
Culture 1-54 Marrakech: L’art en renouveau, l’Afrique en équilibre
Tombée de rideaux sur un évènement au supplément d'être ce dimanche 2 février. Depuis ses débuts en 2018, la foire qui se célèbre dans 1continent -54 pays a toujours misé sur la découverte de talents contemporains, révélant des artistes souvent absents des grands circuits internationaux. La fondatrice de la foire le dit et le repète : « Il n’y a pas "un" art africain, mais des artistes du continent et de la diaspora ».
Pourtant, comme le souligne Touria El Glaoui, cette approche pouvait parfois donner l’impression de sauter une étape historique essentielle. « Beaucoup d’artistes contemporains exposés à 1-54 ont été influencés par une génération précédente qui, elle, reste trop peu visible sur la scène internationale », explique la fondatrice de la foire.
C’est dans cette optique que l’édition 2025 inaugure un espace dédié aux modernes du Maghreb, porté par la galerie tunisienne Le Violon Bleu. Une démarche amorcée à Londres en octobre dernier et qui trouve ici son prolongement naturel, affirmant la nécessité de raconter une histoire plus complète de l’art africain. « J’ai commencé à faire des recherches et j’ai réalisé que ces artistes n’avaient aucune visibilité. J’ai travaillé avec mon père pendant les quinze dernières années de sa vie et de sa carrière. Je ne faisais pas la promotion de son travail, mais il se débrouillait très bien tout seul. Il avait une visibilité internationale parce qu’il avait commencé sa carrière en France. C’est là que j’ai eu un déclic : faire partie du récit international, avoir une base de données mondiale, c’était ce qui manquait aux artistes africains ».
L’art s’affirme, les frontières s’effacent
Cette volonté de rééquilibrer la représentation des artistes africains dans l’histoire de l’art s’inscrit dans une réflexion plus large menée par Touria El Glaoui depuis la fondation de 1-54 en 2013. L’important est de donner visibilité à des artistes jusqu’alors absents des grandes foires internationales.
C’est pour cela, que cette année , des nouveaux venus ont fait la part belle à la créativité artistique à l’image de C+N Gallery CANEPANERI (Milan), Galerie Farah Fakhri (Abidjan, Côte d’Ivoire), space Un (Tokyo, Japon), Galerie Medina (Bamako, Mali) ou encore Hunna Art (Koweït). « À mes débuts, la majorité des artistes africains n’avaient ni site web ni biographie en ligne », confiait-elle. Avec 1-54, elle a voulu créer une plateforme qui ne soit pas seulement un lieu de vente, mais aussi un espace de transmission et d’éducation.
En plus de cette nouvelle section dédiée aux modernes, l’édition 2025 se distingue par l’arrivée d’un grand nombre de nouvelles galeries, qui exposeront à Marrakech pour la première fois. Ce renouvellement constant est essentiel à l’identité de 1-54, qui fonctionne comme une « boutique fair », privilégiant une sélection soignée et dynamique. Ce modèle, qui a fait le succès des éditions londonienne et new-yorkaise, permet à la foire de se différencier des mastodontes du marché de l’art et de rester un véritable lieu de découvertes. « Lorsque j’ai lancé 1-54 à Londres en 2013, nous étions seulement 17 galeries », rappelait Touria El Glaoui. « À l’époque, la plupart des galeries africaines n’étaient jamais invitées aux grandes foires. Le défi était de leur faire comprendre que leur participation représentait un investissement stratégique ». Dès la première édition, toutes les œuvres exposées ont été vendues, prouvant ainsi la pertinence d’un marché centré sur l’art africain.
Le Maroc, acteur clé du marché de l’art
Autre évolution notable cette année : un tiers des galeries exposantes sont marocaines. Une présence qui souligne l’essor du marché artistique local et le rôle croissant du Maroc comme hub culturel pour l’Afrique. Touria El Glaoui a toujours insisté sur la nécessité d’une représentation équilibrée des scènes africaines. « À Londres, l’Afrique de l’Est et australe sont très présentes. À Marrakech, nous avons une foire plus complète, qui met en avant les artistes d’Afrique du Nord et favorise un dialogue entre toutes les régions du continent. ». Cette montée en puissance de 1-54 Marrakech accompagne une tendance plus large : l’intégration croissante des scènes africaines dans l’écosystème artistique international. Les grandes institutions occidentales s’intéressent de plus en plus aux artistes africains, et leur présence s’affirme dans les grandes collections et biennales du monde entier. « Le Maroc, par exemple, est un pays très développé en matière d’infrastructures artistiques comparé à d’autres. Il possède des maisons de vente aux enchères, des galeries, des magazines d’art. C’est extrêmement rare sur le continent. Dans certains pays, il n’y a parfois qu’un seul acteur qui fait vivre tout le marché de l’art contemporain ».
Alors que l’Afrique s’impose dans les grands circuits culturels mondiaux, 1-54 Marrakech envisage déjà de nouvelles perspectives. L’enjeu pour les prochaines éditions sera d’ouvrir encore davantage la foire aux diasporas africaines et aux artistes du Sud global. « À Londres et à New York, nous avons réussi à inclure des artistes afro-descendants et des créateurs issus du Sud global », explique Touria El Glaoui. « À Marrakech, nous sommes encore très centrés sur l’Afrique continentale, mais l’ambition est d’élargir cette approche ». Cette évolution permettrait de faire de Marrakech un véritable carrefour pour les voix artistiques émergentes de tout l’hémisphère sud, tout en poursuivant l’exploration du dialogue entre passé et présent.
Avec cette sixième édition, 1-54 Marrakech réaffirme ainsi son statut de plateforme incontournable pour l’art africain et ses diasporas, tout en s’ouvrant à de nouvelles perspectives.
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