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11.06.2022 à 15 H 12 • Mis à jour le 11.06.2022 à 15 H 12
Par
Diplomatie

En crise avec l’Espagne, le régime algérien rétropédale à la première injonction de l’Europe

Abdelmadjid Tebboune Le président algérien Abdelmadjid Tebboune © Ramzi Boudina/Reuters
Multipliant les effets de manche et les mesures de représailles à l’encontre de l’Espagne, le régime algérien a été rappelé à l’ordre par l’Union européenne, qui l’a contraint à rétropédaler. Un épisode qui éclaire sur les méthodes cafouilleuses de gestion des crises par La Mouradia dont l’interventionnisme politique intempestif et désordonné dans le champ économique dégrade davantage son image à l’international

En bon parrain du Polisario, l’Algérie enchaîne les sanctions contre l’Espagne en représailles à sa nouvelle position sur le plan d’autonomie marocain, que cette dernière reconnait officiellement depuis mars comme « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible ». Après avoir rappelé son ambassadeur à Madrid et multiplié le chantage au gaz, sa principale, voire l’unique, arme diplomatique, le voisin de l’Est vient de franchir un nouveau cap en décrétant la suspension du traité d’amitié et de coopération qui le lie à son partenaire européen depuis 2002.


Au-delà de sa teneur, cet accord est d’abord le symbole d’une « amitié » née de la détérioration des relations entre le Maroc et l’Espagne après la crise de l’îlot Leila – Alger avait été le seul pays arabe à se ranger du côté de Madrid. En annonçant sa suspension, l’Algérie aspire à renouer le dialogue pour faire revenir l’Espagne à sa position de neutralité. Tout en multipliant les mesures hostiles.


Point d’orgue à cette escalade, le gel des domiciliations bancaires des opérations de commerce extérieur avec Madrid depuis le 9 juin. Une décision prise la veille l’Association professionnels des banques et des établissement financiers (ABEF), comme le montre un courrier du 8 juin médiatisé à dessein. Cette mesure concerne-t-elle aussi le gaz ? Aucune précision n’a été apportée par l’association. Toujours est-il que ce gel est un coup de massue pour les entrepreneurs algériens comme pour Madrid, qui est le quatrième client de l’Algérie avec un volume d’exportation de quelque 3 milliards d’euros par an.


La pantalonnade de Tebboune

C’est aussi le faux pas de trop qui a transformé la brouille diplomatique avec l’Espagne en tensions avec l’Union européenne, le gel des domiciliation bancaires étant considéré comme une violation de l’accord d’association avec les Vingt-sept.


« Nous évaluons les implications des actions algériennes, y compris l’instruction donnée aux institutions financières d’arrêter les transactions entre les deux pays, qui semble être en violation de l’accord d’association UE-Algérie », ont mis en garde vendredi Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission en charge du commerce, Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne, ajoutant que l’Europe « est prête à s’opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à l’encontre d’un État membre ».


Un rappel à l’ordre qui n’a pas manqué de produire son effet. Le même jour, la mission algérienne auprès de l’UE a rétropédalé comme un enfant pris en faute, allant jusqu’à nier l’existence de la mesure. « S’agissant de la prétendue mesure d’arrêt par le Gouvernement des transactions courantes avec un partenaire européen, elle n’existe en fait que dans l’esprit de ceux qui la revendiquent et de ceux qui se sont empressés de la stigmatiser », indique le communiqué algérien.


Courageux mais pas téméraire ! L’ABEF, dont les membres fondateurs sont des établissements détenus par l’État algérien (la Banque extérieure d'Algérie, la Banque nationale d'Algérie, la Banque de développement local, la Caisse nationale d’Épargne et de prévoyance, la Banque de l’agriculture et du développement rural, le Crédit populaire d’Algérie…), a-t-elle pu prendre une décision aussi lourde de conséquences sans l’aval de la présidence ? L’hypothèse prête à sourire.


« Une décision qui fait mal aux entrepreneurs algériens »

Analyste pour le think tank Global initiative, le chercheur en géopolitique algérien Raouf Farrah y voit un « interventionnisme politique dans le champ économique […] problématique puisqu'il accentue la mauvaise réputation de l'Algérie en matière du climat des affaires dans un contexte national de crise socioéconomique », a-t-il réagi sur Twitter.


« On ne le dit pas assez, mais une telle décision fait mal aux entrepreneurs algériens actifs dans la marché espagnol (import &  export de biens). Leur carnet de commandes va en payer le prix. Si le chiffre d'affaires de la balance commerciale (hors-gaz) est bas, il reste non négligeable », poursuit-il.


Ce cafouillage jette une lumière crue sur les méthodes d’un régime cafouilleux qui a érigé le double discours en règle dans ses escalades diplomatiques. D’un côté, on fait « savoir par la voix la plus autorisée, celle de M. le président de la République, qu’elle continuera à honorer tous ses engagements pris dans ce contexte, à charge pour les entreprises commerciales concernées d’assumer l’ensemble de leurs engagements contractuels », comme s’est empressée de le rappeler la mission algérienne à Bruxelles pour signifier en creux, qu’au final, le gaz algérien continuera à être desservi à l’Espagne. De l’autre, des décisions décrétées par circulaires équivoques, indirectes et contradictoires.


Une méthode qui permet ainsi au régime de souffler le chaud et le froid, puis de se dédire à la moindre menace en se cramponnant aux déclarations officielles. Pourtant, la directive de l’ABEF n’a fait qu’officialiser une mesure en vigueur depuis mars dernier, comme en témoigne l’embargo contre la viande bovine en provenance d’Espagne. Selon le directeur des professionnels espagnols du secteur de la production de viande rouge, les pertes s’élevaient en avril à 5 millions d'euros.


En mai 2020, en pleine crise brouille diplomatique avec le Maroc, Abdelmadjid Tebboune avait demandé aux entreprises publiques et privées la résiliation « immédiate » des contrats signés avec des sociétés marocaines. Un effet de manche sans la moindre conséquence sur l’économie marocaine, tant les relations commerciales entre les deux pays sont pour ainsi dire inexistantes.

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