
Grand écran ‘Black’ ou la Belgique orange mécanique sublimée
Premier clap, un plan flou qui suggère un viol dans une cave. Adil El Arbi et Bilall Fallah, annoncent la couleur d’entrée de jeu. Le logiciel « caillera » est enclenché. Black, un film sorti le 11 novembre dans les salles de Bruxelles, soit deux jours avant les attentats de Paris où seront impliqué des jihadistes belgo-marocains. Pourtant, le film ne traite pas de la radicalisation, mais de la guerre des gangs qui a fait 23 victimes depuis 2002, peut-on lire à la fin du générique.
On prend les mêmes et on tourne
La France a eu La haine, la Belgique veut son black. Le premier est pensé comme un affrontement vertical entre les jeunes de quartiers et les symboles de la république , le second est une bataille horizontale entre deux lumpenprolos : les Marocains ( gang du 10-80) et les blacks ( gang du Black Bronx) qui s’entretuent pour une histoire de gonzesses. Les premiers font leur entrée dans la narration par une séquence avec Marouane, héros du film, qui comment un vol à l’italienne. Ce jeune délinquant est dans le collimateur de Mina, une fliquette d’origine marocaine, qui veut aider Marouane et entretient une relation difficile avec sa communauté. De l’autre côté, la bande des renois qui font les « Clokers » dans le quartier de Matongé, le quartier « Z » (Zaïrois) de Bruxelles. Eux aussi, ont leur flic qui veut les aider. Très original ! Les deux bandes affichent l’apparat du parfait rappeur mondialisé : baskets Nike, training Adidas, 'Wesh attitude' et portent des noms comme X, Notorious, Don ou Krazy-E. La ligne de fracture entre les bandes rivales : Marouane un bon lieutenant des 10-80 et Marvela, une jolie adolescente des Black Bronx. Entre ces deux-là, c’est le coup de foudre. Une sorte de West Side Story moules-frites qui va déclencher la guerre entre les deux bandes rivales.
La haine moules-frites
Inspiré de 'Black' et 'Back' du romancier flamand Dirk Bracke, les réalisateurs nous plongent dans la vie du gang des Blacks Bronx. Il faut dire que l’arabe est épargné dans ce film puisqu’il n’est que voleur. Et c’est le black qui en pour son grade. Dans le désordre, il est dealer de drogues mais surtout serial violeur. Il viole les amazones de son gang et celles de la bande adverse. Au nom d’un réalisme à l’outrance, les réalisateurs empruntent l’esthétique de Gaspar Noé dans Irréversible, où le spectateur subit une torture rallongée à n’en plus finir dans la scène du viol avec Monica Bellucci. Même quand l’histoire d’amour de Marvela avec Marouane est ébruitée, le gang a recours à la ‘tournante’ pour punir la jeune fille. Pour donner un semblant d’épaisseur au chef des Black Bronx, on le voit dans une scène, assis sur un canapé, le regard rivé sur la télévision qui diffuse un documentaire sur les violences et la guerre civile dans la région des Grands Lacs. Une validation d’une thèse xénophobe et naïve qui lie la délinquance des black à leurs origines africaines, comprenez sauvages. Il ne manquait plus qu’une séquence similaire avec pour arrière-plan le massacre des palestiniens à Gaza pour expliquer les violences chez les belgo-marocains. Les réalisateurs osent même une scène sur le toit d’un immeuble où les membres du gang du 10-80 se regroupent. Kassovitch, sort de ces corps immédiatement !
A la conquête d’Hollywood
Tellement prévisible pour le milliard de personnes qui ont vu le clip Beat It de Michael Jackson, le film chute avec une bagarre générale où les deux tourtereaux meurent par une balle assassine. Ouf ! On respire avec le sentiment de troquer le cinéma bienpensant et lourd des frères Dardenne, contre un thriller d’Adil El Arbi et Bilall Fallah fait d’un alliage de plusieurs codes hollywoodiens mal digérés. Le jour de la sortie du film, les adolescents bruxellois se sont rués vers le cinéma pour le regarder, déclenchant au passage quelques échauffourées avec la police. Primé aux festivals de Toronto et Gand, Black, dont la sortie était prévue en France, a d’abord été interdit aux moins de 16 ans, avant d’être déprogrammé totalement des salles. Une promotion gratuite pour ce film dont les réalisateurs Adil El Arbi et Bilall Fallah ont tapé à l’œil du has been Eddie Murphy et du studio Paramount Pictures, pour lequel ils vont réaliser un nouveau volet de la trilogie Flic de Beverly Hills.
Black, de Adil El Arbi, Bilall Fallah. Avec Martha Canga Antonio, Aboubakr Bensaihi, Emmanuel Tahon. Kinepolis Film Distribution, 2015.
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