Comment le Marocain capturé par les Russes aurait été enrôlé par les forces ukrainiennes

La vidéo avait été ébruitée depuis le 20 avril dernier, par un journaliste pro-russe du nom de Aleksandr Sladkov : on y voyait un jeune homme de la vingtaine présenté comme étant Marocain et portant le nom de Saadoun. Il y est interrogé par le journaliste russe. L’information avait par la suite été reprise par TelQuel, rappelant le passif controversé du reporter russe, présenté comme « propagandiste ».
De précédents articles faisaient par ailleurs état de la présence d'un « mercenaire » marocain au Donbass, servant dans les rangs des forces ukrainiennes.
Quotidien réputé en Russie, le média Kommersant a publié ce mercredi des informations supplémentaires autour du Maroc arrêté par les Russes, avec des photos et des éléments biographiques concernant celui qu'on présente comme Brahim Saadoun.
Natif de Meknès, Saadoun est accusé aujourd'hui de crimes de mercenariat, en vertu de l'article 359 du Code pénal de Moscou. Son procès est actuellement en cours, défendu par Igor Vagin, un des premiers avocats russes à travailler à la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk.
Conformément à la loi, les avocats locaux n'ont pas le droit d'exercer et de participer dans le cadre d'enquêtes menées par les employés du Département principal des enquêtes militaire, relevant du Comité d'enquête de la Fédération de Russie dirigée par Alexandre Bastrykine, rappelle le média russe.
Dans des déclarations recueillies par sa défense et diffusées à la presse, Brahim Saadoun aurait affirmé avoir servi dans la 36ème brigade du Corps des Marines, en tant que marin, après avoir conclu un contrat de trois ans avec les Forces armées ukrainiennes, depuis décembre 2021. Il aurait quitté le Maroc en 2019, faute de travail et d'études. Arrivé en Ukraine, à Poltava plus précisément, Saadoun a par la suite appris le russe pendant une année à l'Université d'Économie et de Commerce, avant d'intégrer la Faculté des Technologies Aérodynamiques et spatiales de l'Institution Polytechnique de Kiev, fait-on savoir.
Fin février 2022, Saadoun et son unité auraient été transférés à Marioupol, pour surveiller les mouvements de l'ennemi. Deux semaines plus tard, ils auraient reçu l'ordre de quitter la ville avec les réfugiés, en se faisant passer pour des civils. Ils se rendront finalement au point de contrôle le plus proche de l'armée russe, brandissant un drapeau blanc.
Des contacts avec le Britannique Aiden Aslin ?
Selon des déclarations faites par Brahim Saadoun rapportées par le média Kommersant, on précise que cet engagement aurait été du à une recommandation d'un citoyen de nationalité britannique du nom de Aiden Aslin.
Pour rappel, le sort de cet Anglais défraye la chronique depuis quelques jours : le Kremlin étant monté au créneau, diffusant sur les télévisions et les réseaux sociaux, une vidéo du combattant Aslin capturé, et présenté tantôt comme étant « un espion » ou « un mercenaire ».
En réaction à la vidéo, la famille d'Aiden Aslin a dénoncé ce qui aurait été filmé sous la contrainte, en violation de la Convention de Genève sur le traitement des prisonniers. « La vidéo d’Aiden parlant sous la contrainte et ayant clairement subi des blessures physiques est profondément éprouvante. Utiliser des images et des vidéos de prisonniers de guerre est contraire à la Convention de Genève et doit cesser », indique sa famille dans une déclaration relayée par le parlementaire anglais Robert Jenrick.
Il se serait installé en Ukraine en 2018 et « n’est pas, contrairement à la propagande du Kremlin, un volontaire, un mercenaire ou un espion. Aiden faisait des plans pour son avenir en dehors de l’armée, mais comme tous les Ukrainiens, sa vie a été bouleversée par l’invasion barbare de Poutine », souligne la famille d'Aslin.
La télévision publique russe, ayant aussi diffusé la vidéo, affirme qu'Aslin a été capturé côté ukrainien à Marioupol. On demande par ailleurs son échange contre Viktor Medvedtchouk, un riche homme d'affaires ukrainien proche de Vladimir Poutine et arrêté en Ukraine.
Avec Saadoun, le contact se serait fait à travers les réseaux sociaux et via un ami résidant dans le même foyer que le Marocain. Selon le journal russe, Saadoun prétend de ne pas avoir vu le papier signé, officialisant son contrat avec les Forces de l'armée ukrainienne. Il affirme cependant avoir bien voulu rejoindre les militaires, pour acquérir « une expérience de combat ».
Pour ses premières missions, Brahim Saadoun est dans un premier temps identifié comme étant conducteur d'un véhicule d'artillerie de roquettes, mais avec l'aide du Britannique Aslin, selon ce que rapporte le média russe, il rejoindra l'unité des mortiers. Selon les déclarations citées par le quotidien russe, Saadoun n'a pas eu à tirer directement sur des personnes, même s'il était armé, se contentant de les identifier à l'aide d'une caméra thermique.