Metioua, une petite commune rurale à 70 km au sud d’Al Hoceima. Profitant du marché hebdomadaire, les différents partis s’y sont déplacés pour chercher de la visibilité et convaincre la population de voter en leur faveur. Ici, la campagne électorale est très tendue.
La route qui traverse cette bourgade est tapissée de tracts qui se sont mélangés avec les restes des fruits et légumes jetés sur la route. C’est la fin du marché et les cortèges de sympathisants concurrents vont quitter les lieux pour faire campagne dans d’autres villages. On y trouve ceux du PAM, de l’Istiqlal et du PPS.
Chaque groupe de sympathisants se déplace en convoi composé de plusieurs voitures. Et c’est la gendarmerie royale qui s’occupe de l’organisation de la circulation.
Pour éviter les frictions entre les différents sympathisants, les gendarmes laissent s’écouler un laps de temps entre les départs de chaque groupe.
Tous les mêmes ...
Les sympathisants et candidats du PAM ouvrent le bal. Méfiant et à la limite de la paranoïa quant à la présence des médias, l’un des candidats, troisième de liste, a même décliné d’une façon sèche nos questions à propos du déroulement de la campagne. Quelques minutes après le passage du cortège du PAM, qui a opté pour Taoufik Mimouni comme tête de liste, c’est au tour des sympathisants du PPS d’essayer d’obtenir la sympathie des habitants.
« Le PAM utilise l’argent pour acheter les voix des gens. Nous, on soutient un vrai homme de principe qui défend les intérêts de la région et des citoyens » nous annonce fièrement un responsable local du PPS, pendant que ses compagnons scandent des slogans contre l’utilisation de l’argent. « Quelle honte, la corruption a gâché les élections » répètent-ils à l’unisson.
Enfin, c’est au tour du convoi des Istiqlaliens, soutenu par Mohamed Saoud, membre du comité exécutif du parti, de quitter les lieux. Alors que le marché de Metioua reprend progressivement son calme, la population semble soulagée de la fin du chaos généré par la campagne. « C’est comme ça à l’occasion de chaque élection. Ici, les gens ne votent plus comme avant. Pour nous, c’est tous les mêmes, une fois au parlement, les députes ne daignent plus venir ici pour connaître nos besoins » commente, dépité, un commerçant en rangeant ses légumes dans des cagettes.
Le business d’abord
Plus on avance vers Ketama et plus les signes de la compagne s’estompent, à l’exception de quelques tracts collés au milieu de nulle part, tandis que les dealers continuent à courser les voitures pour proposer du haschich. Parmi eux, Hassan, 28 ans et déjà un casier judiciaire. « Je me suis fait serrer avec un kilogramme de haschich à la gare routière de Fès, que je devais ramener à un client à Rabat. J’ai tiré un an de prison. Depuis je ne quitte plus Ketama » se souvient-il.
Des tracts sont collés sur sa voiture, une vieille Renault 25 non immatriculée. « Les candidats nous payent 200 dirhams pour payer l’essence. La majorité des voitures des dealers ne sont pas en règle. Mais en période électorale, nous bénéficions d’un état de grâce » nous explique, amusé, Hassan. Quand nous évoquons avec lui les différents programmes des partis pour réguler la culture du kif, il en rigole, avant de nous inviter à siroter un thé au café principal de Tlate Ketama.
Sur le chemin, on peut apercevoir sur le flanc des montagnes, les derniers champs de cannabis qui attendent d’être moissonnés. En ce moment de la journée, le café est bondé de clients qui suivent, les regards vides, un documentaire animalier. Inutile de rappeler qu’ici les pétards circulent rapidement et oser sortir une camera relève du crime de lèse-majesté.
Nous apprenons que Hakim Benchamach, président de la Chambre des conseillers, est passé dimanche par ici pour promouvoir les candidats du PAM. Nous engageons la discussion avec quelques amis de Hassan à propos de la régulation du kif. « Pour protéger notre business, nous avons demandé aux candidats de limiter la culture du kif qui s’étend rapidement à plusieurs régions. La qualité en a pris un coup. Là-bas, ils cultivent la khardala, la Pakistanaise, la Krikita et une espèce nommée l’avocat en raison de sa belle odeur. C’est un haschich de très mauvaise qualité et il coûte moins cher. Nous sommes victimes d’un dumping » avance un ami de Hassan. Quant au parti qui a ses chances de gagner ici, tout le monde est unanime : le PAM. En clair, à Ketama, peu importe la couleur politique du moment que le business de la drogue perdure...
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