Grand écran Bollywood et le Maroc : la love story
Pour son 100ème film, le réalisateur indien, Nandamuri Balakrishna, a choisi de poser momentanément ses bagages au Maroc, après avoir fait le tour de l’Europe et de l’Afrique à la recherche de décors parfaits pour ses scènes de guerre. Le biopic, dont le tournage démarrera le 22 avril prochain, racontera les victoires et les défaites de Gauthamiputra Satakarni, le plus célèbre empereur de la dynastie Satavahana, établie dans la région du Deccan entre 271 et 30 av-J.C.
Du sable et des chevaux
Le réalisateur a choisi le Maroc pour ses régions arides plus à même d’exacerber la teneur dramatique des scènes de combat, mais quelque chose nous dit que notre tradition équestre a également joué en faveur de ce choix. En effet, les historiens s’accordent à dire que Gauthamiputra Satakarni a étendu son empire et gagné considérablement en prospérité grâce au sacrifice de deux chevaux. Appelé « Ashwamedha » par la tradition Védique, ce rituel était utilisé par les anciens rois d’Inde pour prouver leur souveraineté impériale et suivait un curieux modus operandi : un cheval accompagné par les guerriers du roi était libéré pendant une période d’un an. Sur le territoire traversé par le cheval, tout rival avait le droit de contester l’autorité du roi en défiant les guerriers qui accompagnent l’animal. Après un an, si aucun ennemi n’a réussi à tuer ou à capturer le cheval, ce dernier était guidé vers la capitale afin qu’il soit sacrifié par le roi, désormais déclaré comme souverain incontesté. Aussi ubuesque puisse-t-il paraître, ce rituel a permis à Gauthamiputra Satakarni de régner sur une bonne partie de la péninsule indienne pendant presque 30 ans, et de récupérer plusieurs territoires perdus par ses prédécesseurs.
D’hommage en hommage
Ce n’est pas la première fois que Bollywood exporte ses lieux de tournage au Maroc. En 2010, Tanger a servi de décor pour l’un des segments d’Agent Vinod, un thriller international réalisé par Sriram Raghavan. Kareena Kapoor, l’une des protagonistes, avait déclaré que ce qu’elle aime au Maroc, c’est les similitudes culturelles que le pays partage avec l’Inde, et l’amour immense que portent les Marocains pour le cinéma bollywoodien. Quand le Festival International du Film de Marrakech a rendu, en 2003, son hommage a Amitabh Bachchan, la frénésie était telle qu’il a fallu engager des gardes du corps 24h/24 pour garantir la sécurité du célèbre Cha3er, pendant que les acteurs français se promenaient dans la ville ocre, tranquillement ignorés. L’hommage rendu au cinéma indien n’aura lieu qu’en 2012 à l’occasion de la 12 édition du FIFM, un geste contre-intuitif dans un pays où beaucoup savent qui étaient les têtes d’affiche dans Kush Kush hota he. D’autres révérences, de moindre ampleur, ont également eu lieu, la toute dernière étant la reprise en darija de la chanson du générique du FAN par Abdelfattah Grini.
De Bollywood à Casablanca et vice versa
Le plus grand succès bollywoodien à l’international demeure incontestablement « Disco Dancer », un des rares films étrangers à avoir cartonné en Union Soviétique avec pas moins de 63 millions d’entrée. Sorti en 1982, il raconte l’histoire d’Anil, un danseur et chanteur de mariage qui, en plus d’être épouvantablement pauvre, est criblé de traumatismes. Un manager le repère, l’appelle « Jimmy » et le charge de gagner une compétition féroce entre disco-danseurs. Le protagoniste finit riche, heureux et amoureux, tout comme dans la majorité des films indiens. C’est cette recette qui explique le succès du genre dans un pays comme le Maroc les fans ont souvent des origines modestes et sont rarement outillés pour gravir les échelons de la hiérarchie sociale, ce qui leur reste c’est le cinéma – l’une des formes d’art les plus compréhensibles – pour vivre, par procuration, des destins magiques.
Pour Karyan Bollywood, son premier long-métrage, Yassine Fennane s’est inspiré de « Disco Dancer » et de la volonté de transcender un quotidien cruel. Le film raconte l’histoire d’un autre Jimmy, un passionné du cinéma indien vivotant avec sa mère dans un bidonville. Amoureux de Mouna, il décide de la conquérir en filmant un remake de « Disco Dancer » avec son iPhone. Sorti en 2015, le film a enregistré plus de 10 000 entrées pendant ses premiers dix jours en salle et a gagné des prix au Maroc et ailleurs. Comme quoi, même quand il est mis en abyme, le cinéma indien attire facilement les foules.
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