Rabat et Berlin dépassent officiellement leur crise diplomatique

Le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, s’est entretenu pour la première fois avec son homologue allemande, Annalena Baerbock, ce mercredi 16 février, ont fait savoir les diplomaties des deux pays. « Les deux ministres ont convenu de renouer avec la qualité particulière des relations bilatérales dans tous les domaines, dans l’esprit des politiques éprouvées, de cohérence et de respect mutuel », annonce un communiqué du MAE allemand parvenu à la rédaction du Desk.
La même source ajoute que « les ministres ont salué les termes de l’échange de lettres intervenu entre le Président de la République Fédérale d’Allemagne, Son Excellence Monsieur Frank-Walter Steinmeier et Sa Majesté Le Roi Mohammed VI, qui met l’accent sur l’intérêt mutuel de sceller un nouveau partenariat entre les deux pays ». Cette correspondance de Steinmeier à destination de Mohammed VI à l’occasion des fêtes de fin d’année avait été révélée dans ces mêmes colonnes en décembre dernier, dans un contexte de réchauffement des rapports diplomatiques initié par Berlin à l’époque.
Bourita et Baerbock « ont souligné leur grand intérêt mutuel pour des relations étroites et amicales entre les deux pays » et ont, d’après le communiqué, « convenu d'entamer un nouveau dialogue afin de surmonter les malentendus dans leurs relations et d'approfondir leurs relations bilatérales aux multiples facettes ». Le communiqué du ministère allemand des Affaires étrangères ajoute également que « les deux ministres ont loué le grand potentiel des relations entre le Maroc et l’Allemagne en réaffirmant l’intérêt partagé de leur donner une impulsion supplémentaire au niveau des défis et des exigences de la relance post-Covid ».
Signe incontestable de l’entame d’une nouvelle page dans les relations bilatérales entre le Maroc et l’Allemagne, « les deux ministres ont convenu que la coopération couvrant tous les domaines et impliquant tous les acteurs soit reprise ». Il s’agira donc dans les semaines à venir de « définir ensemble des lignes d’orientation pour relancer et approfondir le dialogue et la coopération en vue de résoudre les défis régionaux et globaux à l’avenir ». Annalena Baerbock a même « salué » le retour de l’ambassadrice du Maroc - Zohour Alaoui - à son poste à Berlin. Celle-ci avait été rappelée à Rabat en mai dernier quelques temps après le déclenchement de la crise diplomatique entre les deux pays. Selon le communiqué du MAE allemand, « le nouvel Ambassadeur de la République Fédérale d’Allemagne devrait arriver prochainement au Maroc ».
Une réconciliation en deux actes
Il aura donc fallu un peu moins de quatre mois au nouvel exécutif allemand, mené par le social-démocrate Olaf Scholz, pour désamorcer la crise diplomatique avec le Maroc. A la mi-décembre dernier, une source allemande indépendante basée à Rabat, qui a contribué à transmettre les positions de Rabat à Berlin, avait confié au Desk que le « changement de gouvernement en Allemagne offre de grandes opportunités pour un nouveau départ entre les deux pays ».
Pour y arriver, Berlin a d’abord subtilement opéré un changement dans sa rhétorique concernant la question du Sahara occidental. Dans un communiqué publié le 13 décembre sur son site web, le département dirigé par l’écologiste Annalena Baerbock avait concédé que « le Maroc a apporté une contribution importante » à travers « un plan d’autonomie en 2007 ». Mieux, dans une déclaration officielle obtenue par Le Desk, une source haut placée au MAE allemand a reconnu que « le Maroc a apporté en 2007, avec son plan d’autonomie, une contribution importante qui permet un règlement définitif, juste viable et réaliste de ce conflit ».
L’opération séduction de Berlin s’est poursuivie en décembre avec l’envoie par le président fédéral allemand, Frank-Walter Steinmeier, d’un courrier à l’attention du roi Mohammed VI « à l’occasion de la période des fêtes du nouvel an », où il lui exprime le souhait de son pays de « renforcer le partenariat stratégique avec Rabat », mais aussi et surtout, pour l’inviter en sa qualité de chef de l’Etat de la République fédérale d’Allemagne et figure morale garante des institutions du pays, à effectuer une visite d’Etat à Berlin. Le gouvernement marocain avait par la suite fait état de sa « grande satisfaction » quant aux signaux positifs contenus dans ce message.
L’ébruitement de la crise diplomatique entre Rabat et Berlin, en mars 2021, avait été précédé de plusieurs épisodes de tension dispersés sur près d’un an auparavant. D’abord, la qualification de « politique d’ingérence » par le Maroc de l’action des fondations politiques allemandes présentes au Royaume, à la convocation à la demande d’Allemagne d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations Unies pour discuter du Sahara, en passant par l’exclusion par Berlin de Rabat dans le dossier libyen en janvier 2020 ou encore le cas du salafiste Mohamed Hajib.