11 000 élèves ingénieurs. Car les étudiants l’assurent, en cas de désaccord, ils retourneront dans la rue. Interview d’Amine Ezzerrouti, l’un des responsables de la Commission nationale des étudiants des ENSA.


Mohamed Amine Ezzerouti, membre de la Commission nationale des étudiants des ENSA


Le décret est désormais suspendu. Que dénonciez-vous depuis son adoption en août dernier ?

Quand le projet a été soumis durant l’été aux universités, il n’a pas été présenté comme un vrai projet, c’est-à-dire avec un plan de financement et un plan d’actions concrets. En fait, il a été surtout présenté comme une idée de projet. Nous, on a reçu que des bribes d’informations pour justifier cette fusion. La première était pour des raisons financières. Le ministère nous a expliqué que la fusion allait permettre d’économiser de l’argent ainsi que du matériel. Par exemple, on nous a dit que comme parfois, les trois établissements avaient besoin du même matériel, il n’allait pas en acheter trois fois. En deux mois, c’est le peu d’informations qu’on a obtenues sur le sujet. Vous comprenez que cela nous ait révoltés. Car ce ne sont pas des arguments forts pour un projet qui, en fait, menace les étudiants !


Pourquoi parlez-vous de « projet qui menace les étudiants  » ?

Car ce projet n’est pas assez détaillé. Pour nous, c’est comme si on était en train de jouer à un jeu de cartes et on ne peut pas réduire notre formation et notre avenir à un coup de poker. Car regardez, si on n’a pas assez d’informations sur un projet, on ne peut pas l’évaluer, savoir quelles vont être les répercussions. Alors, si on ne sait pas ce qui nous attend, c’est pour nous une menace. On ne peut pas avancer dans le noir et attendre que cela soit peut-être un succès.


De quelle manière les étudiants ont perçu ce décret ?

On a eu l’impression que le ministre de l’Enseignement supérieur de l’époque, Lahcen Daoudi avait introduit ce décret parce que pour lui, le réseau ENSA était un échec, et donc la solution était les futures Polytechniques puisqu’elles auraient un meilleur nom. C’est en fait plus du marketing. Ça nous a révolté car c’est faux. Dans la réalité, les entreprises apprécient les ENSA. Ils connaissent le niveau de ces étudiants. L’école a 18 ans et a un réseau de lauréats. On s’est fait un nom sur la scène nationale. Ce qui nous a révolté aussi, c’est que cette fusion était inspiré du rapport de Bernard Attali. On a fait nos recherches et dans cette étude française, il était stipulé que c’était une fusion entre écoles d’ingénieurs et non pas, comme c’est notre cas, entre écoles d’ingénieurs, facultés et écoles de techniciens. Ça n’a donc rien à voir. On ne peut appliquer une même solution alors que les contextes sont différents.


Dans le rapport de Bernard Attali, il était évoqué une fusion entre écoles d’ingénieurs afin d’« affronter la compétition internationale », cet argument peut-il justifier cette fusion ici au Maroc ?

Non, car le réseau ENSA est encore majoritairement destiné au marché national. Avant d’avoir des visions à l’internationale, il faut se concentrer au niveau national. Il faut qu’on s’occupe de l’embauche des élèves ingénieurs. On a encore un taux de chômage assez important : près de 9 % des étudiants qui sortent des grandes écoles d’ingénieurs ne trouvent pas d’emploi. On est entre 1 500 et 2 000 lauréats par an à l’ENSA qui est le premier réseau qui produit le plus d’ingénieurs au Maroc. Alors qu’on s’occupe d’abord du problème des embauches de ces étudiants-là, qu’on améliore la qualité de leur formation et dans quelques années, on pourra voir se développer un plan au niveau international. Il faut avoir des priorités !


Le décret est gelé en attendant une concertation avec les différentes parties touchées par le projet, c’est ce que vous réclamiez depuis le début ?

Oui, puisqu’à la base, il y avait déjà peu de données sur ce projet qui présentait des menaces envers les étudiants, leur formation et leur futur. C’est pour cela qu’on a commencé le boycott car en plus, il n’y avait pas eu d’approche participative. Donc cette suspension a été un très gros point positif pour nous parce que cela va permettre de revoir ce projet. Vous savez, on n’est pas contre la réforme si c’est un projet complet et qui ne menace pas la formation des élèves ingénieurs. Aujourd’hui, on a décidé de reprendre les cours en attendant d’avoir les données de cette révision et là, on pourra l’évaluer. Mais si là encore, on estime que cela représente une menace, on la refusera catégoriquement, on reprendra le boycott des cours, nos sit-in et nos marches. Vous savez, notre combat dépasse celui du décret, on souhaite protéger l’éco-système des étudiants et des élèves ingénieurs. Aujourd’hui, il y a des locaux qui ont besoin d’être rénovés, des établissements qui ont besoin de davantage de matériels. Il y a des établissements qui n’ont toujours pas de bibliothèque ou encore de salle d’étude. Ce sont des choses pourtant basiques qui ne sont pas encore réalisées. On veut tout simplement que la qualité de nos formations s’améliore.


Dans quels cas, seriez-vous prêts à reprendre votre lutte si cette fois-ci le projet est davantage détaillé ?

Dans le cas où la qualité de notre formation et que les conventions que nous avons avec d’autres universités comme avec celles en France, aux Etats-Unis ou encore en Chine, seraient impactées de façon négative. Pareil pour les relations qui existent entre les entreprises et le réseau ENSA, qui sont aujourd’hui très bonnes. Il ne faut pas que cela se détériore. Il faut que le ministère de l’Enseignement supérieur comprenne que la vraie réforme, c’est d’investir dans le réseau ENSA car le potentiel des étudiants de devenir de grands ingénieurs est là. Il manque juste des investissements matériels et humains.

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