Soudan du Sud : le Maroc engagé dans un pays en proie à la famine, à la guerre et aux atrocités
La famine sévit dans plusieurs régions du Soudan du Sud et la sécurité alimentaire de la moitié de la population pourrait être menacée d’ici à juillet.
« Dans l’Etat d’Unité [nord du pays], certains comtés sont classés en famine ou risque de famine », a précisé, lundi 20 février, Isaiah Chol Aruai, président du Bureau national des statistiques, qui se base sur l’échelle IPC, le standard le plus utilisé pour déterminer la sécurité alimentaire.
Lundi, trois organisations des Nations unies, le Fonds pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), ont déclaré que 100 000 Sud-Soudanais de la région d’Unité souffraient de famine, le niveau le plus élevé de l’échelle IPC.
« Lorsqu’on déclare officiellement l’état de famine, cela veut dire que les gens ont déjà commencé à mourir de faim, soulignent ces trois organisations dans un communiqué commun. Cette situation alimentaire est la pire depuis le début des combats il y a plus de trois ans. »
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D’ici à avril, a ajouté le président du Bureau national des statistiques, quelque 4,9 millions de Sud-Soudanais seront en situation d’insécurité alimentaire, et ce nombre devrait passer à 5,5 millions d’ici à juillet. Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, compte environ 11 millions d’habitants.
Quid des projets marocains à Juba ?
Début février, avant de quitter le Soudan du Sud au terme d’une visite officielle à Juba dans le cadre de sa tournée africaine, le roi Mohammed VI accompagné du président Salva Kiir Mayardit, avait procédé, à la remise d’un important don humanitaire au profit de la population. Le don royal offert par la Fondation Mohammed VI pour le Développement Durable était composé de 267,5 tonnes de différentes denrées alimentaires. Il comprenait également 70 tonnes de tentes, 10 tonnes de couvertures et 10 tonnes d’équipements de cuisson destinées aux populations sud-soudanaises du camp des déplacés.
Déployé à partir du lundi 23 janvier dernier au cœur de Juba par les Forces armées royales, un hôpital de campagne multi-spécialités qui accueille une moyenne de 400 à 600 patients par jour, dispose d’une capacité de 30 lits extensibles à 60. Son staff, composé de 20 médecins spécialistes, 18 infirmiers, dispense des soins de grande qualité dans diverses spécialités, notamment la pédiatrie, la médecine interne, la chirurgie, la cardiologie, la traumatologie, la médecine dentaire, l’ophtalmologie et la médecine ORL.
Mais au-delà de l’aide humanitaire et des risques potentiels pour le contingent de l’armée installé à Juba, c’est l’engagement de Rabat pour des projets de coopération qui inquiètent aujourd’hui quant à leur faisabilité tant le Soudan du Sud s’enlise dans le chaos. Le royaume avait accepté de financer les études de faisabilité technique et financière d’un ambitieux projet de conception d’une nouvelle capitale à hauteur de 5,1 millions de dollars dont la réalisation a été confiée à Al Omrane en sa qualité de gestionnaire délégué. Un comité exécutif nommé par le roi sera chargé du suivi. Si l’apport financier est certes symbolique, sa réalisation effective pourrait être compromise par l’instabilité du régime de Juba qui fait face à une opposition armée.
Une guerre civile incessante
Indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud a plongé en décembre 2013 dans une guerre civile ayant fait des dizaines de milliers de morts et plus de 3 millions de déplacés, malgré le déploiement de 12 000 casques bleus.
De violents combats opposent les forces gouvernementales fidèles au président, Salva Kiir, et les rebelles engagés au côté de l’ex-vice-président Riek Machar. Le conflit, malgré un accord de paix signé en 2015, a fait plus de 3 millions de réfugiés et déplacés, et l’ONU, qui dénonce un « processus continu d’épuration ethnique », redoute un génocide comparable à celui perpétré au Rwanda en 1994.
A l'issue d'une visite de quatre jours au Soudan du Sud, le Sous-secrétaire général des Nations Unies aux droits de l'homme, Andrew Gilmour, a appelé vendredi à ce que les responsables d'atrocités dans ce pays rendent des comptes.
« C'est une guerre qui a été menée contre les hommes, les femmes et les enfants du Soudan du Sud », a déclaré Gilmour dans un communiqué de presse. « Et la seule façon de mettre fin à cette agression est de faire en sorte que leurs auteurs répondent de leurs actes ».
Au cours de sa visite, le Sous-secrétaire général a rencontré des responsables du gouvernement et des acteurs de société civile et de la communauté humanitaire dans la capitale Juba. Il s'est également rendu à Malakal, où il a reçu de plus amples informations sur les souffrances subies par la population civile dans cette région du nord du pays.
« Bien que ce soit ma quatrième visite au Soudan du Sud depuis 2011, je n'étais pas préparé aux ravages choquants que j'ai vus à Malakal et encore plus à l'ensemble des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme et des abus subis par la population », a dit Gilmour.
Des crimes de guerre commis par l'armée
Sur place, le numéro trois du Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) a été informé des risques énormes que des femmes, vivant désormais sous la protection de l'ONU, sont obligées de prendre pour être en mesure de gagner la subsistance même la plus maigre. En quittant le site de protection des civils de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), elles sont fréquemment victimes de viols perpétrés par les milices et l'Armée populaire de libération du Soudan (APLS) sur leur chemin vers le marché de Malakal.
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« Il est scandaleux que les femmes dans cette zone aient à choisir entre être violées ou obtenir un moyen de subsistance », a déclaré Gilmour. En mars 2016, le bureau des droits de l'homme des Nations Unies au Soudan du Sud a publié un rapport détaillé recensant les violences sexuelles commises dans le pays.
Lors de ses rencontres avec les autorités de Juba, Gilmour a exprimé ses préoccupations au sujet de la situation des droits de l'homme dans tout le pays. Il les a exhortés à lutter contre l'augmentation préoccupante du discours de haine et à faire davantage pour protéger les défenseurs des droits humains.
Lors de sa rencontre avec le chef d'état-major général de l'APLS, le général Paul Malong, Gilmour a souligné les restrictions sévères auxquelles la MINUSS est confrontée pour protéger les civils, fournir une assistance humanitaire et surveiller la situation des droits de l'homme dans le pays.
Il a insisté sur le fait que des éléments de l'APLS avaient commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. D'autre part, il s'est félicité du récent démarrage de la formation des Nations Unies sur les droits de l'homme pour l'APLS et de la nomination de points focaux de l'APLS sur les violences sexuelles liées aux conflits. « Bien sûr, nous savons que jusqu'à ce qu'il y ait la paix au Soudan du Sud, les droits de l'homme continueront d'être piétinés », a déclaré le Sous-secrétaire général. « Mais même pendant la guerre, on peut se battre sans commettre régulièrement de tels actes inutiles de cruauté. Et c'est ce que nous appelons toutes les parties - le gouvernement et l'opposition - à faire ».
Aux effets du conflit s’ajoutent la hausse des prix de l’alimentation, les difficultés économiques et la mauvaise production agricole. Le PAM classe le Soudan du Sud, avec le Yémen, le nord-est du Nigeria et la Somalie, parmi les quatre zones touchées par des famines susceptibles de faire plus de 20 millions de morts dans les six mois.
Avec AFP/Reuters/ ONU
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