En réponse aux médias algériens qui tentent d’étouffer l’affaire Sellal
Le Desk en partenariat avec le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et le journal allemand Süddeutsche Zeitung a révélé dans le cadre de l’enquête mondiale sur les Panama Papers que Rym Sellal, fille du premier ministre algérien apparaît de 2005 à 2010 comme bénéficiaire d’une société offshore domiciliée aux îles Vierges britanniques, dans un montage identique à celui du scandale de corruption de la compagnie pétrolière nationale Sonatrach.
L’enquête réalisée à partir d’Alger par le journaliste Lyas Hallas a suscité de nombreuses réactions dans la presse algérienne, tant elle soulève de nouvelles interrogations sur l’ampleur du scandale Sonatrach, une des plus vastes affaires de corruption dévoilées ces dernières années dans ce pays voisin.
Diverse et plurielle, une large partie de la presse algérienne s’est faite l’écho de ces révélations, en relayant les faits dans une logique évidente d’exigence de la vérité et de reddition des comptes. Un rôle qu’il faut ici saluer, d’autant que Lyas Hallas, seul journaliste algérien à enquêter sur les Panama Papers dans son pays, a d’abord fait face à la loi du silence.
Je connais Lyas depuis janvier 2014, date de notre première rencontre lors d’un cycle de formation aux techniques d’investigation à Tunis organisé par CFI et Mediapart. Rigoureux et professionnel, ce journaliste expérimenté, avait dans ce cadre publié dans Maghreb Emergent puis Le Club Mediapart une enquête majeure sur un autre scandale d’Etat en Algérie, celui de l’autoroute Est-Ouest. Il est donc naturel qu’il soit aujourd’hui parmi les journalistes indépendants associés à l’ICIJ pour les Panama papers, comme il l’a été auparavant pour les Swiss Leaks.
Le Desk, pour sa part, est en ligne depuis quelques mois à peine. Il a cependant déjà à son actif de nombreuses enquêtes au cœur des pouvoirs politiques et économiques au Maroc. Nous y tentons, jour après jour, de réveiller les consciences sur des sujets d’intérêt public, trop souvent abandonnés par les médias conventionnels de notre pays.
L’affaire des Panama Papers l’a fait davantage connaître hors des frontières, ayant dès ses premières révélations, été en pointe sur son volet marocain. A cette date, Le Desk n’était pas encore partenaire de l’ICIJ, les médias associés de ce projet ont été triés sur le volet bien avant sa naissance. Toutefois, les enquêtes fouillées du Desk lui ont permis, à partir du 16 mai, d’être accueilli comme nouveau partenaire du consortium.
En parallèle, Le Desk devenait aussi le partenaire de Mediapart au Maroc. Soutenu par le programme international Ebticar-Media regroupant les médias numériques les plus innovants de la région, Le Desk a donc aussi naturellement tissé des liens avec ses confrères du Maghreb et du monde arabe faisant partie de ce nouveau réseau, comme Inkyfada en Tunisie ou Arij en Jordanie. Deux représentants de la nouvelle presse associés dès le départ avec l’ICIJ à l’enquête sur les Panama Papers.
Une telle conjonction de planètes est sans précédent pour nous, médias du sud. Jamais de telles opportunités de travailler ensemble sur des sujets d’intérêts communs ne nous avaient été offertes auparavant. Il est à ce titre désolant de lire dans la presse de nos pays qu’un journaliste algérien ne devrait pas collaborer avec un média marocain au nom des conflits politiques sans fin que se livrent nos gouvernants respectifs.
Le cas de l’affaire Sellal, troisième volet (après les cas Bouchouareb - qui a inauguré notre partenariat avec Mediapart-, et Khelil) des enquêtes menées sur les dossiers Panama papers en Algérie par Lyas Hallas, est le fruit de ce qui n’était qu’un vœu pieux. Au lieu de saluer cette initiative, de l’encourager, de la conforter, certains médias à Alger y ont vu un complot contre le pouvoir en place.
Quels sont leurs arguments ?
Pour décrédibiliser notre enquête, Ennahar online, journal réputé proche des cercles de pouvoirs, n’a pas trouvé mieux que de faire témoigner une source imaginaire au sein de l’ICIJ, prétendant que le nom de Rym Sellal ne figurait pas sur les Panama papers. Une tentative d’enfumage grotesque vite démentie sur Twitter par le journaliste Will Fitzgibbon, en charge du projet ICIJ pour l’Afrique. Mieux, ce journal avance que les documents en question sont des faux. Ils proviennent pourtant du fichier source du cabinet Monsack Fonseca et ont été dument vérifiés avant d’être mis en ligne. De plus, les deux documents significatifs rendus publics par Le Desk ne sont pas les seuls, ils font partie d’un lot de 26 documents et emails comportant le nom de Rym Sellal établis sur une période de cinq ans, de 2005 à 2010. Matériau qui nous a permis de reconstituer avec minutie la trame de l’affaire. Nous attendons donc avec sérénité que la « source officielle » anonyme d’Ennahar online aille « jusqu’au bout pour prouver que ces documents sont des faux », comme elle l’a suggéré.
Vieille rengaine de la théorie du complot, la concomitance avec la polémique qui agite le landernau médiatique algérien autour du sort des télévisions privées offshores est dégainée par Ennahar Online pour crier à la tentative de déstabilisation, sans parler du silence forcément suspect de la presse internationale (démenti depuis), et des arguments fallacieux avancés sur la proximité supposée de Lyas Hallas avec l’homme d’affaires Issad Rebrab, lui aussi cité dans les Panama papers. Ce dernier ne fait pas pour nous exception, bien évidemment.
Le site Algérie1 creuse le même sillon sous une plume anonyme, affirmant lui aussi, entre autres élucubrations, que les documents impliquant Rym Sellal n’existent nulle part sur la base de données, expliquant même avoir mené « des investigations » dans ce sens. On se demande bien lesquelles ? Fait cocasse, un des documents qui a déclenché la panique chez Mossack Fonseca sur les liens entre Teampart Capital Holdings Limited et le scandale Sonatrach est accompagné d'une revue de presse où Algérie1 est cité.
Bref, autant de pare feux qui visent manifestement un seul et unique objectif : protéger Sellal père dans un contexte politique pour le moins tendu en Algérie.
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