Le Pedovex, interdit dans son pays d’origine, en vente au Maroc

La gestion gouvernementale du secteur de la santé au Maroc et particulièrement celui des médicaments inquiète les professionnels et le grand public pour autant de sujets que Le Desk a décrits dans son enquête en série, notamment sur ses incapacités constatées à offrir une veille sanitaire adéquate.
Dernier scandale que nous révélons, celui du Pedovex, un antiagrégant plaquettaire, fabriqué par le laboratoire Zenith Pharma, sous licence du génériqueur saoudien Tabuk Pharmaceutical Mfg. Co.

Ce médicament sous forme de comprimés dont le nom commercial saoudien Pedovex correspond à sa dénomination commune internationale (DCI), le Clopidogrel, est indiqué chez les patients adultes souffrant d’un récent infarctus du myocarde, d’un accident vasculaire cérébral ischémique ou d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs établie. Il est prescrit aussi aux patients adultes souffrant d’un syndrome coronaire aigu, ceux traités médicalement et éligibles à un traitement thrombolytique ou souffrant de fibrillation auriculaire.
Le clopidogrel est commercialisé en tant que spécialité princeps par le laboratoire Sanofi en Europe, et par le laboratoire Bristol-Myers-Squibb en Amérique, notamment aux Etats-Unis.
Cependant, son générique saoudien, le Pedovex, a été retiré du marché le 29 décembre 2017 par décision de la Saudi Food and Drug Authority (SFDA), l’autorité sanitaire du royaume saoudien, dont Le Desk a obtenu copie. La raison ? Celui-ci ne satisfait pas aux critères de bio-équivalence au principe actif de référence. En clair, les essais protocolisés réalisés sur le générique fabriqué par Tabuk ont conclu à son inefficience, voire à sa dangerosité.
La décision a été immédiatement rendue publique sur le site internet de la SFDA. Conséquence, l’autorité sanitaire tunisienne lui a emboité le pas le 26 février 2018, en procédant à la suspension de son autorisation de mise sur le marché (AMM) et en ordonnant le retrait de tous les lots en circulation. Idem pour les Emirats arabes unis...

Pourtant, au Maroc, le laboratoire Zenith Pharma - dirigé par l'influent politique Hamid Ouahbi - qui le fabrique dans son unité d’Inezgane près d’Agadir sur la base de la recette de Tabuk, continue de le commercialiser, la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP), dirigée par le très controversé Dr. Omar Bouazza, étant à ce jour aux abonnés absents, soit trois mois après le couperet saoudien. Peut-on imaginer que ni le fabricant sous licence, ni l'autorité de contrôle étatique n'aient été alertés de la décision ?
Toujours est-il que le Pedovex est indiqué comme disponible en deux boites (de 10 et de 30 comprimés pelliculés) sur le site Medicament.ma.

Pour nous assurer de sa disponibilité en pharmacie, le site spécialisé précisant que « certains médicaments peuvent figurer sur la base Medicament.ma et ne pas être disponibles sur le marché marocain », dans plusieurs situations, dont « une décision d’arrêt du produit par le laboratoire qui nous n’a pas été communiquée », nous nous sommes procurés une boite de 30 comprimés dans une pharmacie de la région de Casablanca ce 29 mars, dont nous reproduisons la facture d’achat.

Le cas du Pedovex renvoie irrémédiablement à la problématique des fameuses AMM à l'importation et de la désorganisation inquiétante du dispositif national de sécurité sanitaire. Cœur du système de santé, la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) et son Laboratoire national du contrôle des médicaments (LNCM) sont de nouveau interpellés.
Disclaimer : Ni le ministère de la Santé, ni le fabricant n'étaient joignables à la mise en ligne de cet article.
Lire aussi les six précédents volets de l’enquête :
Partie-1 : La grenade dégoupillée de l’industrie pharmaceutique nationale
Partie-2 : La grande arnaque des « labos fantômes » (plus En Off : « Labos fantômes » : Anas Doukkali réagit à l’enquête du Desk)
Partie-3 : La lente agonie de la veille sanitaire marocaine
Partie-4 : Santé : des « Assises du médicament » pour enfumer le débat
Partie-5 : « Assises du médicament » : chronique d’un fiasco annoncé
Partie-6 : Omar Bouazza : l’homme clé de la Santé accusé de racket
©️ Copyright Pulse Media. Tous droits réservés.
Reproduction et diffusions interdites (photocopies, intranet, web, messageries, newsletters, outils de veille) sans autorisation écrite.