Maroc-UE : l’Espagne suit à la lettre l’arrêt rendu par la Cour de justice européenne

Dans une réponse écrite à un député datée du 14 mars 2017, le gouvernement espagnol a explicitement déclaré que les produits du Sahara occidental ne sont pas couverts par les accords commerciaux Maroc-UE.
La question sur la position du gouvernement espagnol sur les importations de produits halieutiques avait été soumise le 18 janvier par Jorge Luis Bail, membre espagnol du Congrès de la formation Unidos Podemos – Equo, faisant référence à l’affaire du Key Bay.
L'Espagne estime « qu'il appartient à la France de s'assurer que le commerce controversé de l'huile de poisson du navire Key Bay a été correctement tarifé ».
Les conséquences de cette situation sont que des cargaisons, telles que l'huile de poisson qui se trouvait à bord de ce navire ayant transité par les îles Canaries en janvier 2017, ne peut ainsi bénéficier d'une réduction tarifaire.
Madrid rejette la question à la France
Selon la position espagnole, « les Accords Maroc-UE prévoient la réduction ou l'exonération des droits de douane. Leur mise en œuvre relève de la compétence des autorités douanières de l'État membre qui reçoit la demande d'importation des marchandises ».
En clair, « il n'y a donc pas de limite personnalisée à la libre circulation de ces produits sur le territoire de l'UE. Il est donc impossible d'adopter des mesures préventives ou définitives concernant le navire ou sa cargaison », ajoute le gouvernement espagnol.
Après le ravitaillement à Las Palmas, le tanker Key Bay avait navigué en France, où il a déchargé la marchandise, destinée à l'importateur Olvea.
Lorsque le navire a mouillé à Las Palmas, le gouvernement espagnol révèle qu’il a été contrôlé par la police et les autorités portuaires locales. Madrid a officiellement confirmé dans sa réponse écrite datée 16 mars 2017 que les informations recueillies ont été communiquées aux douanes françaises afin de préciser « certaines informations concernant la validité des documents d'exportation », rapporte une source proche du dossier au Desk et qu'il incombe désormais à la France « de prendre ses responsabilités ».
C’est assurément la première déclaration publique de Madrid sur « la non-applicabilité des accords commerciaux Maroc-UE aux produits émanant du territoire du Sahara Occidental ». En l'absence d'une discussion au Conseil européen et des instructions de la Commission européenne sur la mise en œuvre de la décision de la CJUE, les Etats membres de l'UE semblent divisés sur la manière de traiter la question.
La transaction via le Key Bay a été la première connue du public concernant des produits liés à l’exploitation de la pêche dans les eaux du Sahara en liaison avec l’Union européenne après l'arrêt rendu le 21 décembre 2016 par la Cour de justice européenne (CJUE) qui a statué sur la distinction territoriale entre le Maroc et le Sahara occidental. C’est aussi la dernière selon les affirmations des officiels madrilènes.
La position de Madrid suit celle des États d'Europe du Nord, mais aussi l’avis de Miguel Arias Cañete. En réponse à des députés Verts, le Commissaire européen chargé de l’action pour le climat et de l’énergie avait indiqué début février que la déclaration conjointe relative à une coopération future dans le domaine de l'énergie renouvelable entre le Maroc et l’UE tiendra compte de l’arrêt de la Cour de justice du 21 décembre 2016.

Cependant, l'UE, sur l’avis notamment de la France, a jusqu'ici traité toutes les marchandises produites au Sahara comme étant marocaines. La France, aux côtés de l'Espagne, est un des principaux pays importateurs de produits de la pêche et de l'agriculture originaires du territoire contesté.
« Néanmoins, afin de garantir que l'accord a été correctement mis en œuvre et compte tenu de l'arrêt CJUE, nous avons informé les autorités douanières en France et au Danemark, pays de destination de l'envoi, des faits avérés, dans le cadre de l'assistance mutuelle en Coutumes des États membres de l'UE (…) En outre, dans le cas où le navire ou sa cargaison étaient affectés par d'autres limitations non usuelles, le tribunal correspondant a été également informé des faits », écrit le gouvernement dans sa réponse écrite au député.
Mutisme à Rabat, des experts avancent des "technicalités"
Rabat n’a pour sa part pas souhaité faire de commentaire sur le sujet. Une source autorisée du ministère des Affaires étrangères a déclaré au Desk « qu’il n’y a pas de communiqué officiel à faire suivre sur cette question ».
Ceci-dit, d’autres sources proches du dossier estiment qu’il faut impérativement « faire le distinguo entre d’une part l’Accord agricole sur lequel la CJUE a statué et celui relatif à la pêche qui est toujours en phase de renégociation ».
De plus, se fondant sur la déclaration faite par Antonio Dastis lors de sa visite à Rabat le 13 février, il y a « des nuances techniques décisives à prendre en compte, notamment sur ce que couvre effectivement l’Accord de pêche ». Aussi, la partie marocaine aborde dans les détails sa manière d’appréhender le sujet.
Selon des sources diplomatiques consultées par Le Desk début mars, un des arguments discutés lors de la rencontre exploratoire entre les deux parties organisée ce mercredi 1er mars au siège du ministère des Affaires étrangères à Rabat, s’était focalisé sur « le caractère mouvant du stock de poissons sur une portion très étendue de la façade africaine, du Sénégal jusqu’à la pointe nord du Maroc ».
Deuxième argument opposé par les négociateurs marocains : l’Accord de pêche parle dans ce cas de poissons dits du stock « C », soit le quota annuel de 80 000 tonnes de sardines et maquereaux réservé aux navires européens de la pêche industrielle dans une zone située spécifiquement au large du Sahara, tel que prévu par le protocole entré en vigueur en 2014, et non de « produits issus de la pêche » transformés par l’industrie à terre dont les intrants sont divers.
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