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22.06.2017 à 20 H 36 • Mis à jour le 22.06.2017 à 20 H 39
Par et
Cour des comptes

Le réquisitoire de Driss Jettou contre la planification scolaire

Driss Jettou, président de la Cour des comptes. LE DESK
Dans son enquête prémininaire, la Cour des Comptes fait état, dans son rapport, de classes encombrées, alors que certaines sont allégées et d'autres sont à cours multiples. Autre anomalie relevée: la coexistence d'un déficit et d’un excédent en enseignants

Les résultats préliminaires de l'enquête réalisée par la Cour des Comptes sur les conditions de préparation et de gestion de la rentrée scolaire 2016-2017 ont fait ressortir plusieurs dysfonctionnements liés à la planification scolaire et à la gestion des déterminants de la rentrée ainsi que plusieurs insuffisances qui ont compromis les conditions normales de la scolarisation.


Classes encombrées, d'autres allégées...

Parmi les anomalies relevées, la Cour des Comptes fait état, dans son rapport, de classes encombrées, alors que certaines sont allégées et d'autres sont à cours multiples.


Au titre de l'année scolaire 2016/2017, précise à ce propos le rapport, 2.239.506 élèves, tous cycles confondus, poursuivent leur scolarité dans des classes encombrées. Ce chiffre représente 38 % de la population scolarisée qui s’élève à 5.945.551 élèves. Le Ministère retient comme seuil d’encombrement un effectif qui dépasse 40 élèves par classe, la Cour considère, pour sa part, que cet effectif dépasse largement la moyenne d’élèves par classe constatée dans les pays de l’OCDE (Une moyenne de 21 élèves par classe au cycle primaire et 23 par classe au cycle secondaire).


Cet encombrement, en tenant compte du seuil retenu par le ministère, concerne, au niveau national, 49.696 classes. Le taux d’encombrement est de 49 % au niveau du cycle collégial, 29 % au niveau du cycle qualifiant et 16 % au niveau du cycle primaire. Ces taux varient d’une AREF à l’autre, constate le rapport.
Au cycle primaire, les taux d’encombrement les plus élevés en milieu urbain, sont enregistrés au niveau des AREFs de Rabat-Salé-Kenitra (49 %), Fès-Meknès (49 %), Marrakech-Safi (45 %) et Tanger-Tétouan-Al Hoceima (44 %).
Au niveau du cycle collégial, les AREFs de Fès-Meknès, Rabat-Salé-Kenitra, TangerTétouan-Al Hoceima, Marrakech-Safi et Casablanca-Settat affichent des taux d’encombrement des classes variant entre 49 % et 72 %. A l’AREF de Casablanca-Settat, les directions provinciales d’Ain-Chok et de Sidi-Bernoussi enregistrent respectivement des taux élevés de l’ordre de 87 % et de 96 %.
Au cycle qualifiant, les classes les plus encombrées se situent au niveau des AREFs de Casablanca-Settat et de Marrakech-Safi qui affichent des taux d’encombrement respectifs de 45 % et de 38 %, note le rapport.
Parallèlement aux classes encombrées, le système éducatif compte 81.581 classes allégées dont l’effectif est inférieur à 24 élèves par classe. La majorité de ces classes est concentrée en milieu rural, notamment au cycle primaire avec 78.916 classes. Quant au cycle qualifiant, il compte 2.363 classes allégées.


En plus des classes encombrées et des classes allégées, l’année scolaire 2016/2017 enregistre un nombre de 27.227 classes à cours multiples dont 6.381 classes avec trois à six niveaux, soit près de 24 % du total des classes à cours multiples. Ce type de classes constitue une caractéristique du cycle primaire en milieu rural, note le rapport.


Une répartition inadéquate du corps professoral

L'autre anomalie relevée par la Cour des Comptes porte, quant à elle, sur la coexistence d'un déficit et d’un excédent en enseignants. La juridiction précise dans ce cadre que la répartition du déficit en enseignants pour l'année scolaire 2016-2017 fait ressortir une prédominance du milieu urbain qui compte 62 % du déficit (10.318 enseignants) contre 38 % en milieu rural (6.382 enseignants).


Le déficit en enseignants qui a impacté négativement le déroulement de la scolarisation se manifeste par plusieurs insuffisances qui remettent en cause la qualité de l’enseignement, notamment le taux d’encombrement des classes, la suppression des groupes des travaux pratiques pour les matières scientifiques, la réduction, parfois à moitié, du volume horaire réservé à l’enseignement de certaines matières, la suspension de l’enseignement de certaines matières, l’enseignement de certaines matières par des enseignants non spécialisés, ainsi que l’enseignement de certaines matières par des contractuels, ou des stagiaires sans être suffisamment formés au préalable.


S’agissant de l’excédent estimé à 14.055 enseignants, il touche les trois cycles à raison de 3.370 pour le primaire (24 %), de 4.130 pour le collégial (29 %) et de 6.555 pour le qualifiant (47 %).


Autre anomalie et non des moindres relevée par la Cour des Comptes concerne l'exploitation d'établissements scolaires ne disposant pas de conditions élémentaires de scolarisation. Elle fait état à ce propos de pas moins de 9.365 salles de classe se trouvant dans un état délabré, de l’exploitation d'établissements scolaires non raccordés aux réseaux d’assainissement, d’eau et d’électricité, de l’absence de blocs sanitaires, de l’absence des murs de clôture et de terrains de sports dans les lycées et les collèges, ainsi que de l’insuffisance des espaces dédiés à la récréation des élèves.


Une révision urgente du processus de planification

La Cour des Comptes estime que les principales causes des dysfonctionnements relevés, selon les investigations de l’enquête préliminaire, sont dues principalement à la non-maitrise du processus de planification et de gestion des déterminants de la rentrée scolaire à savoir les élèves, les enseignants, les infrastructures et l’appui social.


Pour remédier à ces insuffisances, et dans l'objectif d’assurer le déroulement des prochaines rentrées scolaires dans des conditions normales, la Cour recommande de revoir le processus de planification scolaire par l’adoption d’une planification pluriannuelle retraçant la vision stratégique 2015-2030, matérialisée par une carte scolaire prospective. Des paramètres objectifs doivent être retenus en matière de projections et mis à la disposition des AREFs pour l’élaboration de leurs cartes scolaires régionales conformément aux dispositions de la loi n°07.00.


Elle recommande aussi de mettre en place un système d’information intégré en procédant à l’apurement de l’ensemble des données et l’intégration de toutes les applications servant à la gestion du système éducatif, de réviser le processus d’évaluation des besoins en établissements scolaires et du choix des sites d’implantation afin d’éviter la sous-exploitation ou la fermeture des établissements, d'élaborer un plan de mise à niveau des établissements scolaires et des internats pour améliorer les conditions d’accueil des élèves et d'élaborer un statut du personnel des AREFs.


La Cour des Comptes appelle également à adopter un système d’évaluation des besoins en ressources humaines global et équilibré, en portant une attention particulière aux personnels d’encadrement pédagogique et administratif, à réviser le mode de gestion de la mobilité et d’affectation des enseignants pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles et à prendre les mesures nécessaires pour combler le déficit en enseignants.

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