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16.05.2025 à 16 H 29 • Mis à jour le 16.05.2025 à 16 H 29 • Temps de lecture : 2 minutes
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Cannes 2025: « Promis le ciel », la grâce des invisibilisés

Dans Promis le ciel, Erige Sehiri filme les oubliées de Tunisie avec justesse et humanité. Un regard rare, pour une dignité retrouvée. Un accueil chaleureux pour un film soutenu par les Ateliers de l'Atlas

Présenté à Un Certain Regard, Promis le ciel, second long-métrage d’Erige Sehiri, ne cherche pas à faire événement. Il préfère creuser doucement ses sillons, dans les interstices de l’exil, de la mémoire et de la dignité. Filmé à hauteur de femmes, porté par des comédiennes lumineuses et un geste de mise en scène à la fois pudique et précis, il rappelle que le cinéma peut parfois guérir ce que la politique abîme.


Au départ, il y a un lieu : Tunis, à la marge. Pas celui des cartes postales, mais celui des matins ordinaires, des petits boulots précaires, des toits-terrasses partagés par nécessité. Et il y a trois femmes ivoiriennes, vivant là, ensemble mais à l’étroit dans des vies que rien n’épargne : Marie, ancienne journaliste devenue pasteure (interprétée avec une rare intériorité par Aïssa Maïga)  Naney, sans papiers, mère séparée de sa fille, bouleversante Déborah Christelle Naney  et Jolie, étudiante, libre et inquiète, jouée par la magnétique Laetitia Ky. Le fragile équilibre de ce foyer féminin vacille lorsqu’elles recueillent Kenza, une fillette rescapée d’un naufrage. Le réel surgit alors avec ses violences, mais aussi ses tendresses inattendues.


Plutôt que de surligner son sujet, la migration subsaharienne, l’hostilité raciale en Tunisie, les lois absurdes du statut des étrangers, la réalisatrice choisit de filmer l’intime. Le soin, la parole, le silence aussi. Le partage d’un repas, les gestes de coiffure, les disputes pudiques. La réalisatrice, déjà remarquée avec Sous les figues, confirme ici une sensibilité rare pour capter les liens qui sauvent, les regards qui parlent plus fort que les dialogues.


La direction d’acteurs est remarquable. Chaque personnage, même secondaire, semble habité de son propre feu. Les corps sont là, pleins, présents, résistants. La caméra les accompagne sans les écraser, jamais voyeuriste, toujours dans une forme de complicité douce. C’est un cinéma du respect, un cinéma de la réhabilitation. Erige Sehiri rend à ces femmes ce que l’Histoire leur refuse encore : leur dignité. Une dignité abîmée, parfois effacée, mais ici filmée avec droiture et lumière.


Visuellement, le film trouve une grâce diffuse, notamment dans la photographie de Frida Marzouk dominée par des bleus, des blancs, une lumière sèche mais enveloppante. Le montage, signé Nadia Ben Rachid, épouse un rythme libre, presque flottant. Certains critiques pointent une narration fragmentée, des pistes lancées puis laissées en suspens. Et c’est vrai : Promis le ciel aurait peut-être gagné à resserrer son dispositif ou à approfondir certaines trajectoires. Mais cette fragilité fait aussi partie du projet : celle d’un monde bancal, qui tangue mais tient, par la seule force du lien humain.


Soutenu par les Ateliers de l’Atlas du Festival de Marrakech, le film témoigne aussi de l’importance cruciale des espaces de production alternatifs qui permettent à ce type de récit ni spectaculaire, ni consensuel d’exister. À l’heure où la question migratoire est réduite à des chiffres et des frayeurs, Promis le ciel oppose l’hospitalité des gestes simples, la parole partagée, la puissance d’un regard qui dit : je te vois.


Ce n’est pas un film-miracle. Ce n’est pas une thèse. C’est un film habité. Un film qui répare, doucement.

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