Étude au CHU Ibn Sina : l’amibiase fausse le diagnostic des maladies inflammatoires de l’intestin

L’amibiase intestinale, infection parasitaire due à Entamoeba histolytica, demeure un enjeu de santé publique majeur dans les pays où elle est endémique, comme le Maroc. Lorsqu’elle survient chez des patients souffrant de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, elle constitue un véritable défi diagnostique, ses symptômes mimant souvent ceux des poussées inflammatoires.
C’est ce que démontre une nouvelle étude rétrospective conduite au service de parasitologie-mycologie de l’Hôpital universitaire Ibn Sina de Rabat, publiée ce 27 juin dans la revue Cureus par les chercheurs Fatima Zahra Lfaquir, Imane Zouaoui, Khalil Zimi et Sarra Aoufi.
Huit ans de données et un constat épidémiologique préoccupant
L’étude a analysé 684 échantillons de selles collectés entre juin 2014 et juillet 2022 auprès de patients atteints de MICI, afin d’évaluer la fréquence et les caractéristiques cliniques des cas d’amibiase intestinale associés. Le diagnostic reposait sur l’examen parasitologique standard (PES), combinant l’observation à l’état frais et deux techniques de concentration (Merthiolate-Iodine-Formol et Bailenger).
Les résultats sont sans équivoque : 24 % des échantillons étaient positifs, soit 162 cas. Parmi ceux-ci, 78 concernaient des patients atteints de rectocolite hémorragique, 67 de maladie de Crohn et 17 présentaient une forme indéterminée de MICI. Fait notable, 20 patients étaient en phase de rémission au moment du prélèvement.
Un parasite prédominant et un profil démographique marqué
Parmi les agents identifiés, Entamoeba histolytica représentait la majorité des cas (60 %), suivie de sa forme kystique (23 %), tandis que 14 % des échantillons comportaient les deux formes. La grande majorité des cas concernaient des adultes, avec une prédominance féminine (rapport hommes/femmes de 0,7).
Ce profil épidémiologique, couplé au taux élevé de détection, alerte sur la forte circulation du parasite dans cette population vulnérable. Les auteurs insistent sur la difficulté à distinguer une véritable poussée de MICI d’une infection parasitaire, pouvant entraîner des retards ou des erreurs de traitement, parfois graves.
Vers une systématisation du dépistage dans les zones endémiques
Les chercheurs concluent à la nécessité d’un diagnostic précoce et systématique de l’amibiase chez les patients atteints de MICI, en particulier dans les pays où cette parasitose est endémique. Un tel dépistage permettrait d'éviter les confusions cliniques, de prévenir les traitements inappropriés – notamment les immunosuppresseurs administrés à tort – et d’améliorer le pronostic des patients.
Cette étude, première du genre à être conduite à cette échelle au Maroc, ouvre la voie à une prise en charge plus rigoureuse et adaptée des MICI dans le contexte parasitaire local. Elle appelle également à intégrer les examens parasitologiques de routine dans les protocoles de suivi des patients atteints de MICI dans les régions à forte endémie.
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