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10.10.2023 à 10 H 20 • Mis à jour le 10.10.2023 à 10 H 20
Par
Finance mondiale

A Marrakech, la timide promesse de réforme du FMI et de la Banque mondiale

Assemblées annuelles FMI-BM à Marrakech. Crédit: IMF
Les assemblées annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale ont démarré ce 9 octobre à Marrakech après une absence de 50 ans du sol africain. Des réunions sous le signe du financement climatique et de la réforme de ces institutions, alors que les ONG pointent toujours leurs politiques de prêts aux conséquences inégalitaires

Sous le signe de la réforme et du financement climatique, le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) tiennent leurs réunions annuelles en Afrique pour la première fois depuis un demi-siècle. Leur retour, à Marrakech du 9 au 15 octobre, initialement prévu en 2021 avait été reporté à deux reprises à cause de la pandémie de Covid-19.


Si le Maroc fait de ce grand raout de la finance mondiale une vitrine de ses grandes réformes engagées depuis deux décennies, c’est aussi toute l’Afrique qui est au centre de nombreuses conversations, confrontée à la fois à une crise de la dette frappant plusieurs pays du continent, à la conséquence du réchauffement climatique et à une pauvreté qui se réduit moins vite qu’ailleurs.


Les premières mesures annoncées devraient surtout être symboliques, avec la création d’un troisième siège accordé aux pays africains aux conseils d’administrations de chacune des deux institutions.


Côté FMI, Kristalina Georgieva s’est montrée optimiste sur la réalisation prochaine de cette avancée, qui donnerait plus de voix au continent. Pour la Banque mondiale, le département américain du Trésor s’est prononcé en faveur d’une telle évolution, la rendant de fait quasi acquise. Or, les principaux pays ne sont pas favorables à une augmentation du capital qui les obligerait à remettre la main à la poche ou renforcerait le poids des grands pays émergents, Chine et Inde en tête. Dès lors, difficile d’obtenir plus.


Une modification des quotas ?

Pour la Banque mondiale, la principale avancée en la matière devrait être la confirmation de 50 milliards de dollars (MM $) supplémentaires sur les dix prochaines années, grâce à diverses opérations comptables. Son président, Ajay Banga, espère aller plus loin et porter le total à 100 ou 125 MM $, grâce à des contributions des économies avancées, sans pour autant modifier la structure capitalistique de l’institution, plusieurs ayant déjà annoncé être prêts à le faire. Mais il est peu probable que le sujet soit finalisé à Marrakech.


En la matière, l’avancée pourrait venir d’une modification des quotas des pays, qui leur ouvrent l’accès aux financements, et qui sont au prorata de la participation au capital des institutions. Les grands pays sont ouverts à l’idée de modifier la clé de répartition, en faveur des pays les moins avancés ou en développement, un dossier qui pourrait avancer durant la semaine.


Les annonces pourraient cependant laisser sur leur faim les pays qui cherchent à éviter de faire défaut ou à financer des projets de transition énergétique, mais aussi les ONG, qui accusent les deux institutions de pousser à l’austérité, renforçant l’écart entre pays riches et pauvres.


Plus encore, peu d’avancées notables sont à attendre concernant le financement climatique alors que de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer le manque d’aide en la matière de la part des deux institutions, qui se défendent en soulignant ce qu’elles font déjà en la matière, mais aussi insistant sur le fait qu’elles ne peuvent pas y parvenir seules, appelant le privé à la contribution.


Les ONG présentes à Marrakech durant la semaine comptent dénoncer ce qu’elles estiment être un manque de volonté de la part des deux institutions.


Des conditions qui accroissent les inégalités

Dans un contexte où une crise mondiale de la dette semble imminente, le FMI impose des conditions à l’octroi de ses prêts qui risquent d’entraver les droits économiques, sociaux et culturels des populations, a ainsi déclaré Human Rights Watch dans un rapport rendu en marge des assemblées de Marrakech. « Ces conditions ne font qu’aggraver des problèmes liés à l’accroissement des inégalités », estime l’ONG.


Ce rapport analyse les prêts approuvés entre mars 2020, au début de la pandémie de Covid-19, et mars 2023, en faveur de 38 pays comptant une population totale de 1,1 milliard de personnes, et il conclut que la grande majorité de ces prêts sont conditionnés à des politiques d’austérité qui réduisent les dépenses publiques ou accroissent les impôts régressifs de sorte que les droits humains sont susceptibles de s’en trouver restreints. Il fait constater que de récentes initiatives du FMI, annoncées au début de la pandémie afin d’atténuer ces impacts, telles que les seuils de dépenses sociales, sont « défectueuses et inefficaces » quand il s’agit de compenser les dommages causés par ces politiques.


« Les manifestations de plus en plus fréquentes au Pakistan contre la hausse du coût de la vie liée aux exigences du FMI, qui font suite à des mouvements de protestation similaires dans d’autres pays, devraient servir de sonnette d’alarme au FMI », a déclaré Sarah Saadoun, chercheuse senior et chargée de plaidoyer auprès de la division Justice et droits économiques à Human Rights Watch. « Malgré ses promesses, au début de la pandémie, de tirer les enseignements de ses erreurs passées, le FMI continue à promouvoir des politiques connues depuis longtemps pour accentuer la pauvreté et les inégalités et pour menacer les droits humains ».


Les recherches internes du FMI indiquent que ces politiques ne sont généralement pas efficaces pour réduire la dette, alors que c’est leur objectif premier. Les Perspectives de l’économie mondiale du FMI, publiées en avril 2023, ont fait apparaître que les mesures d’assainissement budgétaire – expression habituellement associée aux programmes d’austérité – « ne réduisent pas les taux d’endettement, en moyenne ».


Les mesures visant à atténuer l’impact des politiques d’austérité incluent habituellement ce que le FMI appelle des « seuils de dépenses sociales », qui d’ordinaire établissent des objectifs minimas de dépenses gouvernementales dans des secteurs comme l’éducation, la santé et la protection sociale, ainsi que certains efforts visant à améliorer les protections sociales, qui sont des programmes destinés à combattre la précarité de revenus.


Quoique porter une plus grande attention aux dépenses et aux protections sociales soit un élément positif, ces seuils ne comportent pas de critères objectifs ou cohérents pour être efficaces, a déclaré Human Rights Watch.


Par ailleurs, les mesures visant à améliorer la protection sociale, généralement élaborées en collaboration avec la Banque mondiale, tombent en-deca des normes en matière de droits humains. Les programmes soumis à des conditions de revenus excluent de larges segments de la population qui vivent dans des conditions précaires mais ne peuvent prouver qu’ils remplissent les critères d’éligibilité, de même que beaucoup des personnes qu’ils cherchent à atteindre.


« Le FMI devrait effectuer de profondes réformes pour aider effectivement les gouvernements à bâtir des économies qui permettent à chaque citoyen de réaliser ses droits économiques, sociaux et culturels. Il devrait réviser ses seuils de dépenses sociales pour remédier à leurs lacunes systémiques, s’engager résolument dans le soutien à des programmes universels de protection sociale et cesser de promouvoir des programmes soumis à des conditions de revenus. Il devrait également reconnaître officiellement son devoir de respecter, protéger et faire réaliser tous les droits humains, y compris les droits socioéconomiques, dans tous ses travaux, sans discrimination », estime Human Rights Watch.


« La méthode du FMI consistant à tenter de compenser les dommages causés par les programmes d’austérité ne fonctionne tout simplement pas », a affirmé Sarah Saadoun. « Il est temps qu’il adopte une approche nouvelle qui prenne comme point de départ la réalisation des droits économiques et sociaux ».


Taxer les super-riches…

A titre illustratif, Oxfam a calculé que les très riches de la zone MENA ont presque doublé leur richesse en seulement trois ans, alors que la région la plus inégalitaire du monde croule sous la dette et l’austérité.


La pandémie de Covid-19 et la crise du coût de la vie ont été une aubaine pour les plus riches de cette région, qui ont vu leur richesse presque doubler entre 2019 et 2022, révèle un rapport d’Oxfam publié en amont des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI à Marrakech.


« Les 0,05 % les plus riches (106 080 personnes) dont la richesse dépasse 5 millions de dollars (M $) ont vu leur richesse augmenter de 75 %, passant de 1 600 milliards de dollars (MM $) en 2019 à 3 000 MM $ à la fin de 2022. De plus, les 23 milliardaires de la région ont accumulé davantage de richesse au cours des trois dernières années que dans toute la décennie qui les a précédés », avance Oxfam.


« Cet essor de l’ultra-richesse s’explique par le fait que tous les pays de la région MENA s’endettent encore plus. En Tunisie, la dette publique est passée de 43 % du PIB en 2010 à 80 % en 2021, en Égypte de 70 % à 90 % et au Maroc de 45 % à 69 %. Le Liban a vu sa dette augmenter jusqu’à un taux stupéfiant de 151 % en 2020 lorsque le pays a été contraint de faire défaut sur son paiement », peut-on lire dans le rapport.


Le FMI fournit une aide financière à trois pays de la région, et au moins deux autres sont en pleine négociation de prêt. « Au cours de la dernière décennie, le FMI a insisté sur des politiques d’austérité néfastes dans ses programmes de prêts, qui ont contribué au sous-financement de services publics essentiels à la lutte contre les inégalités, tels que la santé et l’éducation », évalue l’ONG.


Oxfam appelle les gouvernements à récupérer cette richesse extrême pour le bien public. Un impôt sur la fortune de 5 % sur les fortunes supérieures à 5 M $ au Liban, en Égypte, au Maroc et en Jordanie combinés pourrait générer 10 MM $ de revenus. Le Maroc à lui seul pourrait lever 1,22 MM $, alors qu’il est confronté à une facture de réparation de 11,7 MM $ suite au récent tremblement de terre dévastateur.

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