Le député français Jean Glavany fait part de ses regrets au roi du Maroc
C’est une discrète démarche menée par l’avocat du Palais, Me Hicham Naciri et par Chakib Benmoussa, l’ambassadeur du Maroc à Paris qui a poussé, avant-hier 25 janvier, le député PS des Hautes-Pyrénées, Jean Glavany, a faire amende honorable des propos qu’il a tenus à l’endroit du roi Mohammed VI.
Venu le 18 janvier présenter un rapport de mission diplomatique parlementaire à l’Assemblée nationale française sur « les atouts et fragilités » du Maghreb co-signé avec Guy Tessier (LR), le député Glavany était sorti de sa réserve pour souligner avait-il dit « l’instabilité politique de ces pays dirigés par des hommes à la santé fragile », considérant, à l’instar des présidents Bouteflika d’Algérie et Caïd Essebsi de Tunisie, tous deux très âgés, que Mohammed VI, 53 ans, était « un roi malade atteint d’une maladie à évolution lente soignée à coup de cortisone ».
Au cours de l’audition, la présidente de la commission des affaires étrangères Elisabeth Guigou, native de Marrakech et très engagée dans les cercles d’amitiés franco-marocains, avait rappelé que la réunion était ouverte à la presse, signifiant ainsi sa désapprobation des propos peu diplomatiques exprimés par Jean Glavany. Propos qui ont fait réagir Rabat via les canaux diplomatiques comme le confirme au Desk, Jean Glavany.
« Je vous confirme que les propos oraux que j’ai tenus sont un commentaire qui ne figure en rien dans mon rapport écrit et qui m’engage », a affirmé le député dans sa réponse au Desk, précisant que « ce commentaire n’était en rien une information médicale avérée mais une simple inquiétude de ma part ».
Jean Glavany a par ailleurs fait état d’ « une mise au point à la Commission des Affaires Etrangères. Enfin, par l’intermédiaire de son avocat, j’ai transmis cette mise au point et un mot de regrets au roi du Maroc », a-t-il précisé au Desk en joignant à sa réponse une copie de son allocution que nous reproduisons ci-après :
« Madame la Présidente,
Merci de me donner la parole pour me donner l’occasion de faire une mise au point pour moi urgente et indispensable.
La semaine dernière, en présentant le rapport sur le Maghreb de la mission présidée par Guy Tessier et dont j’étais le rapporteur, j’ai commis une première faute, ce fut celle de ne pas me tenir au propos que j’avais préparé avec Tiphaine Cosnier et de me croire capable de me livrer devant vous à un commentaire oral un peu libre comme j’aime le faire.
Or, ce jour-là, je n’en étais pas capable.
Et j’ai commis une deuxième faute, celle de ne pas intégrer que la presse était présente.
A un moment j’ai évoqué la fragilité des gouvernances des trois pays centraux du Maghreb dont les chefs d’états sont vieux et/ou malades.
Les propos que j’ai tenus et que je dois assumer par honnêteté ont fait l’objet d’un article de presse selon lequel je faisais des révélations sur l’état de santé du Roi du Maroc.
Cela a provoqué une grande émotion dans ce pays et en particulier au Palais. Le roi m’a fait appeler par son avocat, sans aucune agressivité puisque le roi sait les propos élogieux que j’ai écrits à son sujet dans notre rapport et dont les écrits feront foi.
Mais il m’a fait part à juste titre de son émotion et de la déstabilisation que cela lui imposait.
J’ai fait dire au roi par l’ambassadeur du Maroc à Paris et par son avocat à quel point j’étais navré et désolé de cette situation et combien je m’en excusais.
Aujourd’hui, je veux démentir, non pas mes propos puisque je les ai tenus, mais l’interprétation qui en est faite : je démens avoir fait quelque révélation que ce soit sur l’état de santé du roi du Maroc car je démens formellement détenir quelque information confidentielle que ce soit sur ce sujet. Je ne suis pas médecin et je n’ai consulté aucun médecin sur cette question.
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de préciser ce démenti ».
La santé du roi, obsession des services étrangers
Depuis quelques années, la santé du monarque présentée comme un « ultime tabou » est un sujet récurrent dans certains médias étrangers qui citent des informations puisées auprès de sources anonymes parfois proches de services de renseignement européens.
En 2008, le journaliste espagnol Pedro Canales, tout en reconnaissant avoir des sources auprès des services de renseignement espagnols, ouvrait le bal des supputations en affirmant dans les colonnes d’El Imparcial que Mohammed VI avait subi « une opération chirurgicale en France ». Une allégation jamais confirmée et vivement démentie par la presse officielle marocaine qui y voyait « une tentative de destabilisation orchestrée de l’étranger ».
« Quelques médias français m’ont informé que Mohammed VI souffre d’une insuffisance rénale ou une maladie de foie qui l’oblige à se déplacer régulièrement en France » affirmait de nouveau le journaliste d’El Imparcial, - un temps en poste à Rabat- , évoquant même « une maladie incurable ». Mais là encore, il était bien seul à affirmer de telles assertions.
Pedro Canales réagissait à un communiqué de la Maison royale qui annonçait fin août 2009 que le roi, 46 ans à l’époque, avait été placé en convalescence de cinq jours pour une « infection » qui ne présente « aucune inquiétude sur sa santé ». « Sa Majesté le roi Mohammed VI [...] présente une infection à rotavirus avec signes digestifs et déshydratation aiguë nécessitant une convalescence de cinq jours », avait indiqué le communiqué signé par le Pr. Abdelaziz Maaouni, médecin personnel du roi et directeur de la clinique du Palais royal.
« La maladie annoncée dans la déclaration est simplement le résultat d’une maladie chronique » renchérissait El Imparcial qui dans un article alarmant faisant état « d’une vive inquiétude des milieux diplomatiques » et pronostiquait même « une régence imminente ». L’article, comme celui de 2008 avait provoqué une levée de boucliers contre son auteur.
« Au Maroc, on ne communique pas sur l’état de santé du roi Mohammed VI. Ses visites répétées en France dont beaucoup soufflaient le but chirurgical ? De simples « vacances » avaient rectifié les autorités marocaines. Le souverain souffrirait de problèmes pulmonaires », écrivait pour sa part L’Express en 2010 dans un diaporama consacré à « ces dirigeants rongés par la maladie ».
Le bulletin de santé du roi annonçant son « infection à rotavirus », une première au Maroc, avait donné lieu à des commentaires de la presse marocaine qui, profitant de cette transparence inédite, avait tricoté sur l’information, s’exposant ainsi à des sanctions judiciaires.
Le lendemain de la diffusion du communiqué de la Maison royale, le quotidien casablancais Al Jarida Al Oula, aujourd’hui disparu, citant une source « médicale anonyme », proposait une version sensiblement différente et affirmait que « l’origine du rotavirus contracté par le roi serait dû à l’utilisation de corticoïdes contre l’asthme et qui sont responsables du gonflement du corps et de la diminution de l’immunité ». La presse marocaine, dans son ensemble avait largement commenté ce qui allait devenir « l’affaire rotavirus ».
En une semaine, dix journalistes de trois publications ont été entendus par la police, tous accusés de « publication malintentionnée d’une fausse information » et « allégations et faits non véridiques ». Cinq d’entre eux seront inculpés dont trois seront condamnés à une peine privative de liberté.
En novembre 2014, le Palais faisait état d’un « syndrome grippal aigu avec fièvre à 39,5 degrés compliqué d’une bronchite », expliquant ce faisant l’annulation d’un voyage officiel du souverain en Chine. Un an plus tard, un nouveau communiqué signalait de nouveau un même syndrome grippal obligeant Mohammed VI à quelques jours de repos, selon son médecin. Le roi était apparu éprouvé lors de son discours annuel à l’occasion de la Marche Verte. Des communications somme toute normales et loin des thèses alarmistes avancées par ailleurs et reprises par le député français.
Si aujourd’hui Jean Glavany insiste pour dire que son commentaire n’exprimait qu’une « inquiétude personnelle », la précision de ses propos suscite de sérieuses interrogations sur son affirmation dans laquelle il « dément formellement détenir des informations médicales sur l’état de santé du roi du Maroc ». « Le député français Jean Glavany a dit tout haut ce que nombre de diplomates et responsables des services secrets de l’Europe du Sud pensent tout bas et qui les inquiète », commente le journaliste espagnol Ignacio Cembrero, évoquant lui aussi des sources sécuritaires.
Un état de fait qui pousse Rabat à s'interroger sur le rôle de certains services européens dans la dissémination de ces rumeurs, le CNI espagnol et la DGSE française, dirigée par Bernard Bajolet « réputé pour sa proximité avec Alger », rappelle-t-on avec suspicion dans les cercles de pouvoir...
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