Séisme d’Al Haouz: ce que nous dit le HCP de la condition sociale des populations sinistrées
Dans une note diffusée ce mercredi, le Haut-commissariat au plan (HCP) revient sur le profil sociodémographique des populations victimes du séisme d'Al Haouz, survenu le 8 septembre dernier. Pour rappel, les zones touchées représentent pas moins de cinq provinces et une préfecture. Au total, on mentionne plus de 69 communes où 2 964 ont perdu la vie.
Question chiffre, on avance celui de 2,6 millions de personnes directement touchées par le séisme d'Al Haouz. Ce qui en fait un total de 578 280 ménages, avec une taille moyenne avoisinant 4,5 personnes. « En ce qui concerne les ménages, les chiffres révèlent que la zone sinistrée de la province d'Al Haouz se composait la veille du sinistre d’un total de 145 818 ménages. Celle de Chichaoua en comptait 78 686, celle de Marrakech 137 735, Taroudant en comptait 124 226 et enfin la province de Ouarzazate comportait 65 922 ménages », souligne-t-on.
Pour certains chiffres, ayant traité à la scolarité mais aussi le niveau de vie et les conditions sociales, on retiendra que la préfecture de Marrakech sort du lot pour des raisons évidentes : milieu urbanisé, fortement peuplé, la ville fait exception avec son attractivité économique et touristique, et n'est prise en compte dans les chiffres de cette note du HCP que parce qu'elle a été catégorisée comme étant zone sinistrée. Outre Marrakech, on retient de disparités significatives et une vulnérabilité économique qui a de quoi alerter, et qui explique la rapidité de la mise en place d'aides au profit des populations touchées.
Disparité dans les densités de population
S'agissant de la densité de population, outre Marrakech, milieu urbain où on compte 364 habitants par mètre carré, on retrouve la province d'Al Haouz où il est question de 111 personnes par kilomètre carré. S'en suit Taroudant (52 habitants), Azilal (58 habitants et Chichaoua (59 habitants).
Le HCP précise par ailleurs que « le périmètre sinistré de la province d'Al Haouz présentait avant le séisme une disparité notable en termes de densité de population entre ses zones urbaines et rurales. En effet, dans les zones urbaines de ce périmètre, la densité de population varie de 664 habitants par kilomètre carré dans la municipalité d’Amizmiz à presque 1 180 dans Ait Ourir, témoignant ainsi d'une concentration relativement élevée de résidents », peut-on lire.
Pour Al Haouz, on précise que le périmètre sinistré présentait avant le séisme une disparité notable en termes de densité de population entre ses zones urbaines et rurales. A titre d'exemple, on parle de 664 habitants par km2 à Amizmiz, tandis qu'à Ait Ourir ce chiffre passe à 1 180 par km2. Pour le rural, on note une diversité dans le densité de la population, mais avec un écart moindre que dans l'urbain.
Des variations significatives sont relevées par ailleurs à Chichaoua, où dans le rural on compte une densité importante dans certaines localités, comme c'est le cas à Ait Hadi avec 154 habitants par km2.
Un taux d'analphabétisme supérieur à la moyenne nationale
D'après le HCP, citant les chiffres du recensement général de 2014, la zone sinistrée est au-dessus du niveau national avec 41,2 % contre 32,2 %. Les taux les plus élevés sont situés au niveau d'Azilal et Chichaoua, avec des chiffres dépassant les 50 % alors que les communes d'Al Haouz et de Taroudant présentent des taux modérés (44,1 % et 41,8 % respectivement).
« Ces résultats vont de pair avec le niveau scolaire observé dans la région. En effet, les données du RGPH de 2014 révèlent que 44,4 % de la population de la zone sinistrée n’ont aucun niveau d’étude, 5 % ont le niveau préscolaire, 32,4 % ont le niveau d’étude primaire, 10,3 % ont le niveau secondaire collégial, 5,2 % ont le niveau secondaire qualifiant, et seulement 2,7 % ont le niveau supérieur », note le HCP.
D'après toujours la même source, Azilal se hisse en haut du classement des localités où les personnes n'ont aucun niveau d'étude, avec un chiffre de 54,1 %.
On ajoute en plus que presque la moitié des communes sinistrées affichent des proportions élevées, dépassant les 50 %, des personnes n'ayant aucun niveau scolaire. À Bouabout Amdlane par exemple, on relève un chiffre de 64,7 %. On y retrouve également les plus faibles proportions des personnes ayant le niveau secondaire collégial ou qualifiant et le niveau supérieur : 0,8 %, 0,2 %, 0,3 % respectivement.
Enfin, à ce sujet, on notera que le taux de scolarisation actuels des enfants reste fixé à 95 % pour l'ensemble des zones sinistrées. Ce qui correspond au niveau de la moyenne nationale en la matière. « Les taux de scolarisation selon le sexe diffèrent et enregistrent un gain pour les garçons. Des écarts considérables sont observés dans la province d’Azilal avec une différence de 3,4 points : 93,4 % pour les garçons contre 90 % pour les filles et à Chichaoua d’une différence de 2,7 points : 93,3 % pour les garçons contre 90,6 % pour les filles », affirme le HCP.
Le type d'habitat également sous la loupe du HCP
Dans sa note, le HCP s'intéresse également au type d'habitat utilisé. Pour rappel, ce sujet est au centre du programme promu par le roi Mohammed VI, visant à reconstruire et à développer les zones sinistrées. Les équipes d'Ahmed Lahlimi Alami se fient pour cela aux chiffres du dernier recensement général. Ils révèlent « qu’au niveau de l’ensemble de la zone sinistrée, près de la moitié (50,8 %) des ménages habitent dans un logement de type rural et 44,2 % des ménages habitent dans une maison marocaine. Les autres types de logement sont quasi-inexistants dans la zone sinistrée », lit-on.
A Chichaoua, hormis la municipalité urbaine du même et Imintanoute, le logement de type rural est le type d'habitat qui prédomine toutes les autres communes sinistrées, faisant dire au HCP que 73,5 % des ménages de cette province habitant une maison de type rural. À Azilal, cessons 67,9 %, tandis qu'à Al Haouz, on retrouve 58,9 %.
Fait important, d'après les éléments du HCP, 84,9 % des ménages sinistrés sont propriétaires de leurs logements. Ce qui dépasse la moyenne nationale qui est de l'ordre de 71,9 %. Pour leur âge, on indique que « la répartition des logements occupés selon leur ancienneté dans la zone sinistrée montre que 31,9 % du parc logement est âgée de plus de 50 ans, et 28,2 % des logements sont âgés entre 20 et 49 ans ».
Les matériaux de construction des murs, au coeur du débat lors du séisme d'Al Haouz, sont également pointés du doigt par le HCP. Sur l'ensemble des zones sinistrées, « la construction des murs de 42,5 % logements a été faite à partir du béton armé, des briques en terre cuite et du parpaing, la construction des murs de 34,6 % logements a été faite à partir du pisé et des briques de terre crue, et la construction des murs de 16,2 % logements a été faite à partir des pierres scellées avec de la terre ».
S'agissant du toit, on précise que « le bois récupéré, le bambou et l’herbe recouverts de terre sont les matériaux les plus utilisés dans la construction du toit dans la zone sinistrée avec 51,6 %, principalement dans les communes des provinces Chichaoua (71,6 %), Azilal (62,6 %) et Al Haouz (58,7 %). Quant à la dalle, elle a été utilisée dans la construction du toit de 42,4 % des logements de la zone sinistrée, et ceci principalement dans les communes de la préfecture Marrakech (53,3 %) ». Dans certaines communes, le bois récupéré est présent à hauteur de 99,1 %, comme c'est le cas à Bounrar (Taroudant).
Pour rappel, l'éloignement de certaines localités des routes goudronnées avait représenté une difficulté pour l'arrivée des secours lors des premiers jours post-séisme. A ce sujet, le HCP, se fiant au recensement général, indique que« la population résidante dans la zone sinistrée parcoure en moyenne 5,9 kilomètres pour atteindre la route goudronnée la plus proche de leurs logements de résidence principale. Cette moyenne dépasse la moyenne au niveau national qui est de l’ordre de 3 kilomètres, et ce en raison du relief de type montagneux qui caractérise dette zone ». C'est à Azilal que les personnes parcourent le plus de kilomètres pour atteindre une route goudronnée, avec une moyenne de 8,1 kilomètres.
Un taux de vulnérabilité alarmant
Enfin, dans sa note, le HCP s'attarde aussi sur le niveau de vie et de pauvreté de la population des zones touchées. Pour le taux de pauvreté, il varie considérablement d'une province à une autre au sein de la zone sinistrée. « La province d’Azilal présente le taux le plus élevé, s'élevant à 20,7 %, ce qui est plus de quatre fois supérieur au taux national du Maroc, établi à 4,8 %. En outre, la province de Taroudannt enregistre également un taux élevé de 9,6 %, suivi de près par Ouarzazate avec 8,6 %, tandis que Chichaoua, Al Haouz et Marrakech affichent des taux de 7,1 %, 5,5 % et 1 %, respectivement », fait-on savoir.
D'après le HCP, en considérant l'ensemble de la zone exposée au séisme, la moyenne du taux de pauvreté monétaire est de 8 % qui est supérieur par deux fois au taux national. Pour le taux de pauvreté multidimensionnelle, il est de 18,5 %.
« Concernant le taux de vulnérabilité, qui mesure la propension des individus à tomber dans la pauvreté en cas de choc socio-économique, de catastrophe ou de crise, il est également significatif de noter les disparités entre les provinces sinistrées. La province d’Azilal affiche le taux de vulnérabilité le plus élevé, à 25 %, suivi de près par Chichaoua avec 22,9 %. Marrakech a le taux de vulnérabilité le plus bas à seulement 5 % », indique le HCP, pour explique que « la vulnérabilité peut être influencée par divers facteurs, tels que la stabilité de l'emploi, la sécurité sociale, et la résilience aux chocs économiques. Les provinces avec des taux de vulnérabilité élevés nécessitent une attention particulière pour mettre en place des filets de sécurité sociale et des politiques de protection économique ».
Pour l'emploi et l'activité, on apprend que les provinces touchées par le séisme présentent des taux d'activité variant entre 41,3 % et 50 %. C'est à Taroudant qu'on retrouve le taux d'activité le plus bas. Pour le milieu rural, à l'exception de Marrakech et d'Al Haouz, toutes les provinces affichent un taux d'activité inférieur à celui national. Dans son analyse, le HCP dresse le constat de disparités significatives au niveau des zones touchées pour ce qui concerne le taux d'activité.
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