Grave pénurie d’eau en Algérie : les habitants de la capitale confrontés à l’anarchie du rationnement

Une distribution quotidienne de 8 h à 14 h pour certains, et un jour sur deux entre 8 h et 16 h, pour d’autres, selon les quartiers et les communes, rapporte le journal en ligne TSA qui a recueilli les témoignages accablants de la population : La majorité des personnes interrogées ont exprimé leur grande déception devant l’anarchie et l’irrégularité qui règnent dans la distribution du précieux liquide, note le média algérien.
Alors que certains quartiers connaissent une distribution au compte-goutte, d’autres en disposent H24. Pendant ce temps, les prix des citernes et des sur-presseurs se sont envolés, faisant le bonheur des commerçants qui profitent de cette occasion, pour se remplir les poches, ajoute la même source.
C’est devenu le sujet de discussion numéro un des Algériens. « As-tu eu de l’eau aujourd’hui ? As-tu eu le temps de remplir tes jerricans ? À quelle heure l’eau est partie hier ? ». Tendez l’oreille : dans les cafés, autour des marchés, au pied des immeubles, ce thème est ressassé à longueur de journée. Partout la même préoccupation : l’irrégularité dans la distribution de l’eau.
L’eau joue au yoyo
Amine habite l’immeuble Aérohabitat (Bd Krim Belkacem. Telemly). Il raconte : « Ici il y a 23 étages. Le nouveau plan de distribution de l’eau dans la capitale n’obéit à aucune règle. Une journée, on a l’eau jusqu’à tard dans la nuit et le lendemain, nous la recevons pendant juste une heure. Dans cet immeuble, l’eau va d’abord dans la bâche d’eau souterraine avant de remonter vers les étages. Il y a une disparité entre ceux qui habitent les étages inférieurs et ceux d’en haut ».
Dans ce même bâtiment imposant qui domine le centre d’Alger, TSA fait parler une résidente du 13ème étage : « La distribution de l’eau est fortement perturbée en dépit du nouveau plan de rationnement. Il n’y a aucun horaire fixe. C’est aléatoire ». « Hier j’en ai eu à 6 h du matin. Elle est partie vers 11 h et aujourd’hui plus une goutte », déplore-t-elle.
Nahla habite Birkhadem. Cette femme au foyer, mère de deux enfants en bas âge témoigne : « Avant le nouveau programme de distribution, nous recevions de l’eau entre 6 h et 15 h. Depuis samedi dernier, c’est le yoyo. Notre quartier qui jouxte le château d’eau est soumis à des coupures draconiennes. Par exemple vendredi dernier, nous avons eu de l’eau de 6 h du matin à 14 h. Samedi coupure totale. Dimanche, l’eau a coulé dans mes robinets entre 14 h et 18 h, et aujourd’hui lundi coupure. Je ne comprends rien à cette distribution anarchique. Les horaires ne sont pas respectés. C’est comme un jeu de poker. Au petit bonheur la chance. Nous ne savons pas sur quel pied danser ».
Organisation draconienne
Nacéra habite aux Bananiers dans l’est d’Alger. C’est une femme active qui est obligée d’adopter une organisation quasi militaire pour affronter cette pénurie d’eau. « Je reçois de l’eau un jour sur deux, entre 7 h et 18 h », indique-t-elle.
« Avant d’aller au boulot le matin, je me dépêche de remplir bidons et jerricans. Comme mes deux filles sont en vacances actuellement, elles se chargent du ménage et de préparer les repas durant la journée. Autrement je serais fichue car au retour du travail il ne reste plus une seule goutte dans les tuyaux ».
Ahmed habite rue Didouche Mourad, dans le centre-ville d’Alger. Il raconte : « La distribution de l’eau est anarchique. Nous n’avons rien compris à ce nouveau programme. Parfois l’eau reste jusqu’à 16 h et le lendemain, nous en disposons pendant une heure à peine, voire pas du tout. Ne pas avoir un programme de distribution fiable est vraiment désopilant. La SEAAL (Société des Eaux et de l’Assainissement d’Alger, ndlr) se noie dans un verre d’eau ! ».
SOS citernes !
Sekoura réside à Zeralda. Elle aussi ne s’en sort plus avec le programme de distribution. « Juste après le ramadan, l’eau partait tous les soirs entre 18 h et 7 h du matin. Les coupures sont allées crescendo. De midi à 18 heures au début, puis de 13 h à 16 h », raconte-t-elle.
Fatiguée de camper devant le robinet, elle a fini par installer au prix fort une citerne de 800 litres dans son balcon : « J’ai payé 55 000 dinars (DA) entre citerne et sur-presseur. Une dépense dont je me serais bien passée ! ».
La crise de l’eau a fait bondir les prix des citernes d’eau. Des annonces sont postées tous les jours sur le site électronique Oued Kniss. TSA a contacté le gérant d’El Hidab, une enseigne spécialisée dans la commercialisation de citerne d’eau en plastique (Rouiba).
« La demande s’est envolée depuis le rationnement de l’eau potable », confirme sans surprise le gérant. « Nos citernes s’écoulent comme des petits pains. Il y en a à partir de 250 litres jusqu’à 10 000 litres, en horizontal ou en verticale. Les plus demandées sont les citernes de 800 litres. Elles coûtent entre 14 000 et 17 000 da. La citerne de 1 000 litres est vendue à 20 000 DA (horizontale) et 16 000 DA (verticale). Il faut y ajouter le prix du transport qui est de 2000 DA ».
Eau 24 h sur 24
Alors que la plupart des quartiers de la capitale sont confrontés à des mesures drastiques dans la distribution de l’eau potable, d’autres ne connaissent aucune coupure.
« Certains quartiers de Hydra, El Biar et Dar Diaf -Cheraga- ne sont pas concernés par les coupures, nous dit Fayçal. C’est ce que m’ont confirmé des amis qui y habitent ».
En dehors d’Alger, le problème de la pénurie d’eau est encore plus grave. Mohamed habite Meftah (Wilaya de Blida). « Je réside à 27 km d’Alger et l’eau ne coule dans le robinet qu’un jour sur cinq entre 13 h et 19 h. Parfois nous restons une semaine à dix jours sans une goutte d’eau. La situation s’est aggravée depuis quelque temps. J’ai une famille nombreuse et c’est très compliqué de gérer le quotidien. Je suis obligé d’acheter de l’eau que je paye 1 000 da la citerne de 800 litres. La commune n’assure pas l’approvisionnement en dépit des coupures longue-durée. J’achète également des packs d’eau pour boire. La facture est vraiment salée à la fin ».
À l’heure où la crise de l’eau se pose avec acuité, rendant la vie compliquée aux Algériens, des fuites d’eau mille fois signalées attendent toujours d’être réparées. Sous le pont du Télemly, le précieux liquide se déverse sans interruption depuis des années. Les appels répétitifs des riverains en direction de la SEAAL sont restés vains.
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