Budget, RSU, langue … : à la veille du RGPH 2024, Lahlimi fait un dernier point
A compter de ce 30 août 55 000 enquêteurs parcourront les rues du Maroc pour mener pendant deux jours la dernière étape de leur préparation du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) 2024, qui sera lancé effectivement le dimanche 1er septembre : connaître « à cœur » les zones qui leur sont confiées sur les 38 000 districts de recensement découpés, les chemins à emprunter, les habitants de la région et ses différents équipements et bâtiments.
Deux années de préparation ont précédé cette étape, « d’extrême importance » pour le pays, selon le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi Alami et durant lesquels, d’importants moyens financiers, humains et logistiques ont été mobilisés. Lors d’une conférence de presse tenue ce 29 août, Lahlimi Alami a tenu à faire un dernier point pour répondre aux différentes questions soulevées autour du RGPH 2024, mais surtout mettre fin aux polémiques qui l’entourent.
Un budget de près de 1,5 MMDH géré en « toute transparence »
Le RGPH est un processus qui « relève de la souveraineté même du Maroc (…) et qui répond aux engagements du royaume vis-à-vis des instances internationales ». C’est dans ces termes que Lahlimi décrit cette opération nationale, de quoi mettre en exergue son importance. Dans cet esprit, aucun moyen n’a été lésiné pour réussir le recensement qui se déroule cette année sous le signe la digitalisation et de « l’optimisme ».
Ainsi, c’est une enveloppe de 1,46 milliards de dirhams (MMDH) qui a été mobilisée sur quatre années, de 2022 à 2025, pour financer les différentes facettes du recensement, selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP). Les ressources humaines accaparent la part de lion de ce budget, soit 67 % avec les indemnités des collaborateurs qui s’élèvent à 970 millions de dirhams (MDH). La deuxième plus grande part de ce montant a été allouée aux solutions, équipements et outils digitaux, à hauteur de 200 MDH. Les 20 % restant du budget, soit 280 MDH, a quant à elle permis de couvrir les différentes autres charges, dont notamment le coût des travaux cartographiques, une année avant le RGPH, permettant pour la première fois d’obtenir une vision détaillée du paysage bâti du pays.
Une réponse officielle sur la question du budget, largement soulevée au cours des semaines précédant le début du RGPH 2024, a donc enfin été donnée et publiée sur le site du HCP durant la conférence-même. Cependant, c’est « l’opacité », entourant, selon certains, sa gestion qui semble plus gêner. Interrogé par Le Desk, Lahlimi rassure : « Il n’y a absolument aucune opacité. Tous les gages de transparence sont là, avec un contrôle et une coordination étroite avec la Trésorerie générale et l’ensemble des institutions compétentes ».
S’agissant de certaines prestations commandées, dont notamment la fourniture des tablettes et des voitures de location, contractées en dehors du portail des marchés publics, le patron du HCP explique que cela est dû au caractère « urgent » de l’opération. « C’est une opération qui n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres tout simplement parce que nous n’avons pas le temps nécessaire de passer par toutes ces procédures et administrations ». Le HCP a donc opté pour une procédure négociée, indique le Haut-commissaire, soulignant que « c’est une pratique normale. Après feu vert du Chef du gouvernement. Une consultation a été lancée, puis on est passé par une négociée pour mettre ces équipements à la disposition des recenseurs ».
RNP, RSU, aides sociales directes … « aucun rapport »
La deuxième problématique soulevée avec l’approche du RGPH 2024, qui coïncide avec l’élargissement du registre national de la population (RNP) et le registre social unifié (RSU) et puis la mise en place des aides sociales directes, est le lien entre ces différentes initiatives. La crainte principale est que les réponses données lors du recensement pourraient influencer l’indicateur social sur lequel se base le ciblage des subventions de l’État. Sur ce point encore, Lahlimi rassure : « Il n’existe aucun rapport entre le recensement et le RSU ».
L’objectif du recensement rappelle-t-il est la détermination de la population légale au niveau national, ses caractéristiques démographiques, socio-économiques, les conditions d'habitat des ménages et l’établissement de l'échantillon maître nécessaire pour la réalisation des enquêtes auprès des ménages intercensitaires. « La finalité des différentes questions du formulaire n’est pas d’établir le degré de richesse ni de pauvreté des gens. Cela ne nous concerne guère. Notre objectif est d’obtenir les données qui nous seront utiles pour de futures études et pour établir les indicateurs qui nous sont essentiels », insiste Lahlimi.
Pour rassurer davantage la population, le responsable ajoute : « les données sont cryptées et envoyées directement au centre de traitement. Ces données nous les exploitons pour définir la structure globale de la population et non pas le profil de l’individu ou du ménage (…) elles ne sont partagées avec aucune autre partie ».
« Pas un recensement ethnique »
Une troisième polémique à laquelle Lahlimi a tenu à mettre fin est celle enclenchée après des appels lancés par certains militants amazighs de « répondre aux questions des enquêteurs uniquement en langue amazighe » pour les Marocains parlant la deuxième langue nationale. L’objectif derrière ces appels, selon leurs auteurs, est d’assurer « une meilleure représentativité » de cette population. Or, selon le responsable, « parler arabe ou amazigh ne change rien, tout comme demander la langue parlée ne sert à rien. C’est recensement général de la population et non pas un recensement ethnique ».
La polémique qui enfle depuis quelques temps sur les réseaux sociaux n’a donc pas lieu d’être, comme l’affirme le patron du HCP, d’autant plus que le critère de langue a été pris en compte lors de la sélection et de la formation des enquêteurs. « Les recenseurs ont été affectés aux zones où ils vivent, qu’ils connaissent et dont ils connaissent la population et parlent leur langue », souligne encore Lahlimi.
Dans la même veine, le Haut-commissaire a mis en avant la pluralité culturelle du Maroc, où différentes civilisations ont coexisté à travers l’histoire faisant de la diversité une force du pays. « Il est impossible de déterminer avec certitude qui sont les amazighs, les arabes ou autres. Il existe des familles amazighes qui parlent uniquement l’arabe, comme il existe des familles arabes qui parlent l’amazighe », a-t-il lancé en guise d’exemple.
Interrogé dans le même sillage sur le point de la religion et de la foi, Lahlimi répond de même : « Les croyances des gens les concernent. C’est strictement personnel. Cela n’a rien à voir avec les objectifs du RGPH ».
Un recensement « énonciateur de l’avenir »
Pour Lahlimi, le RGPH 2024 constitue une station importante dans l’histoire du pays, permettant de mettre en perspective les avancées réalisées dans certains domaines et situer dans l’avenir les politiques publiques, ainsi que les priorités de la nation. « C’est un recensement énonciateur de l’avenir », tonne-t-il.
Dans cette optique, outre les questions classiques relatives posées lors des précédents recensements, la réalisation du RGPH de 2024 connaitra plusieurs améliorations sur le plan méthodologique. Il s’agit principalement de faire un dénombrement exhaustif des ménages et des individus et recourir à l'échantillonnage pour l'estimation de certaines caractéristiques de la population, permettant d'améliorer la qualité des données du recensement et de réduire le coût de sa réalisation et ce, en utilisant deux questionnaires : un questionnaire court qui s'adresse à l'ensemble des ménages et un questionnaire long administré à la totalité des ménages pour les communes de moins de 2 000 ménages et à une fraction de 20 % des ménages (un ménage sur 5) dans les communes de 2 000 ménages et plus.
Cet échantillon est déterminé d'une manière aléatoire au niveau de l'application de collecte de données. Le questionnaire long comporte tous les thèmes traités dans le questionnaire court. En plus d’approfondir les questions existantes, il permet aussi d'introduire de nouvelles thématiques, dont notamment la couverture médicale, l'environnement, l'usage des TIC. Des questions sur le mode d’éclairage, la source d’approvisionnement en eau ou encore le mode d’évacuation des déchets ménagers et l’utilisation des énergies renouvelables pour l’usage domestique sont ainsi ajoutées. D’autres questions se focaliseront quant à elles sur l’accès aux soins, l’assurance maladie et la protection sociale.
Sur le plan technologique, des nouveautés sont aussi introduites. Ce recensement connaîtra l’intégration de l'ensemble des opérations de collecte du recensement par le biais d'un système informatique avec trois composantes principales, à savoir un système d'information géographique mobile, une application informatique mobile de collecte des données statistiques (CAPI) et une plateforme web de suivi et de gestion des travaux.
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