Affaire Ghali : l’ex-ministre des Affaires étrangères espagnole toujours aux prises avec la justice

Un an après l'accueil controversé en Espagne pour des « raisons humanitaires » du chef du Front Polisario, Brahim Ghali, la crise diplomatique avec le Maroc qu'il a déclenchée est déjà surmontée avec le récent voyage du président du gouvernement, Pedro Sánchez, à Rabat, mais la procédure légale reste ouverte en raison de la manière dont cette affaire a été gérée n'a pas encore été fermée, rapporte la presse locale.
Jusqu'à présent, l'ancienne ministre des Affaires étrangères espagnole Arancha González Laya fait toujours l'objet d'une enquête, bien que le ministère public ait demandé au tribunal provincial de Saragosse de réviser une première décision de justice et de maintenir la plainte à l’encontre de l’ex-cheffe de la diplomatie ibère.
En sus des remous politico-diplomatiques que cette affaire a suscités, la justice espagnole a passé les neuf derniers mois à enquêter sur l'entrée du leader du Polisario.
Le chef du tribunal d'instruction numéro 7 de Saragosse a ouvert une procédure en juillet 2021 pour clarifier si oui ou non un crime présumé de prévarication et/ou de faux papiers a été commis depuis que le chef des irrédentistes soutenu par Alger a atterri sur le sol espagnol sans passer par les contrôles aux frontières et sans documents de voyage en règle et a été identifié à l'hôpital avec un passeport sous le nom de Mohamed Benbatouche.
La légalité de l'opération contestée
Dans cette procédure, il y a deux accusations, l'une portée par l'avocat Juan Carlos Navarro et l'autre par l'avocat Antonio Urdiales. Le procureur a demandé au juge Rafael Lasala de les dessaisir de l'affaire, mais finalement le parquet s'y est opposé et le magistrat a rejeté la demande des services juridiques qui défendent l'ancienne ministre des Affaires étrangères et son directeur de cabinet Camilo Villarino.
Dans le cadre de la procédure d'enquête, les deux anciens responsables de l'exécutif espagnol ont témoigné comme ayant fait l'objet d'une enquête et ont défendu la version de la légalité de la procédure d'entrée de Ghali.
González Laya a assuré qu'elle avait reçu un appel émanant de l’Algérie – sans toutefois révéler de qui – dans lequel on lui annonçait que le dirigeant du Polisario se rendrait en Espagne à bord d’un avion médicalisé. L’ex-ministre avait alors expliqué que son transfert s'était fait avec « discrétion » car son cas concernait « deux pays voisins » avec des « contingences politiques », faisant référence à l'Algérie et au Maroc, sans toutefois les citer nommément.
Elle a également assuré que le code diplomatique de la zone Schengen donne aux pays la possibilité d'autoriser les entrées en dehors des contrôles ordinaires et que dans les situations humanitaires, celui-ci permet également l'entrée des personnes même sans papiers.
Laya demeure la seule personne sous enquête
Dans le cadre de cet interrogatoire, le juge a reproché à l'ancienne ministre de s'être appuyée sur la loi du secret de fonction pour éviter d'identifier l'autorité algérienne qui l'avait notifiée et les membres de l'exécutif espagnol qui avaient eu connaissance de l'opération. Dans une de ses ordonnances ultérieures, le magistrat a insisté sur le fait que « le premier ministre a dirigé cette action commune ».
En plus d'écouter González Laya et Villarino, le président de la Cour a également interrogé une série de témoins, dont des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur et du gouvernement de La Rioja, des agents des forces et organismes de sécurité de l'État et du personnel de santé.
Le juge a également commandé une batterie de procédures à différentes unités de police, qui ont recueilli des déclarations de certains témoins, ont demandé des informations à des bases de données internationales de la police et ont fourni à la Cour divers rapports sur les pièces d'identité relatives à Ghali.
A ce stade de la procédure, la seule personne actuellement sous enquête dans cette affaire est González Laya. Les représentants du ministère public ont demandé au tribunal provincial de Saragosse de corriger la décision initiale du juge Lasala et d'accepter d'ouvrir une enquête contre l'ancienne ministre.
Le cas de l'ancien chef de cabinet des Affaires étrangères a été classé, mais l'une des accusations a également porté sur cette décision devant la plus haute instance de justice pour demander qu’il demeure aussi sous enquête.
In fine, le sort de l'affaire est pratiquement entre les mains du Tribunal provincial de Saragosse, bien qu'il soit possible qu'en examinant les écrits et en adoptant une décision, le juge ordonne de nouvelles mesures d'enquête.