De nos envoyés spéciaux à Rabat
C’est une marche dense, avec des mots d’ordre unifiés qui s’est emparée du centre-ville de la capitale ce dimanche 11 juin. La solidarité avec le Hirak rifain, la condamnation de l’approche sécuritaire et la libération des prisonniers étaient les principaux messages de cette marche. Cette manifestation certes diversifiée et populaire, confirme une nouvelle fois la force du mouvement islamiste Al Adl Wa Ihssane (Justice et bienfaisance), non autorisé mais toléré par les autorités.

Les islamistes étaient largement majoritaires dans le cortège - les hommes d'un côté, les femmes de l'autre -, qui est passé devant le Parlement protégé par un simple cordon de policiers. Les forces de l'ordre étaient très peu visibles, et la manifestation, débutée vers midi, s'est achevée plus de deux heures plus tard sans le moindre incident.

Divergences sur le nombre participants
Comme à l’accoutumée dans ce genre d’exercice, le nombre de participants est un point de divergences entre les organisateurs et les forces de l’ordre. Certains ont avancé le chiffre de « 1 million de participants », à l’instar de Hassan Benajah, porte-parole d’Al Adl Wal Ihssane et membre du comité d’organisation. Plus raisonnable, un autre membre du comité préfère parler de « centaines de milliers ». Pour leur part, les autorités évoquent une estimation entre « 10 000 à 15 000 participants », selon une source officielle citée par Telquel.ma.

Sur place et selon plusieurs estimations indépendantes, le chiffre de 50 000 participants paraît être plus conforme à la réalité. À titre d’illustration, à 13h20, la marche s’étendait de la gare de Rabat-Ville jusqu’aux abords du boulevard Hassan II, distant de plusieurs centaines de mètres. Cette foule compacte a exprimé son soutien et solidarité avec les revendications des habitants du Rif.

Sur un air du 20 février
Un air des manifestations du Mouvement 20 février a soufflé sur les rues de Rabat. Les célèbres slogans de 2011 ont été entonnés une nouvelle fois par des citoyens venus dès 11h du matin dans le centre de la capitale.

« Vive le peuple », « Non à la corruption », « Non à l’absolutisme », « Liberté, dignité et justice sociale », « Libérez les prisonniers » sont parmi ceux scandés par les manifestants qui pour la plupart marchaient en rang, disciplinés et reprenant les mots d'ordre crachés dans les micros des sonos durant tout le temps qu’a duré la démonstration. Le soutien aux habitants du Rif a été le mot d’ordre. « Tous Al Hoceima » et « Tous Zafzafi » ont exprimé un fort élan de solidarité avec le mouvement.

De nombreux drapeaux berbères et quelques oriflammes marocains flottaient au vent. Beaucoup de marcheurs brandissaient à bout de bras le portrait de Nasser Zefzafi, leader emprisonné du Hirak, le mouvement de contestation populaire qui agite depuis sept mois la région du Rif.

Côté organisation, les militants de la gauche radicale et d’Al Adl Wa Ihssane ont constitué plusieurs comités pour veiller au bon déroulement de l’événement et éviter tout accrochage avec une dizaine de membres du groupuscule Chabab al-Malaki (Jeunesse royaliste), venus eux aussi entonner en minorité quelques chants à la gloire du roi.

Familles et politiques en rang séparés
Les familles des détenus du Hirak ont été accueillies à bras ouverts par les manifestants. Elles ont dirigé le cortège de départ. Plus loin derrière, les leaders politiques de la gauche radicale et d’Adl Wa Al Ihssane se tenaient à distance. Pour tous cependant, il s'agissait d'une marche « nationale » de « solidarité » avec le Rif et « contre la hogra » (l'injustice).

Les dirigeants de la Voie démocratique (Brahma, Harrif, Amine), du Parti de l’avant-garde démocratique et socialiste (Boutouala) et d’Adl Wa Al Ihassane (Arsalane et Moutawakil) étaient présents en force. Les principaux dirigeants de ces formations d’opposition ont battu le pavé en rang serrés aux côtés des activistes et supporters du Hirak.

Pour sa part, la Fédération de gauche démocratique (FGD) s’est insurgée contre « le manque de coordination des organisateurs », le Parti socialiste unifiée (PSU) et le Congrès national Ittihadi (CNI) se sont d’ailleurs retirés d’une réunion préparatoire de la marche, tenue la veille. Malgré ces divergences, la FGD a été représentée par ses deux parlementaires Omar Balafrej et Mustapha Chenaoui.

Un été chaud en perspective ?
Au terme de la marche, les organisateurs ont annoncé le « succès de cette manifestation », tout en rappelant les exigences « de libération des prisonniers politiques et en priorité ceux du Hirak ». ils annoncent que « cette marche n’est le début d’un front pour la défense de la liberté, de la dignité et de la justice sociale ». Une manifestation qui renseigne sur la gronde qui perdure. Ce 11 juin 2017, l’indignation était forte au coeur de la capitale du royaume. Un prélude à un été chaud dans le Rif et au-delà ?
Retrouvez l'intégralité de notre LIVE : Rabat : La « Marche de la dignité » en solidarité avec le Hirak
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