Débat De Byzance, de la France et du trilinguisme au Maroc
Une discussion byzantine se dit d’un débat oiseux, ne menant nulle part. On dit que si l’empire byzantin théocratique, jadis si puissant, est tombé si facilement sous les coups de boutoirs des Ottomans, c’est, qu’entre-temps, ses éminents théologiens étaient trop occupés à discuter de la nature du sexe des anges (masculin, féminin ou les deux ?) plutôt que de la situation socio-économique catastrophique de la société. D’où déliquescence, décadence, puis disparition pure et simple d’une très vieille civilisation.
La France, qualifiée de cinquième puissance du monde, est-elle un pays en décadence ?
Probablement pas. Mais tous les observateurs extérieurs s’accordent sur le fait que les Français ont le « chic » particulier de s’inventer, régulièrement, des débats sans grande portée, ayant pour principale propriété de diviser profondément la société. Après l’ubuesque question de la déchéance de la nationalité, la dernière en date est la réforme de l’orthographe.
De quoi s’agit-il ? le 4 février dernier, des médias ont annoncé que les manuels scolaires allaient, enfin, appliquer les modifications de simplification de l’orthographe adoptées il y a de cela… vingt-six ans. Et voilà que le France s’enflamme à nouveau !
La réforme concerne 2 400 mots, soit 4 % de la langue française. Y est proposée la suppression du trait d’union des mots composés (weekend, portemonnaie, fourretout, …) et la systématisation de ce même trait d’union pour les nombres (sept-cent-mille-trois-cent-vingt-et-un, par exemple), il y est également question de supprimer l’accent circonflexe sur le « i » et le « u », sauf quand il y a confusion possible (jeune et jeûne). De même que deux ou trois changements du même acabit.
J’avoue très humblement, ne pas être en mesure de juger de la pertinence ou non des choix opérés par des grammairiens — que j’imagine émérites —, dans le cadre de cette réforme que les intéressés s’accordent à juger minime.
Ce que je sais — parce que cela a été prouvé —, c’est que la langue française a l’orthographe la plus difficile de toutes les langues européennes. L’unique façon de la maîtriser à peu près — jamais complètement, par personne — étant une longue pratique de la lecture, à même de doter l’individu d’une mémoire visuelle, pour ne pas dire photographique.
Et toutes les dictées du monde n’y feront rien. Tout bêtement parce qu’au fil du temps nécessaire à la fixation de ladite orthographe — la fin du XVIIIe siècle seulement —, se sont accumulés un trop grand nombre d’irrégularités, d'exceptions, d’invariables et autres incohérents doublements de consonnes, pour permettre l’établissement d’une méthode d’apprentissage basée sur une pure logique.
Autre fait établi : 19 % des élèves français sont déclarés « peu performants à l’écrit » contre une moyenne de 18 %... des pays de l’OCDE.
Moralité ? Encore une fois, je ne sais pas si cette réforme-ci est bonne ou mauvaise. Seulement, je sais que la France est un pays où aucune réforme d’aucune sorte — aussi bénigne et/ou technique soit-elle — ne peut passer sans qu’elle n’ait fait l’objet d’une discussion aussi violente qu’interminable.
Je ne sais pas si la France est un pays en décadence ou pas, mais je sais que les Français sont des théologiens byzantins en puissance.
J’entends d’ici, les uns et les les autres ricaner. À raison. Oui, nous autres Marocains n’avons aucune leçon d’ordre linguistique à donner aux Français.
Entre L’arabisation forcée et forcenée, imposée, dans les années quatre-vingt, au petit peuple — par ceux-là même dont les enfants n’ont cessé de grossir les rangs de la Mission — et le trilinguisme (arabe, français, anglais) dont on promet de doter nos chères petites têtes brunes dans … 15 ans, hrir’tna hrira !
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.