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27.09.2024 à 13 H 05 • Mis à jour le 27.09.2024 à 14 H 03
Par
Monétique

Marché du paiement par carte : Rahhou démantèle le quasi-monopole du CMI

Ahmed Rahhou Ahmed Rahhou, président du Conseil de la concurrence. Crédit : Mustapha Razi / Le Desk
Le Conseil de la concurrence vient de rendre publics les engagements des banques actionnaires du Centre Monétique Interbancaire (CMI) dans le cadre de la plainte de l’opérateur NAPS, actant ainsi le démantèlement du quasi-monopole du marché de l’acquisition par carte que CMI contrôle totalement

Dans le cadre de l’instruction de la saisine émanant de la société NAPS SA, le Centre Monétique Interbancaire (CMI) et les neuf banques actionnaires de ce dernier ont transmis au Conseil de la concurrence une proposition d’engagements visant à répondre aux préoccupations de concurrence identifiées lors de l’instruction de l’affaire, et à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché du paiement électronique par carte (TPE et PEL), annonce le Conseil ce 27 septembre.


En application de l’article 36 de la loi 104.12 relative à la liberté des prix et de la concurrence telle que modifiée et complétée, le Conseil de la concurrence dispose de la faculté d’accepter « des engagements proposés par les entreprises ou organismes de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles 6, 7 et 8 de la présente loi », selon les modalités fixées par l’article 26 du décret d’application n° 2.14.652 pris pour application de la loi 104.12 précitée, tel que modifié et complété.


Dans ce cadre, le CMI et les banques actionnaires de ce dernier ont proposé des engagements afin d’améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché du paiement électronique par carte (TPE et PEL).


Après examen de la proposition d’engagements précitée, le Collège du Conseil de la concurrence a considéré lors de sa réunion du 26 Septembre 2024, que ces engagements sont substantiels, crédibles et vérifiables.


A cet effet, le Rapporteur Général par Intérim publie le résumé de l’affaire et des engagements pour permettre aux tiers intéressés de présenter leurs observations.


En date du 16 mai 2023, la société NAPS SA a saisi le Conseil de la concurrence concernant l’existence d’éventuelles pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par la société Centre Monétique Interbancaire SA (ci-après CMI), dans le secteur des activités de paiement par Terminal de Paiement Electronique, ci-après « TPE » et de paiement en ligne via carte bancaire, ci-après « PEL ».


Après examen des éléments de recevabilité prévus par l’article 26 de la loi 104-12 relative à la liberté des prix de la concurrence, le Conseil de la concurrence a déclaré par sa décision n° 134/2023/ق en date du 22/06/2023 que ladite saisine est recevable.


Dans le cadre de l’instruction de cette saisine, il a été procédé à plusieurs actes d’instruction notamment l’audition des différents intervenants dans le marché de l’acquisition et de l’émission. De même des réunions de coordination ont été tenues avec Bank Al- Maghrib.


Après analyse de la structure du marché du paiement électronique, sa dynamique concurrentielle depuis la création du CMI (voir encadré ci-dessous), ainsi que les comportements des différents acteurs du marché, un rapport d’évaluation préliminaire a été établi par les services d’instruction du Conseil et a été notifié aux parties, ainsi qu’au Commissaire du gouvernement dans les conditions et formes prévues dans l’article 26 du décret n° 2-14-652 pris pour l’application de la loi 104.12 précitée.


Ce rapport a fait état de l’existence de plusieurs préoccupations de concurrence dans ce marché qui limitent son développement et font qu’aujourd’hui seulement 1 % des paiements au Maroc se réalise par voie électronique. Sur la base de ces constats, les parties en cause ont été invitées à présenter au Conseil de la concurrence dans un délai qui leur a été fixé, des engagements suffisants, crédibles et vérifiables de nature à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché du paiement électronique par carte.


Position monopolistique de CMI

Le CMI a été créé en 2001 par neuf banques ayant pour mission initiale l’interconnexion de l’ensemble des banques en vue d’assurer l’interopérabilité des retraits et des paiements et la lutte contre la fraude. Le CMI a été depuis 2004 jusqu’à 2015, le seul opérateur actif dans l’acquisition et le switching. A partir de 2015, Bank Al-Maghrib a ouvert le marché à la concurrence en séparant l’activité switching de celle de l’acquisition.


Cependant, malgré cette ouverture du marché de l’acquisition à la concurrence, le CMI dispose toujours d’une position quasi monopolistique sur ce marché et le taux d’interchange4 est resté à un niveau relativement élevé sans connaître de baisse. Cette situation a impacté négativement les marges des acquéreurs, et a empêché, entre autres, le développement de ce marché, ainsi que celui des paiements électroniques en général puisqu’il ne représente que 1 % des paiements au Maroc, ce qui va à l’encontre des stratégies nationales de digitalisation et d’inclusion financière.


Il y a lieu de rappeler que l’article 36 de la loi 104.12 précitée permet au Conseil de la concurrence d’accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes de nature à mettre fin à ses préoccupations de concurrence. Cette procédure dite des engagements présente l’avantage de faire cesser ou modifier rapidement et volontairement le comportement d’une entreprise qui pourrait présenter des aspects anticoncurrentiels. La procédure des engagements contribue également à l’efficacité de la régulation de la concurrence au bénéfice des entreprises et des consommateurs.


A cet égard, et après discussions avec les parties en cause, ces dernières ont exprimé leur souhait pour bénéficier de la procédure d’engagements précitée et ont soumis à ce titre au Conseil de la concurrence en date du 20 Septembre 2024, une proposition d’engagements visant à améliorer le fonctionnement concurrentiel du marché du paiement électronique par carte.


La mise en œuvre des engagements proposés aura pour effet direct le démantèlement du quasi-monopole que connait actuellement le marché de l’acquisition par carte dominé par le CMI, qui s’accapare une part de marché de plus de 97 %. Toutefois, le CMI continuera à opérer en tant que plateforme technique qui fournit ses services à tous les établissements de paiement (EDP) de la place dans des conditions tarifaires et non tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires. Il continuera également à assurer le service de paiement de factures via sa plateforme Fatourati.


Ce démantèlement permettra d’animer la concurrence sur le marché à travers la reprise de l’activité acquisition par les banques à travers leurs établissements de paiement, ou toutes autres filières dédiées, ce qui démultipliera le nombre d’acteurs sur ce marché et créera un effet d’émulation au bénéfice de l’économie nationale et du bien-être des consommateurs.


La proposition précitée comporte les engagements structurels et comportementaux suivants


S’agissant des engagements structuraux, le CMI s’engage à :


- Céder l’ensemble des contrats d’adhésion des commerçants aux systèmes cartes (affiliation au Terminal de Paiement Electronique « TPE » et de paiement en ligne « PEL ») au profit des établissements de paiement ou toute autre filiale des banques dédiée à l’acquisition relevant ou non de ces dernières. Aussi, le CMI s’engage à céder les contrats liés à son activité passerelle de paiement en ligne (Gateway E- Commerce) 


- Anticiper activement et effectivement à la facilitation et la réalisation de cette cession au profit des nouveaux cessionnaires 


- Rendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir la viabilité économique, la valeur et la compétitivité de ses contrats pendant la période transitoire de douze (12) mois à compter de la date de la décision du Conseil rendant obligatoire les engagements.


- S’interdire de démarcher tout nouveau client ou de conclure de nouveaux contrats d’adhésion aux systèmes cartes ou de contrat lié à son activité passerelle de paiement en ligne (Gateway E-Commerce) aux commerçants (B to C).


Toutefois, et afin de s’adapter au contexte concurrentiel du marché, le CMI peut prendre toutes les dispositions nécessaires pour défendre, préserver et gérer les contrats commerçants conclus avant la date de la décision du Conseil précitée, et ce dans l’attente de les céder aux établissements de paiement des banques ou aux autres filiales dédiées à l’acquisition.


A cet égard, le CMI qui sera transformé en plateforme technique de traitement pour le compte de tous les établissements de paiement de la place, s’engage à garantir un accès à ses services dans des conditions tarifaires et non tarifaires équitables, transparentes et non discriminatoires.


Quant aux banques actionnaires du CMI, elles s’engagent à acquérir, au profit de leurs établissements de paiement ou toutes autres filiales dédiées l’ensemble des contrats commerçants qui concerne l’adhésion aux systèmes cartes (affiliation au Terminal de Paiement Electronique « TPE » et de paiement en ligne « PEL »), conclus à date de la décision qui sera prise par le Conseil.


Le CMI et les banques actionnaires de ce dernier s’engagent en outre, chacun en ce qui le concerne à assurer les principes de permanence et de continuité de services d’acquisition sans rupture ni baisse en capitalisant sur les acquis techniques et technologiques dans le domaine, notamment vis-à-vis des différents partenaires nationaux et internationaux dont les schemes internationaux.

S’agissant des engagements comportementaux non tarifaire, le CMI et les banques actionnaires de ce dernier s’engagent à mettre en place un programme de conformité avec le droit de la concurrence et cesser immédiatement les pratiques objet des préoccupations de concurrence précitées.


Les banques actionnaires du CMI s’engagent en outre à :


- Veiller à ce que leurs établissements de paiement ou filiales dédiées soient juridiquement et économiquement indépendantes, afin de leurs permettre de jouir d’une autonomie fonctionnelle et comptable.


- Ne pas commercialiser les offres d’affiliation au Terminal de Paiement Electronique « TPE » ou de paiement en ligne « PEL » de leurs établissements de paiement ou filiales dédiées à l’acquisition. Toutefois, les banques peuvent procéder à la promotion de l’activité acquisition au niveau de leurs réseaux d’agences ou par tout autre moyen, sans préjudice du droit du client de la banque à contracter avec l’acquéreur de son choix.


Quant aux engagements comportementaux tarifaires, les parties concernées s’engagent à ne pas appliquer une commission d'interchange, par opération d'un montant supérieur au plafond fixé par la décision règlementaire de Bank Al Maghrib relative aux frais d’interchange monétique domestique. Il y a lieu de rappeler que l’interchange correspond à la partie de la commission d’acquisition reversée par l’acquéreur (celui qui contracte avec le commerçant) à la banque émettrice (celle qui a émis la carte au porteur) lors de chaque paiement par carte.


Cette révision de l’interchange va permettre aux acquéreurs d’opérer des baisses significatives dans les tarifications de leurs clients commerçants, ce qui favorisera le développement du paiement électronique par carte en réduisant le taux de la commission d’acquisition.


Il y a lieu de préciser qu’une période transitoire et des délais sont prévus dans le cadre de la mise en œuvre progressive de ces engagements après décision du Conseil de la concurrence. Aussi et pour assurer le suivi de l’exécution de ces engagements, une entité de suivi sera créée entre le Conseil de la concurrence et Bank Al-Maghrib.


En outre, le CMI et les banques actionnaires de ce dernier se sont engagées à transmettre au Conseil de la concurrence à partir de la date de la décision du Conseil rendant obligatoire les engagements précités, et pour une durée de deux (2) années, un état semestriel documenté détaillant l’exécution des différents engagements structurels et comportementaux souscrits.


Concernant les suites de la procédure des engagements : conformément aux dispositions des alinéas 6 et 7 de l’article 26 du décret n° 2-14-652 pris pour l’application de la loi 104.12 précitée, le Conseil de la concurrence publie les engagements proposés par le CMI et ses banques actionnaires afin de recueillir les observations des parties, du Commissaire du gouvernement et le cas échéant, des tiers intéressés dans un délai de 30 jours à partir de la date de publication du présent communiqué, soit le 30 octobre 2024.


A l’issue de ce test de marché, et après examen des observations émises, le Conseil de la concurrence prendra sa décision finale en rendant les engagements précités obligatoires pour les parties, ce qui marquera la clôture de la procédure, conclut l'instance dirigée par Ahmed Rahhou.

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