Le CNDH entrouvre le très délicat dossier des libertés religieuses et sexuelles

Le Conseil national des droits de l’Homme tient sa promesse pourtant difficile : il s’attaque au très sensible dossier des libertés religieuses et sexuelles dans un pays majoritairement conservateur et très rétif aux droits des minorités.
Une reconnaissance du débat en public
Mohamed Sebbar, secrétaire général du Conseil a reçu récemment « pour une réunion de consultation » des membres de la Coordination nationale des chrétiens marocains (CNCM), une instance non reconnue par l’Etat. « La discussion n’est pas allé totalement dans le fond du sujet, mais un cahier revendicatif faisant état des multiples restrictions imposées à l’exercice du culte a été remis à l’instance », explique-t-on auprès du CNDH. Parmi les points listés : le droit à la conversion pour les disciples nés musulmans sans être poursuivis pour apostasie, le droit d’accéder sans contrainte aux églises, celui de se marier et d’être inhumé selon les préceptes de du christianisme et enfin de pouvoir se choisir des prénoms chrétiens.

La brèche qui a permis cette rencontre tient de l’interprétation de la Constitution de 2011 qui reconnaît le libre exercice des cultes pour les « religions du Livre », comprenez, à part l’Islam, religion d’Etat, le judaïsme et le christianisme. Par ailleurs, les Marocains chrétiens reconnaissent la Commanderie des croyants, telle qu’inscrite dans la loi fondamentale.
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Un mémorandum à l'adresse du gouvernement
Invité le 4 avril à Salé par la Fondation Fakih Tétouani, Sebbar qui défend « le droit à la conviction religieuse de tout un chacun » a indiqué que le CNDH compte remettre au gouvernement une fois formé, un mémorandum reprenant les doléances des minorités religieuses mais aussi sexuelles (LGBT) défendues depuis des années par des groupes comme le Mouvement alternatif des libertés individuelles (MALI) . « Le premier palier à atteindre étant le droit à la libre expression. Viendra ensuite le tour d’un débat sur les contours possibles de la légalisation », espère-t-on en tout cas auprès du CNDH.
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Autant dire un véritable chemin de croix en perspective aussi bien pour les militants (dont le nombre est méconnu) que pour l'instance des droits de l'Homme alors que le prochain Exécutif est mené pour cinq ans par les islamistes du PJD. Les structures judiciaires et sécuritaires de l'Etat ne se montrent pas non plus favorables à l'ouverture d'un tel débat mené exclusivement par le monde associatif. Fin 2016, les autorités avaient refusé d’autoriser un groupe défendant les droits des homosexuels et lesbiennes à se constituer légalement en association. Autre contrainte évoquée, celle de la jurisprudence : le Maroc compte d’autres micro-communautés : chiites, baha’is, sans compter ceux qui se déclarent ouvertement athées.
La stratégie est d’abord d’ouvrir le débat sur la liberté de conscience, les libertés individuelles comme le droit à l’orientation sexuelle, explique le CNDH, mais de grands défis devront être surmontés dans une société encore corsetée sur ces questions qui touchent la religion, l’individu, la famille, le socle social de la majorité et toutes leurs interactions avec l’espace public et le champ politique et institutionnel.
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