
Art A Téhéran, les joyaux insoupçonnés de l’impératrice exilée
Certes, je savais que la Shabanou était une personnalité cultivée, à la sensibilité à fleur de peau. J’avais été marqué, il y a de cela des années déjà, par l’interview télévisée que cette grande dame, au destin tragique -- un fils suicidé, une fille overdosée --, avait accordée à Frédéric Mitterrand. Dans un français parfait, elle s’y était exprimée avec infiniment de dignité, de tristesse et de sagesse. Elle n’y regrettait rien, avouait tout.

Avant d’avoir été préemptée, d’office, pour devenir impératrice d’Iran, Farah Diba avait été une jeune fille de la bourgeoisie de Téhéran qui poursuivait, innocemment, ses études d’architecture, à Paris.
Seulement, j’étais loin d’imaginer -- personne du reste ou presque -- que, quelque deux ou trois ans avant son exil forcé, Farah Diba Pahlavi avait réussi à constituer une, sinon LA plus importante collection d’art moderne et contemporain existant en dehors de l’Europe et des États-Unis. C’est ce que vient de nous révéler dernièrement Bloomberg Businessweek, repris par Courrier international.

Que la jeune souveraine d’alors ait acquis des Monet, Gauguin, Pissaro, Toulouse-Lautrec, Van Gogh, Rodin, Chagall et autres Picasso, passe encore… Mais quelle est donc la Moyenne-orientale de l’époque -- mitan des années 70 --, à même d’apprécier, à leur juste valeur, des artistes aussi avant-gardistes que Calder, Warhol, Rothko, Miro, De Kooning ou, pis encore, Pollock ?
L’histoire de la collection Farah Diba est d’un romanesque absolu. Comme de bien entendu, dès janvier 1979, le doyen des beaux-arts de Téhéran, alors en charge de ladite collection, se tire en Italie. Ne reste que le gardien du musée, un jeune et modeste bachelier.
Firouz Shabazi Moghadam saura soustraire à la furie purificatrice des Pasdarans cet inestimable trésor. Il mettra l’ensemble à l’abri, dans la chambre forte du musée, usant de mille et une ruses pour détourner l’attention des Mollahs et de leurs nervis d'un certain Francis Bacon, représentant deux hommes nus couchés.

Hormis un De Kooning -- échangé, en 1994, contre les restes d’une copie vieille de quatre cents ans du célèbre Livre des rois, illustré de miniatures -- et les portraits sérigraphiés de la Shabanou par Andy Warhol -- lacérés -- la collection est restée intouchée.
Aujourd’hui que l’Iran retrouve -- doucement mais sûrement -- le concert des nations civilisées qu’il n’aurait jamais du quitter, les œuvres les moins scandaleuses -- c’est-à-dire abstraites -- de la collection, sont visibles au Musée d’art contemporain de Téhéran. Mieux, les plus importantes feront l’objet d’une exposition européenne en 2016. Merci qui ? Heureusement que les révolutions ne durent qu’un printemps, aussi long soit-il…
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